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OrthO-rhumatO | VOL 10 | N°4 | 2012
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introduction
Une douleur chronique se produit aussi bien chez les
patients présentant une pathologie structurelle périphé-
rique, comme les patients atteints d'arthrite rhumatoïde,
que chez les patients présentant des syndromes en relation
avec la sensibilité centrale tels que, par exemple, la fibro-
myalgie et le whiplash chronique.
Les syndromes de sensibilité centrale sont caractérisés
par une sensibilisation centrale ou, en d'autres termes,
une excitabilité et une réactivité accrues des neurones
centraux de la douleur. Cette sensibilité augmentée ou
hyperexcitabilité du système nerveux central se traduit
par une activité spontanée, une réponse accrue aux sti-
muli et un domaine de projection plus grand. Cela se
manifeste alors par une hyperalgésie généralisée (hyper-
sensibilité aux stimuli douloureux), une allodynie (sti-
muli anodins qui sont ressentis comme douloureux) et
une douleur référée généralisée sur plusieurs segments
de la moelle épinière (1). La présence d'une hypersen-
sibilité généralisée et d'une hyperalgésie, même à des
endroits asymptomatiques, et la présence d'une allody-
nie sont les signes d'une sensibilisation du système noci-
ceptif central.
Cela explique pourquoi les patients présentant, par exem-
ple, une fibromyalgie et un whiplash chronique, font état
de symptômes douloureux généralisés sans localisation
claire (2) et souvent sans cause clairement démontrable. Il
y a également dans l'arthrose des preuves de plus en plus
solides de la présence d'une sensibilisation centrale.
Des causes possibles de sensibilisation centrale sont un
wind-up des neurones de la corne dorsale par une stimu-
lation nociceptive soutenue, une défaillance de l'inhibition
endogène de la douleur ou une augmentation de la facili-
tation de la douleur, souvent à la suite de certaines cogni-
tions, d'émotions et de comportements (inadaptés) (= sen-
sibilisation émotionnelle cognitive), comme cela se produit
souvent chez les patients présentant des syndromes de
sensibilité centrale.
Alors que la littérature concernant la sensibilisation cen-
trale, la défaillance de l'atténuation de la douleur, etc. chez
les patients atteints de fibromyalgie, de céphalée chro-
nique, d'arthrose et de whiplash chronique a fortement
augmenté ces dernières années, on commence de plus
en plus à se demander si une sensibilisation centrale ne
pourrait pas aussi jouer un rôle dans d'autres populations
atteintes de douleurs chroniques telles que, par exemple,
les patients souffrant de lombalgie chronique ou d'arthrite
rhumatoïde.
hypothèSE
Bien que l'arthrite rhumatoïde soit caractérisée par des
inflammations articulaires symétriques qui induisent
par conséquent une douleur, il y a malgré tout un cer-
tain nombre de signes cliniques qui pourraient suggé-
rer une sensibilisation centrale. Nous savons qu'en cas
d'arthrite rhumatoïde, la douleur peut survenir sponta-
nément ou lors de mouvements souples dans le cadre de
la mobilité normale. Il s'avère en outre que la sévérité de
la douleur n'est pas toujours proportionnelle à la sévé-
rité de la maladie, et que les tissus (sains) environnants
sont également souvent sensibles. On a aussi rapporté
une douleur référée. D'une manière générale, une sensi-
bilisation périphérique pourrait encore être considérée
comme responsable des douleurs articulaires. La sensi-
bilisation périphérique ou sensibilisation tissulaire est
la conséquence de la libération de certaines substances
chimiques telles que l'histamine, en réponse à un trauma
ou à une inflammation. Les sub stances libérées peuvent
augmenter la sensibilité des nerfs périphériques dans
la région, en vertu de quoi se produit une hyperalgésie
primaire (hypersensibilité à des stimuli douloureux à
l'endroit symptomatique).
La réponse accrue à l'afférence émanant de territoires non
affectés et sans relation, la survenue bilatérale des symp-
tômes et la présence de dysfonctions autonomes donnent
toutefois à penser qu'il existe des problèmes au niveau du
traitement central de la douleur.
Sur la base de cette hypothèse, on a réalisé une étude systé-
matique de la littérature afin d'inventorier ce que l'on sait
déjà des processus de traitement central de la douleur chez
les patients atteints d'arthrite rhumatoïde.
EtudE dE la littératurE
Sur la base d'une étude systématique de la littérature sur
PubMed et Web of Science, 24 articles ont été sélection-
nés. Comme il n'y avait pas beaucoup de littérature dispo-
nible, on a inclus toutes les conceptions d'étude, quelle que
soit leur qualité. La plus grande partie concernait des
études cas-témoins (n = 12) et des revues non systéma-
tiques (n = 6). Par conséquent, la force probante était
généralement faible (3).
manifEStation cliniquE
dE l'arthritE rhumatoïdE
Les premières constatations qui suggéreraient une impli-
cation centrale, se rapportent à la manifestation clinique
de la maladie. Comme cela a déjà été stipulé plus haut, la
sévérité des symptômes ne correspond pas toujours à la
sévérité de la maladie, et les symptômes apparaissent par-
fois spontanément ou persistent après un épisode de mala-
die (4). La survenue symétrique aussi bien des symptômes
que des anomalies radiographiques pourrait indiquer des
boucles neurales bilatérales qui libèrent par exemple de la
substance P (5). Inversement, on voit également que chez