background image
81
l
Neurone
·
Vol 18
·
N°9
·
2013
problématique de l'abus seul et des
mauvais traitements physiques, suscep-
tibles de créer des sensations fortes et
mobilisatrices.
La maltraitance psychologique englobe
l'ensemble des interactions négatives
entre l'adulte et l'enfant, marquées par le
dénigrement, le chantage affectif, la me-
nace, la critique, l'insulte,... Deux para-
mètres sont à prendre en considération:
l'absence de reconnaissance, d'excuse
et de réparation de la part du parent à
l'égard de l'enfant; l'aspect répétitif de
ces agissements. La destructivité de ces
abus émotionnels (emotional abuse) est
telle qu'elle atteint de manière centrale
la construction identitaire de l'enfant et
son estime personnelle. Forme insidieuse
de maltraitance allant jusqu'à l'aliéna-
tion, provoquant des désordres psycho-
pathologiques chez l'enfant, elle de-
mande de la part du pédiatre beaucoup
d'acuité pour être décelée, tant l'enfant,
surface de projection des frustrations
parentales, s'identifie au «mauvais objet
coupable et mal-aimé».
C'est préférentiellement dans le cadre
d'un suivi pédiatrique que la mal-
traitance psychologique pourra être mise
en évidence, par l'absence d'empathie
du parent envers l'enfant, la non-recon-
naissance de ses potentialités et la culpa-
bilisation constante. Notons que les pé-
diatres se sentent parfois peu armés pour
approcher cette forme de maltraitance,
rarement traduite par des éléments tan-
gibles.
Au niveau psychopathologique, on re-
trouve un continuum entre maltraitance
physique, psychologique et négligence
grave, entre autres par les dysfonctionne-
ments au niveau des interactions entre
parent(s) et enfant. Différents types de
négligence sont décrits, mettant l'accent
sur les aspects physiques (hygiène, sécu-
rité, alimentation,...), d'éducation, des
soins ou encore sur la dimension affec-
tive. Ce dernier type peut être compris
comme une maltraitance psychologique,
marquée par les manques (au niveau
émotionnel) à l'égard de l'enfant. Préci-
sons que le terme anglais de «neglect»
sous-tend la gravité de la négligence en-
traînant des répercussions sur le déve-
loppement de l'enfant, son épanouisse-
ment, sans nécessairement faire écho à
une intentionnalité de la part du parent
(enjeux inconscients).
Facteurs de risque versus
facteurs de protection
Pour identifier les enfants à risque, le
professionnel peut s'appuyer sur des
listes de facteurs pouvant prédisposer,
contribuer ou précipiter une situation de
maltraitance. On regroupe ces facteurs
de risque selon qu'ils sont liés à l'enfant,
au parent, aux interactions ou au
contexte social. Ainsi, on sera attentif à
un jeune enfant, à un enfant non désiré,
un enfant qui ne répond pas aux attentes
parentales ou qui présente une anomalie
physique ou une souffrance d'ordre psy-
chique. Du côté du parent, il s'agira de
repérer l'impulsivité (tendance au pas-
sage à l'acte), la faible estime de soi, une
dépression (certainement quand elle
n'est pas reconnue), une affection men-
tale, la consommation de drogue, d'al-
cool (aussi pendant la grossesse), le
manque d'attention et d'empathie envers
l'enfant, la méconnaissance des besoins
de l'enfant (ou des attentes irréalistes),
une enfance marquée par la mal-
traitance, son jeune âge... Plus de fac-
teurs sont réunis, plus le risque est réel;
veillons cependant à éviter une stigmati-
sation car de nombreux parents sont
soucieux de se démarquer de leur propre
histoire (rompre la répétition transgéné-
rationnelle) (6).
Plusieurs facteurs relationnels sont impor-
tants à prendre en compte comme l'écla-
tement familial, la violence conjugale, les
séparations conflictuelles, les ruptures
d'avec la famille élargie, l'isolement et
l'absence d'un réseau de soutien, les
troubles d'attachement entre parent et
enfant. Rappelons la grande vulnérabilité
des enfants en dessous de 3 ans, qui
peuvent plus facilement échapper à la
présence de tiers, autre que le parent.
Enfin, on ne peut négliger les facteurs
liés à la société contribuant activement à
l'état de bien-être ou de stress d'une fa-
mille, comme les inégalités, les discrimi-
nations, la pauvreté, l'exclusion,...
Evoquer succinctement ces facteurs de
risque n'a de poids que si l'on porte
attention aux facteurs de protection,
parfois rassemblés sous la notion de rési-
lience. Il s'agit des composantes de l'es-
time de soi s'étayant, d'une part, sur le
tempérament, la personnalité du sujet et,
d'autre part, sur tous les éléments inter-
subjectifs issus entre autres des liens
d'attachement aux parents. Cependant,
identifier celle-ci se révèle être délicat
étant donné qu'il s'agit d'une caractéris-
tique personnelle, dynamique, d'un indi-
vidu en particulier qui parvient à mobiliser
suffisamment ses ressources pour réduire
les facteurs de risque. Facteurs de risque
et de protection ne sont pas pour autant
un objet et son contraire; diminuer les
premiers ne conduit pas nécessairement
à développer les seconds.
L'ensemble des données évoquées ci-des-
sus demandent nuance et rigueur dans
leur observation et leur interprétation.
Plutôt que de procéder à une
audition au cabinet médical,
nous préconisons de laisser
aux structures spécialisées le
soin d'entendre l'enfant ou,
le cas échéant, de référer la
situation aux autorités
judiciaires.