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l
Neurone
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Vol 18
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N°9
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2013
processus sensoriels, et une meilleure
conscience des expériences senso-
rielles. Il est dès lors proposé tout ré-
cemment par Vago et Silbersweig (Bos-
ton, 2012) que la méditation module le
contrôle de soi par action sur des ré-
seaux de contrôle intégrant des struc-
tures fronto-pariétales (4).
En fait, le choix décisionnel (ou prise
de décision) est actuellement localisé
dans le cortex orbito-frontal médian,
où il est soumis directement à l'in-
fluence de l'amygdale, appartenant au
lobe limbique, et «centre» de nos émo-
tions. Au plan de la neurotransmission,
on pourrait schématiser en précisant
que la stimulation dopaminergique
augmente la prise de risques sur de
faibles probabilités, alors que noradré-
naline et sérotonine agissent sur la sen-
sibilité à une perte éventuelle de ma-
nière opposée, respectivement en
l'augmentant et en la diminuant. Un
traitement par SSRI, renforçant l'effet
sérotoninergique, peut donc influencer
la prise de décision!
Nouveautés concernant
l'autisme
Le Pr Yehezkel Ben-Ari, fondateur et di-
recteur de l'INMED (Institut de neuro-
biologie de la méditerranée) à Marseille,
docteur honoris causa de l'Université de
Liège, lauréat du prix du FNRS belge en
2012, a développé le cours des re-
cherches de son équipe concernant l'in-
térêt probable d'un diurétique pour la
prise en charge de l'autisme. Il part du
constat que l'ion chlore négatif (Cl-) est
beaucoup plus présent dans les neu-
rones chez l'enfant que chez l'adulte et
ceci expliquerait d'ailleurs l'effet para-
doxal chez l'enfant, de certains médica-
ments actifs sur les synapses au GABA
(acide gamma-amino-butyrique), parti-
culièrement des benzodiazépines (cf.
encadré
). Cependant, on observe que
dans les cellules cérébrales saines, l'ac-
couchement est annoncé par un effon-
drement spectaculaire et temporaire du
taux intracellulaire de Cl-, dû à l'action
de l'ocytocine, qui déclenche l'accou-
chement et protège ainsi le cerveau à ce
moment, entre autres d'une sécrétion
exceptionnelle de catécholamines ­
jusqu'à 15x le taux sanguin habituel à
cet âge ­ en raison du stress lié aux diffi-
cultés de passage du bébé dans le «cou-
loir» vaginal et à l'arrivée du nouveau-né
en situation aérobie, et en température
plus fraîche. Cette protection des cel-
lules cérébrales a entre autres un effet
analgésiant et anti-stress. L'orateur af-
firme que cette hypothèse est évidem-
ment à tenir en compte dans l'évaluation
de l'impact des césariennes program-
mées, qui ne comportent dès lors pas les
modifications neurobiologiques clas-
siques d'un accouchement usuel par la
voie vaginale, éclipsant entre autres la
sécrétion naturelle et protectrice d'ocy-
tocine.
Intérêts d'un diurétique dans
l'autisme?
Dans le modèle murin de l'autisme,
cette baisse de Cl- est abolie durant la
phase d'accouchement, sauf si la souris
a été soumise préalablement à un traite-
ment par diurétique (5-6). Il semble donc
bien y avoir une dysrégulation du Cl-
L'ion chlore négatif (Cl-) est beaucoup plus présent dans les
neurones chez l'enfant que chez l'adulte et ceci expliquerait
l'effet paradoxal des benzodiazépines chez les enfants.
L'évolution fonctionnelle
de la synapse au GABA
Il est bien connu de longue date (8)
que, chez l'adulte, les neurones
soumis à l'effet du GABA voient
l'ouverture des canaux Cl- et, dès
lors, l'entrée massive de Cl- dans la
cellule, entraînant un effet inhibi-
teur. Les benzodiazépines sont des
agonistes de certains récepteurs
GABA et ont donc aussi cet effet
d'inhibition (Figure 1).
Chez l'enfant, en effet, le passage
progressif de l'effet excitateur vers
un effet inhibiteur du GABA est lar-
gement accepté (5-6). Les cellules
immatures, contenant de hautes
concentrations en Cl-, sont l'objet
d'un effet excitateur du GABA, par
dépolarisation et sortie du Cl- vers
le milieu extracellulaire (Figure 2).
Plus tard, dans le cours du dévelop-
pement cérébral, le GABA devient
inhibiteur, car hyperpolarisant le
neurone qui contient moins de Cl-
suite à la diminution spontanée
d'activité de la NKCC1 (Na-K-Cl
cotransporteur-protéine). En effet,
cette protéine est surtout exprimée,
chez l'enfant sain, pendant le déve-
loppement précoce du cerveau, et
fait rentrer dans les cellules 2 ions
Cl- pour un Na+ et un K+. Beau-
coup moins exprimée par la suite,
elle serait donc responsable du
changement d'effet au cours de la
croissance (excitateur puis inhibi-
teur) du neurotransmetteur GABA
mais aussi de la glycine.
A l'inverse, la protéine cotranspor-
teur K-Cl, appelée KCC2, fait sortir
conjointement des cellules un ion
K+ et un ion Cl-, diminuant donc le
taux intracellulaire de Cl-. Cette
protéine est exprimée plus tardive-
ment dans le développement céré-
bral et favorise donc un taux intra-
cellulaire de Cl- plus faible chez
l'adulte. Des anomalies génétiques
concernant ces protéines de trans-
port pourraient, dès lors, donner
lieu à des pathologies autistiques
ou épileptiques.