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l
Neurone
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Vol 18
·
N°9
·
2013
Le tableau donne le degré de probabilité
(+: faible, ++: moyenne, +++: haute)
d'observer, de repérer certains indica-
teurs de maltraitance; les colonnes spé-
cifient les contextes de la rencontre, tan-
dis que les rangs reprennent les formes
de maltraitance.
Signes cliniques et suspicions
Certains signes cliniques sont évocateurs
de la maltraitance infligée à l'enfant, cer-
tainement quand il s'agit de traumatisme
physique. Le syndrome somatique de
l'enfant battu regroupe différentes lésions
touchant les muqueuses, les téguments,
les os, les viscères. Les mauvais traite-
ments sont d'autant plus dommageables
qu'ils sont portés à des enfants jeunes. Les
diverses répercussions peuvent être très
sévères, entre autres sur le plan neurolo-
gique en cas de traumatisme cérébral (2).
La difficulté dans le chef du praticien
réside à se positionner face à des lésions
suspectes. Dans ces situations, une atten-
tion particulière sera donnée d'une part
aux éléments explicatifs apportés par les
parents (incohérences, contradictions,...)
et d'autre part, au caractère répétitif des
marqueurs cliniques. Certaines familles
vont opter pour un «doctor shopping»,
tandis que d'autres prendront du temps
avant de présenter l'enfant au médecin,
quand ils ne négligent pas totalement
l'aide médicale.
Les maltraitances sexuelles regroupent
un ensemble vaste et hétérogène dont
les signes sont rarement faciles à déter-
miner, pouvant reposer sur des lésions,
des allégations ou encore des comporte-
ments évocateurs.
Des symptômes ou blessures peuvent
contribuer au diagnostic d'abus sexuel
quand les zones spécifiques sont concer-
nées. La présence d'une maladie sexuel-
lement transmissible chez un mineur
d'âge doit attirer l'attention, tout comme
la découverte d'une grossesse chez une
adolescente représente une situation à
risque. Rappelons toutefois que la majo-
rité des maltraitances sexuelles laissent
bien d'autres empreintes que physiques!
L'examen gynécologique se montre alors
non contributif; aussi ne procédera-t-on
à celui-ci qu'en présence d'arguments
valables pour le réaliser (3).
Certains comportements dits sexualisés
ou érotisés traduisent parfois une expé-
rience d'abus vécue par l'enfant. On re-
trouve chez ce dernier des attitudes in-
adaptées pour son âge développemental
comme des demandes explicites de
contact sexuel, des masturbations com-
pulsives, des imitations de séances
sexuelles impliquant autrui (utilisation
d'objets,...), une érotisation de la socia-
lisation (l'enfant qui «se colle» à l'adulte,
manifeste une séduction tous azimuts),...
L'aspect actuellement pris en grande
considération consiste dans le recueil de
la parole de l'enfant. Certes, si l'on peut
se féliciter de l'importance accordée à
celui-ci, à son statut, les risques sont loin
d'être négligeables de lui faire porter les
responsabilités des lourdes consé-
quences des démarches socio-judiciaires
éventuellement entreprises. La prudence
s'impose dans tous les cas d'allégation,
certainement lorsque l'enfant est plongé
au coeur des multiples enjeux des sépa-
rations conflictuelles (4).
Plutôt que de procéder à une audition au
cabinet médical, nous préconisons de
laisser aux structures spécialisées le soin
d'entendre l'enfant ou, le cas échéant,
de référer la situation aux autorités judi-
ciaires. Il est admis aujourd'hui que les
auditions répétées occasionnent chez
l'enfant plus d'impacts traumatiques
qu'elles n'apportent de réels bénéfices.
Quant à l'examen somatique propre-
ment dit, notons que seule la réalisation
du «kit d'agression sexuelle» demandée
par le magistrat pourra constituer un élé-
ment contributif au dossier pénal (et pro-
tectionnel). Il s'avère dès lors bien déli-
cat pour le pédiatre en pratique privée
de procéder à l'examen de l'enfant sus-
pecté de maltraitance sexuelle; il devra
juger du bien-fondé d'investiguer en
anticipant les éventuelles orientations
ultérieures (5).
Les deux autres formes de maltraitance,
pourtant très fréquentes, sont particuliè-
rement difficiles à observer et à appré-
cier, du moins dans le contexte d'une
première rencontre. Il s'agit de la mal-
traitance psychologique (cruauté men-
tale) et de la négligence. Il est clair que
les médias véhiculent plus souvent la
Contexte
Forme de
maltraitance
Suivi (plus ou
moins régulier)
Premier contact
(ponctuel)
Examen en
urgence (en crise)
Examen du médecin
appartenant à une équipe
pluridisciplinaire
Physique
++
++
+++
+++
Sexuelle
++
+
+++
+++
Psychologique
+++
+
+
++
Négligence grave
+++
++
++
++
Tableau: Degré de probabilité de repérer une forme de maltraitance en fonction des contextes de consultation pédiatrique.