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Neurone
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Vol 18
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N°9
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2013
cours de son hospitalisation, le patient
est devenu agressif et agité, ce qui a em-
pêché la réalisation d'autres examens.
Etant donné la suspicion d'une problé-
matique psychiatrique, les parents nous
l'ont adressé au sixième jour.
Au moment où nous avons examiné le
patient pour la première fois, nous avons
constaté des fluctuations de conscience,
avec alternance d'épisodes de somno-
lence et d'agitation. Bien que le patient
soit orienté dans le temps et dans l'es-
pace, il était parfois incapable d'exécu-
ter des ordres simples, en raison de ses
fluctuations de conscience. La Glasgow
Coma Scale
(GSC) atteignait 14. L'ENC
relevait des mouvements choréiformes
au niveau des bras et du visage. Les ana-
lyses biochimiques, y compris un dosage
sérologique des antistreptolysines et des
anticorps antinucléaires, étaient toutes
normales. Un nouveau bilan toxicolo-
gique et un nouveau CT scan cérébral se
sont également révélés négatifs. On a
pratiqué une ponction lombaire; l'ana-
lyse standard du liquide céphalorachi-
dien était strictement normale. Une PCR
pour le virus varicelle-zona, le virus her-
pès simplex, le cytomégalovirus, le virus
Epstein-Barr et l'entérovirus s'est avérée
négative. En raison d'une agitation
incontrôlable, un traitement par olan-
zapine a été instauré. Cependant, la
poursuite de l'évaluation clinique et la
réalisation d'une imagerie cérébrale ont
également été compliquées par l'agressi-
vité du patient dans notre service.
Deux jours après son admission, le pa-
tient est devenu plus somnolent et on a
remarqué des crises partielles complexes
avec une brève attitude tonique générali-
sée et une déviation de la tête. Un traite-
ment par valproate sodique a été instau-
ré, tandis que l'olanzapine a été arrêtée.
En dépit de ce traitement, le patient est
devenu aréactif au bout de quelques
heures, et on a décidé de le transférer en
unité de soins intensifs. Une analyse de
contrôle du liquide céphalorachidien
montrait une réaction cellulaire (205
leucocytes/µl) et une légère protéino-
rachie (65,2mg/dl). Le moniteur car-
diaque a enregistré de brusques épisodes
de bradycardie et d'asystolie.
Les jours suivants, l'état de conscience
du patient était toujours fluctuant (GCS
3-8/15) et nous notions une chorée pé-
riorale, des spasmes faciaux et un mou-
vement choréiforme de la main et du
pied droits. Dans l'intervalle, des radio-
graphies thoraciques répétées ont permis
de visualiser une masse médiastinale
(Figure 1a). Un CT scan thoracique a
confirmé la présence d'un tératome ma-
ture (Figure 1b). La présence d'anticorps
contre le récepteur NMDA dans le sérum
et le liquide céphalorachidien (titre 1,5)
a confirmé l'hypothèse diagnostique
d'encéphalite auto-immune.
Un traitement à base de corticostéroïdes
intraveineux à hautes doses a été instau-
ré le sixième jour de l'hospitalisation.
Une médiastinoscopie urgente et une
résection du tératome ont été effectuées
le jour suivant. Par ailleurs, huit séances
de plasmaphérèse ont été programmées.
Au bout de quelques semaines, comme
l'état clinique du patient ne s'améliorait
pas suffisamment, on a ajouté du cyclo-
phosphamide au schéma thérapeutique,
à raison de trois fois 500mg administrés
à un mois d'intervalle.
Au bout de quatre semaines de fluctua-
tions de conscience et de complications
infectieuses, le patient a pu regagner
notre unité. A ce moment, il ouvrait les
yeux spontanément et pouvait effectuer
des mouvements de poursuite oculaire
ciblés. Il présentait toujours des myo-
clonies au niveau de la commissure la-
biale gauche et des deux mains, ainsi
qu'une rigidité en roue dentée au ni-
veau des deux membres supérieurs.
L'évolution s'est caractérisée par une
amélioration progressive et, au bout
d'un mois environ, une interaction nor-
male avec le patient était possible. Il
persistait toutefois un tremblement d'at-
titude et un tremblement intentionnel
au niveau de la main droite. Le patient
a pu quitter l'hôpital au bout de quatre
mois. Au moment de sa sortie, il présen-
tait une légère démarche ataxique et un
comportement frontal se manifestant
par une légère désinhibition et une hy-
perphagie. Les taux d'anticorps ont été
contrôlés au moment de sa sortie (0,5)
et un traitement d'entretien par corti-
costéroïdes oraux a été instauré (32mg).
Discussion
L'encéphalite avec anticorps contre le
récepteur NMDA est une affection neu-
rologique auto-immune rare due à la
production d'anticorps contre les pro-
téines synaptiques. Initialement, on a
supposé qu'il s'agissait d'une affection
paranéoplasique, le plus souvent asso-
ciée à des tératomes, comme ce fut éga-
lement le cas chez ce patient.
La plupart des cas d'encéphalite avec
anticorps contre le récepteur NMDA
sont décrits chez de jeunes femmes at-
teintes d'un tératome ovarien. Ce cas est
intéressant car il s'agit ici d'un jeune
homme souffrant du syndrome de Kline-
felter, une affection dont on sait qu'elle
est associée à un risque accru de téra-
Figure 1a: Les radiographies
thoraciques répétées ont mis
en évidence une masse
médiastinale.
Figure 1b: Le CT scan du
thorax a confirmé la présence
d'un tératome mature.
1a
1b
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