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l
Neurone
·
Vol 18
·
N°9
·
2013
cerveau représente environ 2% du poids
corporel, mais contient plus de 20% de
notre cholestérol total. Le cerveau doit
donc synthétiser son propre cholestérol
et ceci, à travers ses différentes cellules,
qu'elles soient neuronales ou gliales.
Une équipe de chercheurs de l'UCL ap-
partenant à l'Institute of Neuroscience
(IoNS) et menée par le Pr Jean-Noël
Octave s'est intéressée à la synthèse
et à l'élimination du cholestérol par les
neurones, ainsi qu'aux pathologies asso-
ciées dans le cadre des démences, parti-
culièrement de type Alzheimer. Jean-
Noël Octave est non seulement le Prési-
dent de l'IoNS, mais aussi le responsable
du groupe de recherche «Alzheimer-
Dementia» situé dans la tour Pasteur sur
le campus de l'UCL à Bruxelles. C'est là
qu'il nous a reçu avec son équipe (Photo
1
) pour répondre à nos questions sur les
résultats de leurs récentes recherches (1).
Où en est actuellement la
recherche internationale dans
le cadre de la maladie
d'Alzheimer?
Les lésions caractéristiques de la mala-
die d'Alzheimer comportent, d'une part,
des plaques séniles où l'on retrouve le
peptide A-bêta 42 provenant du clivage
de l'APP (protéine précurseur de l'amy-
loïde) par les bêta- et gamma-sécrétases.
Le peptide A-bêta 42 est toxique non pas
par lui-même (à la limite, il aurait même
un effet trophique), mais par sa présence
en excès chez certains patients. D'autre
part, la seconde caractéristique est la
présence associée de dégénérescence
neurofibrillaire en rapport ici avec la
protéine tau. Si l'on peut parler de forme
familiale dans 30% des cas d'Alzheimer
(à rapprocher des facteurs de risque par-
ticuliers qui restent encore à préciser),
l'hérédité dominante dans cette affection
ne concerne qu'1% des cas. Elle est
concentrée sur des mutations relevées
sur 3 gènes: celui de l'APP et ceux des
préséniline 1 et 2 (PS1 et 2), enzymes
catalysant l'activité gamma-sécrétase.
L'une ou l'autre de ces anomalies gé-
niques engendre alors une cascade amy-
loïde avec de nombreux amas de dégé-
nérescence neurofibrillaire et plaques
séniles.
Quant à l'évolution de la recherche thé-
rapeutique dans ce domaine, elle est fort
pauvre. En effet, en première hypothèse,
on pouvait essayer d'éliminer les plaques
séniles, entre autres par immunothéra-
pie, mais de nombreuses études récentes
n'ont pas démontré d'amélioration,
même si on obtenait un certain «net-
toyage» de ces plaques.
Seconde hypothèse: réduire l'apparition
de plaques séniles en agissant sur les
gamma-sécrétases, mais les molécules
inhibant ces enzymes entraînent trop
d'effets secondaires et ont dû être aban-
données. Quant à l'action via les bêta-
sécrétases, les études sont en cours, mais
peu de résultats positifs germent pour
l'instant.
Devant ces difficultés, il semble intéres-
sant de limiter les recherches à une frac-
tion de patients chez qui les lésions sont
tout à fait typiques, c'est-à-dire le pour-
cent de patients atteints de la forme hé-
réditaire de la maladie d'Alzheimer.
Ainsi a récemment été créé un réseau
mondial de collecte de patients, appelé
DIAN (Dominant Inherited Alzheimer
Network). Chez ce type de patients, on
est sûr du développement d'une maladie
d'Alzheimer et on peut même préciser
de manière assez régulière l'âge de dé-
but (aux environs de 54 ans). À noter que
l'imagerie montre une charge amyloïde
anormale déjà 20 ans plus tôt, ce qui
confirme la nécessité de la précocité
d'action.
Comment vous êtes-vous dès
lors tourné vers la recherche
concernant le cholestérol
cérébral?
Un nouveau type d'études génétiques
appelées GWAS (Génome Wide Asso-
ciation Study
) a permis de déterminer
des facteurs de risque génétiques chez
les patients Alzheimer. Depuis 1993, on
sait que le génotype epsilon 4 de l'apoli-
poprotéine E est particulièrement retrou-
vé chez de nombreux patients Alzheimer
(l'apolipoprotéine est abondante dans le
cerveau: il s'agit d'une protéine trans-
portant le cholestérol). Les GWAS ont
également mis en évidence l'impact de
l'apolipoprotéine J et du gène codant
ABCA7, un transporteur membranaire
du cholestérol.
Quel est le lien entre le
cholestérol neuronal et la
protéine APP?
Jusqu'il y a peu, aucune fonction précise
n'était attribuée à la protéine APP.
Lorsqu'on utilisait des souris knock-out
pour l'APP, il n'y avait pas d'apparition
Le cholestérol sanguin n'arrive jamais dans le cerveau car
il ne passe pas la barrière hémato-encéphalique,
alors que le cerveau est l'organe qui contient
proportionnellement le plus de cholestérol.
Si l'on peut parler de forme
familiale dans 30% des cas
d'Alzheimer, l'hérédité
dominante dans cette
affection ne concerne
qu'1% des cas.