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71
l
Neurone
·
Vol 18
·
N°9
·
2013
ESSAI
l'
anthropopsychiatrie
,
paradigme
de
notre
temps
(2
e
partie
)
L'anthropopsychiatrie offre à la psychiatrie un système cohérent et logique, qui
peut également servir de cadre de pensée ouvert, dans lequel les définitions ne
sont jamais arrêtées et fixées. En ce sens, elle se distingue du délire scientifique
qui veut tout définir, qui veut avoir le dernier mot en toutes choses. Il est tout
bonnement impossible d'appréhender, en une définition, ce qu'est un être
humain, homme ou femme, ce qu'est le désir ou «le» trouble mental. La pensée
dépasse toujours la définition...
Une politique audacieuse doublée d'une vision à long terme permet des
interactions entre les personnes, crée des «Maisons Vertes», des lieux de rencontre,
mais également des «rencontreurs». Ce sont des personnes chaleureuses qui
dynamisent, qui partent à la recherche des brebis égarées, des isolés, qui
accueillent les personnes écrasées par une impitoyable société méritocratique
qui les traite comme du bétail. Comment peut-on humaniser la société? Comment
peut-on ici rester concentré sur le sujet vivant?
L'anthropopsychiatrie et la politique
Qu'en est-il de la politique? L'anthropopsychiatre est un indispensable conseiller
pour les «décideurs sociaux», qui doivent statuer du salut des âmes de la population.
A titre d'exemple: j'ai récemment été convié à une réunion avec notre équipe de
soins palliatifs. Il était temps de discuter, au sein de notre institution, de l'organisation
de l'euthanasie en cas de souffrances psychiques intolérables.
J'ai été saisi d'effroi. Une euthanasie motivée par des souffrances psychiques
intolérables en dit long sur la pseudo-autonomie effrénée de l'homme dans notre
société vouée au culte de la personne, qui, par-dessus le marché, va également
orchestrer sa propre mort. Elle en dit également long sur le manque de chaleur sociale,
de dévouement, d'accessibilité, bref, sur la solitude dans notre société néolibérale.
Consterné, j'ai refusé de participer à cette «tuerie» en contradiction flagrante avec
mes sentiments profonds de médecin prônant la vie.
Il s'agit d'un problème social, et donc politique, auquel on a trouvé une solution de
facilité typique, qui répond au désir d'autonomie du citoyen (un maximum de droits,
et de préférence aucun devoir). En outre, cette solution rapporte des voix: elle déplace
le problème vers un autre (le médecin), et le problème disparaît de lui-même. Bon
débarras! Mais pour votre euthanasie, vous voulez bien attendre que les élections
soient passées?
Une politique audacieuse doublée d'une vision à long terme permet des interactions
entre les personnes, crée des Maisons Vertes, des lieux de rencontre, mais également
des «rencontreurs». Ce sont des personnes chaleureuses qui dynamisent, qui partent à
la recherche des brebis égarées, des isolés, qui accueillent les personnes écrasées par
une impitoyable société méritocratique qui les traite comme du bétail. Comment peut-
on humaniser la société? Comment peut-on ici rester concentré sur le sujet vivant?
Leo Ruelens
Psychiatre-psychanalyste
Département psychiatrique de l'hôpital
Sint Andries, Tielt
Enseignement post-gradué de psychothérapie
psychanalytique, KULeuven
N1989N