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l
Neurone
·
Vol 18
·
N°9
·
2013
L'importance de l'évolution du
processus dégénératif
Pour cela il faut revenir aux premiers es-
sais de lévodopa chez des patients avec
une longue évolution, mais jamais expo-
sés à la molécule. En 1969, Duvoisin et
al. (6) ont en effet montré que 8/30 par-
kinsoniens évoluant depuis plus de 10
ans et traités par anticholinergiques dé-
veloppaient des dyskinésies dans les 4
semaines après la première administra-
tion de lévolopa!
Il faut donc que la voie nigrostriée ait
déjà subi une importante dénervation
pour que ces phénomènes surviennent.
Au début, la capacité de stockage pré-
synaptique de dopamine reste suffi-
sante pour réguler une administration
trop importante ou trop faible en lévo-
dopa. Plus tard, cette capacité de «buf-
fering
» disparaît et survient alors un
raccourcissement de l'effet d'une prise.
Parallèlement, se produit une hyper-
sensibilité des récepteurs post-synap-
tiques D2, mais aussi glutamater-
giques, expliquant la brutalité des
changements et l'apparition des dyski-
nésies. Ces mécanismes de sensibilisa-
tion des récepteurs restent toutefois
imparfaitement élucidés. Cette théorie
semble étayée par le fait que l'adminis-
tration continue jéjunale d'un gel de
lévodopa réduit considérablement les
fluctuations motrices et non motrices.
Attitude pratique au stade
précoce des fluctuations
d'efficacité
Tout neurologue soignant les parkinso-
niens sait que le traitement doit être tail-
lé sur mesure en fonction de l'âge du
patient, les symptômes qui prédominent,
les pathologies connexes, l'insertion
professionnelle et sociale, et le support
apporté par l'entourage.
Clairement, administrer des anticholi-
nergiques ou des agonistes à un pa-
triarche de 80 ans souffrant d'un léger
tremblement de repos se soldera par un
désastre sur le plan cognitif. Dans ce cas,
mieux vaut parfois ne rien faire.
A l'opposé du spectre, un maçon actif
de 35 ans avec un syndrome akinéto-
rigide marqué et latéralisé nécessitera
un traitement puissant lui permettant
de rester actif, mais le risque d'appari-
tion rapide de fluctuations sous lévo-
dopa est important. Je privilégie alors
les agonistes à bonne dose, un IMAO-B
(inhibiteur de la mono-amine-oxydase
type B) dans l'hypothèse d'une pos-
sible mais incertaine action neuropro-
tectrice, et aussi de faibles doses de
lévolopa car d'expérience, ce type de
patient ne «tient» pas longtemps sous
agonistes seuls, avec en outre les
risques de désordres psychiatriques
spécifiques aux patients jeunes (pun-
ding
, etc.).
Pour le patient d'âge moyen, j'opte
d'emblée pour une faible dose de lévo-
dopa (3x 100mg) avec adjonction ra-
pide d'un agoniste à bonne dose et un
IMAO-B. Pourquoi donner directement
de la lévodopa? Parce que ce n'est pas
toxique et que cela apporte un soulage-
ment immédiat, ce qui renforce le lien
de confiance entre le patient, souvent
désarçonné par le diagnostic, et son
médecin. On a alors le temps d'expli-
quer pourquoi on ajoute d'autres sub-
stances, pourquoi éventuellement on
réduit la lévodopa, et ce qu'on propose
en plus (sport, kinésithérapie, logopé-
die, etc.).
Puis vient le suivi au fil du temps. J'es-
saie de revoir chaque patient tous les 3 à
6 mois. Quand c'est possible, j'aime que
le parkinsonien soit accompagné par son
conjoint ou un proche. C'est une aide
capitale à l'anamnèse, notamment pour
la détection précoce de dyskinésies,
dont le patient peut n'être pas conscient
mais aussi et surtout pour les troubles
non moteurs, souvent ignorés ou niés
par le malade (hypersomnie, notamment
au volant, hallucinations, troubles
sexuels et autres problèmes psychia-
triques).
Les questions à poser en
consultation
J'ai quelques questions rituelles:
1. Avec votre traitement actuel, êtes-
vous capable d'entreprendre toutes
vos activités habituelles, même si
cela peut vous prendre plus de
temps?
2. Depuis la dernière visite, avez-vous
été obligé d'abandonner certaines
activités coutumières et, si oui,
pourquoi?
3. Ressentez-vous des symptômes
nouveaux qui vous perturbent?
4. A-t-on apporté des changements à
votre traitement médical, même
pour d'autres affections?
Si la réponse à ces diverses questions est
rassurante de la part du patient et de
l'accompagnant, le traitement est main-
tenu, tout comme la fréquence habi-
tuelle de consultations. Dans le cas
contraire, il faut commencer à «creuser»
pour déterminer ce qui ne va plus. Un
récent ouvrage (7) fait le point sur ce
qu'on appelle l'evidence-based medi-
cine
, pour aider à résoudre ces difficul-
tés.
Je vais néanmoins tenter de répondre à
quelques situations classiques quand les
fluctuations d'efficacité commencent à
être notées. Il n'est pas question ici de
Depuis la dernière visite,
avez-vous été obligé
d'abandonner certaines
activités coutumières et, si
oui, pourquoi?