![]() roulotte de foire, pour leur soutirer quelques sous. Au fur et à mesure que l'intrigue se déroule, le spectateur est convaincu de la méchanceté de Caligari puis de sa culpabilité. Des documents attestent de la capacité du savant à ma- nipuler Cesare durant son sommeil et à lui faire tuer qui bon lui semble. L'odieux savant fou s'échappe pour mieux se réfu- gier dans un asile d'aliénés dont il est le directeur. Démasqué, camisolé, il som- bre dans la folie. «twist» fascinant. Après avoir raconté sa terrible histoire, Francis se lève et on dé- couvre qu'il est interné dans un hôpital psychiatrique. L'histoire d'un fou est ra- contée par un fou! Dans un décor représentant l'asile dans tout ce qu'il a de plus angoissant, Francis hurle son dé- lire. Dans la cour principale, oppres- sante et exiguë, arrive alors le psychiatre. Il a les traits de Caligari. A son entrée, les patients se prosternent, les infirmiers s'écartent. Dans toute sa majesté et rem- pli de science, l'homme de l'art s'écrie: «Il me prend pour Caligari le mystique. Je sais désormais comment le soigner!» service de la peur révolution dans l'histoire du cinéma. Sommet de l'expressionnisme ciné- découvrir un des plus grands pouvoirs du média cinématographique: faire peur au spectateur. Pour y arriver, le film développe toute une série d'innovations. Les contrastes lumineux sont utilisés avec subtilité. Les ombres accentuent le malaise. Les décors sont anguleux, les angles de vue innovent grâce à d'irréelles contre-plongées. Le jeu des acteurs est excessif et perturbant. Ces nouveautés techniques atteindront leur but et trau- matiseront tous ceux qui, en 1920 et après, auront la chance et le courage de voir le film. Elles auront également une influence majeure sur toute la produc- tion cinématographique allemande et mondiale. des malades mentaux immoraux et agressifs vertes de la psychiatrie scientifique mo- derne. Robert Wiene, le réalisateur et les scénaristes Carl Mayer et Hans Janowitz sont visiblement imprégnés des manuels nosographiques de Kraepelin et de ses successeurs. Transformant les descrip- tions de délires ou d'hallucinations étalées dans les traités de psychiatrie en scènes cinématographiques mémora- bles, ils définissent pour longtemps les malades mentaux comme des person- nages effrayants, dénués de la moindre humanité. Bêtes sauvages, agressifs et sonnages idéaux pour des scénaristes en mal de «méchants» aux motivations troubles et morbides. tences sémiologiques aiguisées, est le seul à pouvoir les guérir, voire les punir. Dé- peint comme l'antithèse du charlatan, le psychiatre fascine par sa connaissance des mécanismes psychiques. Il est également une figure de la loi, magistrat du psy- chisme, personnifiant le bien et définissant la morale. Il suscite crainte et admiration, comme le démontre son arrivée à la fin du film. Ses propos sont définitifs et ne souf- frent aucune contradiction. D'aucuns ont analysé le Cabinet du Docteur Caligari comme une prémonition funeste des an- nées d'enfer que vivront l'Allemagne et le monde quelques années plus tard. La figure de Caligari, dans la première partie du fil, savant fou capable d'endormir les foules, est souvent présentée comme une métaphore du nazisme. Seul le psychiatre, fort de sa science et de sa morale, ne se laisse pas endormir. psychiatrie scientifique et descriptive. Mais cela va bientôt changer grâce à la propagation dans les milieux artistiques des théories d'un certain Sigmund Freud... 1. de Robert Wiene (Allemagne, 1920). Avec Werner Krauss, Conrad Veidt, Lil Dagover. lecture de Neurone agréable et diversifiée, nous recherchions depuis quelques mois une nouvelle rubrique intéressante. Un vent favorable nous a amené à Uccle, auprès de Pierre Oswald, psychiatre et cinéphile très averti. Celui-ci nous a proposé une rubrique mensuelle dédiée à la présentation de films où les psychiatres sont mis en évidence! Ainsi, nous évoquerons des films où les psychiatres tiennent un rôle un tant soit peu important, ce qui amène évidemment à des commentaires sur la psychiatrie et son évolution au fil de ces dernières décennies. Les cinéphiles seront sans doute ravis de ces rappels. Les autres dès lors donner l'envie de voir ou revoir les films proposés. disponibilité pour Neurone! Nous souhaitons que cette initiative ne soit pas isolée: si d'autres lecteurs(-trices) ont aussi une initiative semblable à proposer, nous sommes à leur disposition pour les rencontrer et créer la collaboration qui nous tient fort à coeur, car Neurone est votre revue, que nous essayons de rendre la plus proche de vos attentes pour votre plaisir de lire! Jean-Emile Vanderheyden, au nom de toute la Rédaction |