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l
Neurone
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Vol 18
·
N°9
·
2013
Quels sont les signes qui
doivent attirer toute notre
attention?
Tout d'abord, il est nécessaire d'avoir
une bonne connaissance du développe-
ment du jeune enfant pour pouvoir
mettre en évidence les signes atypiques
de son évolution. Nous vous livrons ici
quelques repères cliniques qui doivent
bien entendu être considérés dans le
contexte global du développement de
l'enfant et de son environnement.
Le rapport de l'INSERM (2003) met en évi-
dence comme signes d'alerte absolue des
troubles envahissants du développement:
·
l'absence de babillage à 12 mois;
·
l'absence de gestes (pointage, au
revoir de la main...) à 12 mois;
·
l'absence de mots à 16 mois;
·
l'absence de combinaisons de deux
mots spontanées (pas seulement
écholaliques) à 24 mois;
·
n'importe quelle perte de compétence
(de langage ou sociale) à tout âge.
Dans leur article consacré aux recom-
mandations pour la pratique clinique, A.
Baghdadli et al. (3) mettent en exergue la
présence de certains signes avant l'âge
de 2 ans: passivité, pauvreté de réactivité
et de l'anticipation sociale, difficulté
dans l'accrochage visuel et l'attention
conjointe, retard de langage, absence de
pointage, de désignation d'objet et de
jeu (social, imitatif, fonctionnel ou de
«faire semblant»).
Notre pratique clinique nous permet de
confirmer ces observations, soit par leur
présence chez les jeunes enfants qui ont
présenté un diagnostic d'autisme par la
suite, soit chez des enfants plus âgés lors
de la description par les parents de leurs
antécédents.
Au niveau de la communication, on peut
voir apparaître un retard dans le déve-
loppement du langage non compensé
par des gestes. Le jeune enfant peut par-
fois répéter des sons ou des mots par
écholalies. Il ne pointe pas pour réaliser
ses demandes. Il peut utiliser la main de
l'adulte pour ses besoins comme un pro-
longement de lui-même et souvent sans
regard adressé. Le contact oculaire est
en effet souvent absent ou fluctuant.
Parmi les troubles des interactions so-
ciales précoces, on peut repérer une ab-
sence de réciprocité sociale lors du par-
tage d'un objet, une absence d'attention
conjointe et de pointage (lors de la pré-
sentation d'un livre d'images par
exemple). L'enfant est décrit comme
calme, trop calme, passif malgré les sti-
mulations des parents ou de la fratrie. Il
ne tendra pas les bras pour être porté,
n'appellera pas lorsqu'il est éveillé le
matin. Le jeune enfant ne réagira pas à
l'appel de son prénom et se montrera
indifférent aux voix familières.
En ce qui concerne les intérêts et com-
portements particuliers, le jeune enfant
peut montrer un vif intérêt pour des acti-
vités sensorielles ou sensori-motrices. Il
garde pendant longtemps une explora-
tion des objets en les portant à la bouche.
Il peut agiter des objets devant ses yeux.
Il a tendance à utiliser les jouets propo-
sés de manière particulière, en explorant
certains aspects. Il peut s'attacher à cer-
tains objets plus inhabituels. Il peut être
pris dans des activités répétitives de jeter
les objets proposés. Il peut se montrer
absorbé par la rotation d'un ventilateur
ou d'une machine à laver. Un peu plus
grand, il peut passer son temps à allumer
et éteindre les lumières... Ses activités et
ses jeux sont souvent très répétitifs
comme jeter, aligner des objets... L'en-
fant ne développe pas à cet âge des jeux
de «faire-semblant» comme jouer à la
dînette, répondre au téléphone... Il peut
présenter certaines stéréotypies comme
des mouvements de flapping, des rota-
tions sur lui-même, des mouvements de
balancement. Il peut montrer une sensi-
bilité excessive à certains bruits.
Le sommeil et l'alimentation peuvent
également être perturbés, avec la pré-
sence de troubles de l'endormissement
ou d'insomnies ainsi que le développe-
ment d'une sélectivité alimentaire.
Comme le souligne Baghdadli (3), une
attention toute particulière devra être
retenue face au développement des
jeunes enfants dans les fratries où un
enfant présente déjà un trouble autis-
tique ou TED, en raison du risque plus
élevé de récurrence de TED et du risque
de survenue d'autres troubles du déve-
loppement.
Utilisation d'instruments de
dépistage
Baron-Cohen et al. (4, 5) ont identifié à
l'âge de 18 mois les domaines du déve-
loppement qui apparaissent particulière-
ment prédictifs d'un trouble lorsqu'ils
sont absents: le pointing proto-déclaratif,
l'attention conjointe, les jeux de faire
semblant, l'imitation, le jeu social et l'in-
térêt social. Ces auteurs ont construit et
validé une échelle, le CHAT (Check-list
for Autistic Toddlers
). Il s'agit de ques-
tions posées aux parents et d'items résul-
tant de l'observation de l'enfant par des
professionnels. Cet instrument s'est révé-
lé avoir une très bonne spécificité, mais
une faible sensibilité. Cet outil a ensuite
été modifié en un questionnaire pour les
parents: the Modified Checklist for Au-
tism in Todlers
(M-CHAT) (6). L'équipe
de Dereu et al. (7) a développé un instru-
ment adressé aux enfants de 3 mois à 3
ans intitulé Cheklist for Early Signs of
Developmental Disorders
(CESDD). Il
s'agit de cibler les enfants à haut risque
qui ont besoin d'une évaluation déve-
loppementale plus approfondie.
Diagnostics différentiels
Les premiers diagnostics différentiels à
exclure sont les troubles sensoriels tels
que la surdité ou les troubles de la