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l
Neurone
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Vol 18
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N°9
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2013
activité amygdalienne significative en
phase folliculaire alors que les taux de
progestérone sont au plus bas. Pour l'in-
vestigateur, cette hyperactivité de fond
de l'amygdale serait encore exacerbée
par les variations hormonales du cycle,
constituant dès lors un facteur de vulné-
rabilité au trouble dysphorique prémens-
truel et, par extension, aux troubles de
l'humeur, à l'anxiété et à la dépression,
qui, rappelons-le, sont deux fois plus fré-
quents chez les femmes non ménopau-
sées entre 15 et 45 ans. Si ces résultats se
confirment, l'amygdale pourrait bien
constituer une nouvelle cible pour amé-
liorer le traitement des troubles féminins
de l'humeur.
Inflammation et stress oxydatif,
les nouvelles cibles
thérapeutiques
Voici près de 30 ans que le traitement
des troubles de l'humeur est dominé par
les monoamines, dopamine, sérotonine,
noradrénaline ou mélatonine, avec un
indéniable succès, mais en laissant ce-
pendant sur le bord de la route nombre
de patients non répondeurs ou victimes
de rechutes à répétition. Pour le Pr Berk
(Deakin University, Geelong, Australie),
il est plus que temps d'abandonner l'hé-
gémonie de la voie des monoamines car
le pipeline thérapeutique en psychiatrie
et en neurologie axé sur cette seule voie
s'assèche dangereusement (2). Pour ex-
plorer de nouvelles pistes, tournons-
nous vers les neurosciences, dont les
constants progrès ont mis à jour des
voies physiopathologiques alternatives,
communes à la schizophrénie, aux dé-
pressions uni- et bipolaires ou aux ad-
dictions, comme l'inflammation chro-
nique, le stress oxydatif, la réduction des
neurotrophines,
l'augmentation
de
l'apoptose neuronale ou le dysfonction-
nement mitochondrial, qui prive la cel-
lule de son énergie vitale. Dans ce
contexte, une molécule, plus exacte-
ment un acide aminé, semble extrême-
ment prometteuse, la N-acétylcystéine
(NAC), qui agit sur la plupart de ces voies
peu explorées.
La NAC stimule le glutathion, un agent
antioxydant majeur, présente des pro-
priétés anti-inflammatoires, augmente le
taux de protéines de croissance, réduit
l'activité des circuits responsables de
l'apoptose et améliore le fonctionne-
ment des mitochondries. Ces multiples
propriétés ont été évaluées lors de ré-
cents essais cliniques qui montrent un
effet bénéfique sur les symptômes princi-
paux de la schizophrénie, en particulier
les symptômes négatifs souvent rebelles
(apathie, motivation, sociabilité), ainsi
que sur la dépression uni- et bipolaire ou
les symptômes de manque accompa-
gnant le sevrage tabagique, à la cocaïne
ou au cannabis. La NAC est bien tolérée
puisque le principal effet secondaire ob-
servé se limite à la survenue de nausées.
D'autres substances prenant pour cible
l'inflammation chronique et le stress
oxydatif sont en cours d'évaluation,
comme l'aspirine, les COX-inhibiteurs,
les statines, les oméga-3 et même un
antidiabétique, la pioglitazone. Capitali-
ser sur les acquis concernant le rôle du
stress oxydatif et de l'inflammation dans
le processus physiopathologique de
nombreuses affections psychiatriques
ouvre donc de nouveaux horizons théra-
peutiques, ce qui n'est pas trop tôt!
Références
1.
E. Comasco, A. Hahn, S. Ganger, M. Gingnell, E.
Bannbers, L. Oreland, J. Wikström, R. Lanzenberger, I.
Sundström-Poromaa. Anterior cingulate cortex
reactivity to emotion processing in premenstrual
disphoric disorder. Abstract#P.1.i.018.
2.
M. Rapado-Castro, S. Dodd, O. Dean, Z.X. On, A.I.
Bush, M. Berk. N-Acetyl cysteine as a potential tobacco
use cessation agent in bipolar disorder and
schizophrenia. Abstract#P.1.g.025.
3.
J. Caboche, P. Vanhoutte, N. Heck. From dopamine to
synaptic plasticity: the natural history of transition to
addiction. Abstract#S.26.01.
Inhiber la kinase ERK, une nouvelle voie pour lutter contre les addictions
Les Docteurs Caboche et Vanhoutte (Laboratoire de physiopathologie
des maladies du SNC, Université Paris 6, Jussieu) ont consacré une
part importante de leurs recherches à mettre à jour et à comprendre
les adaptations neuronales survenant au niveau cérébral en réponse
à l'abus de substance et conduisant à l'addiction (3). En particulier,
ils ont découvert que l'injection, chez la souris, de différentes
drogues (cocaïne, nicotine, amphétamines, cannabis) enclenchait
une même voie enzymatique, celle des kinases ERK (Extracellular
signal-Regulated Kinase
) qui s'accumulent dans les cellules du
striatum avec, pour résultat, une modification de la plasticité
synaptique conduisant à une profonde modification du système
normal de récompense, base des processus addictifs.
Ils ont aussi pu démontrer que l'activation du système ERK
nécessite la stimulation des récepteurs D1 à la dopamine et des
récepteurs NMDA (rôle essentiel pour la plasticité synaptique).
L'étape suivante sera maintenant de trouver le ou les agents
pharmacologiques capables de bloquer la voie ERK soit
directement, soit en agissant sur les récepteurs D1 et/ou NMDA.