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ortho-rhumato | Vol 9 | N°3 | 2011
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Cette théorie a également donné naissance à sa célèbre
«théorie de l'impingement», selon laquelle une compres-
sion extrinsèque provoque une usure tendineuse. Le traite-
ment qu'il a proposé (acromioplastie selon Neer) l'a rendu
mondialement célèbre (5). Mais avait-il vraiment raison?
Lors d'études ultérieures, on a constaté que les déchirures
au niveau de la face inférieure (face articulaire) du tendon
étaient beaucoup plus fréquentes et qu'elles étaient même
assez postérieures (partie postérieure du sus-épineux et du
sous-épineux).
L'usure ne provient vraisemblablement pas uniquement
du frottement, mais aussi de torsions du tendon en hyper-
abduction - rotation externe, ce qui entraîne une hypoxie
répétitive du tendon, selon Rathburn et Macnab (2, 6).
Selon toute probabilité, la cause d'une lésion perforante
totale est plutôt multifactorielle et liée à l'âge, à une fai-
blesse intrinsèque, à une surcharge, à une pression extrin-
sèque et à un traumatisme. Il est probable qu'il y ait encore
un certain nombre d'inconnues, comme par exemple une
dégénérescence du collagène en raison d'une réponse auto-
immune, ou des facteurs iatrogènes tels que l'administration
locale de corticoïdes, mais aussi le tabagisme (7).
En outre, des patients souffrant de rhumatismes présen-
tent également des déchirures de la coiffe des rotateurs. On
observe des problèmes scapulaires chez 75% des patients
souffrant d'arthrite rhumatoïde, présentant un facteur rhu-
matoïde positif. Cette maladie systémique est responsable de
la destruction articulaire du cartilage, de l'os et des tendons.
D'un point de vue radiologique, le stade final sera identique à
l'arthropathie post-rupture de coiffe ou cuff tear arthropathy
(4), en l'occurrence une omarthrose excentrique, avec davan-
tage de destruction osseuse en cas de rhumatisme.
Halverson a décrit ceci au début des années 80 sous le nom
du Milwaukee shoulder syndrome (8), qui était selon lui
imputable à l'inflammation microcristalline des cristaux
phosphocalciques. La phagocytose de ces cristaux par des
macrophages induit une réponse inflammatoire avec des-
truction de la coiffe et du cartilage, entraînant l'apparition
d'un cercle vicieux avec une libération accrue de cristaux,
associés à des protéases neutres et des collagénases actives
qui dégraderont davantage les tissus (9).
En 1985, Dieppe et Watt ont relativisé le rôle de ces cris-
taux, affirmant qu'ils proviennent de l'usure des surfaces
articulaires (10).
Par ailleurs, on a également avancé des facteurs nutrition-
nels, notamment la perte de la lubrification synoviale de
l'articulation gléno-humérale en raison du trou créé dans
la coiffe des rotateurs (11).
Grâce aux études de Yamagushi et al. (12-17), qui ont ob-
servé l'évolution naturelle des déchirures de coiffe, nous
savons également:
- que l'évolution naturelle de la déchirure n'est pas inter-
rompue par un traitement;
- que 50% des déchirures deviennent symptomatiques et
que jusqu'à 50% s'agrandissent en 2 à 3 ans, en moyenne;
- que la douleur est corrélée à la dominance et à la largeur
de la déchirure;
- que 46% des personnes âgées de plus de 70 ans présen-
tent des déchirures asymptomatiques;
- et enfin que les déchirures supérieures à 1,5cm entraîne-
ront progressivement une ascension de la tête humérale.
Lafosse (18) a décrit, dans 45% des cas de rupture de coiffe,
une instabilité du biceps avec une lésion de celui-ci, ainsi
qu'une corrélation entre la largeur de la déchirure de la
coiffe des rotateurs et le degré de la lésion bicipitale. Ce
dernier point a également été confirmé par Chen et al. (19).
La migration supérieure de la tête humérale en cas de
déchirures larges de la coiffe des rotateurs entraînera fina-
lement une arthrose excentrique secondaire (Figure 4).
figure 4: radiographie d'une cuff tear arthropathy typique, due à une déchirure de la coiffe des rotateurs avec migration supérieure de la tête
humérale et arthrose excentrique secondaire.