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GUNAIKEIA
VOL 17 N°7
2012
Formule Sanguine (à la recherche d'une anémie) (3) avant
toute prise en charge thérapeutique.
Dans cet article, nous détaillerons la prise en charge théra-
peutique des hémorragies idiopathiques. Nous excluerons
la prise en charge des pathologies organiques telles que
l'adénomyose, l'hyperplasie sans atypie et les malforma-
tions artério-veineuses. Nous excluerons également les
métrorragies par coagulopathie.
Cet article est une version raccourcie et mise à jour de
la mise au point effectuée dans le cadre des Recomman-
dations pour la pratique clinique du Collège National des
Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) (4). Les
molécules citées dans le texte sont toutes disponibles en
Belgique.
Les antifibrinolytiques: l'acide
tranexamique
L'acide tranexamique est un inhibiteur compétitif de l'acti-
vation du plasminogène. Il agit en réduisant de manière
réversible la destruction de fibrine au niveau des caillots en
formation des artérioles spiralées de l'endomètre (caillots
contemporains des ménorragies). L'acide tranexamique
n'a aucun effet sur la coagulation au sein des vaisseaux
sanguins normaux ni sur le nombre de plaquettes ou leur
agrégation.
La posologie habituellement utilisée pour le traitement
des hémorragies idiopathiques est de 1g d'acide tranexa-
mique (2 comprimés à 500mg ou 1 ampoule buvable à 1g)
trois à quatre fois par jour (posologie autorisée jusqu'à 6g
par jour), le traitement étant débuté le premier jour du
saignement et pour une durée de 4 à 5 jours.
L'efficacité de l'acide tranexamique a été prouvée par plu-
sieurs essais randomisés ayant montré une réduction du
flux menstruel de 47% versus placebo chez des patientes
présentant des hémorragies utérines fonctionnelles (IC
47,9; 51,6 %) (5). Cette amélioration versus placebo a été
mesurée par d'autres études comme équivalent à un gain
de 93,9ml (6, 7). Ce bénéfice a également été retrouvé,
versus placebo, chez les patientes porteuses de dispositif
intra-utérin au cuivre (8).
De plus, la littérature rapporte une efficacité supérieure de
l'acide tranexamique par rapport aux anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS) (9) et une efficacité supérieure par
rapport aux progestatifs (acétate de médroxyprogestérone
administré en continu pendant 3 mois) (10).
L'effet de l'acide tranexamique a été prouvé sur le volume
des saignements mais non sur la durée des saignements (11).
L'acide tranexamique est efficace chez les patientes at-
teintes de maladie de Willebrand et bien toléré, même à
posologie élevée (12, 13).
La tolérance de l'acide tranexamique est bonne, avec
comme principaux effets secondaires rapportés des effets
digestifs (nausées-vomissements, diarrhées, dyspepsies) et
des crampes musculaires, dont la fréquence n'est statisti-
quement pas différente de celle observée dans le groupe
placebo (7). Ces effets secondaires n'entraînent pas d'arrêt
prématuré du traitement (7). Enfin, l'ensemble des études
réalisées à ce jour ne rapportent aucune augmentation
significative du risque de thrombose veineuse profonde
(14). L'antécédent personnel de maladie thrombo-embo-
lique reste une contre-indication à l'utilisation d'antifibri-
nolytiques par principe de précaution.
Ainsi, l'acide tranexamique est un traitement sympto-
matique efficace et bien toléré des hémorragies idiopa-
thiques. Il est notamment intéressant chez les patientes
porteuses d'une maladie de Willebrand. Seul, il est à pri-
vilégier chez les patientes n'ayant ni souhait contraceptif,
ni dysménorrhée.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AiNS)
L'administration d'AINS induit une diminution du taux de
prostaglandines utérines, entraînant une vasoconstriction
des vaisseaux utérins et améliorant ainsi les ménométror-
ragies (15). Certains AINS, comme le dexibuprofène ou
l'acide acétylsalicylique, ont également une action pla-
quettaire (16) pouvant améliorer ou aggraver les méno-
métrorragies.
Dans le cadre des ménométrorragies, les AINS doivent
être pris en début du saignement (au mieux juste avant)
et pendant 3 à 5 jours selon la durée des saignements. La
posologie varie selon le type de molécule utilisée.
D'après la méta-analyse de Coulter et al. (5), les AINS les
plus efficaces sont les suivants:
- l'acide méfénamique entraîne une réduction du flux
menstruel de 29% (IC 27,9%; 30,2%). Il s'agit de l'AINS
le mieux évalué dans la littérature, mais il n'est actuel-
lement pas disponible en Belgique;
- le diclofénac entraîne une réduction du flux menstruel
de 26,9% (IC 23,3%; 30,6%);
- le naproxène entraîne une réduction du flux menstruel
de 26,4% (IC 24,6%; 28,3%);
- l'ibuprofène entraîne une réduction du flux menstruel
de 16,2% (IC 13,6%; 18,7%).
La revue de la Cochrane Database (17) (17 essais, 649 pa-
tientes) a montré que les anti-inflammatoires non stéroï-
diens ont une efficacité sur le volume menstruel:
- supérieure au placebo: -124ml (IC -186; -62);
- inférieure à l'acide tranexamique: +73ml (IC 22; 124)
et au danazol: + 45ml (IC 19; 71), mais avec une tolé-
rance moindre pour le danazol;
- non inférieure à la contraception estroprogestative:
+25ml (IC - 22; +73).
De plus, chez les patientes porteuses d'un DIU au cuivre,
le traitement par AINS permet une réduction significative
des saignements (18).