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Pratiquement, que faites-vous de toutes
ces données?
MP: Ma conclusion personnelle est que ces petites tumeurs sont
plus méchantes qu'il n'y paraît, et méritent donc un traitement.
Si traitement il y a, il doit être à base de trastuzumab et c'est
plutôt la chimiothérapie qui doit être allégée, que la tumeur soit
T1a ou T1b. Tous les centres, et nous en faisons partie, ont vécu
des cas dramatiques de jeunes patientes avec des tumeurs T1a
micro-infiltrantes (1-2mm) qui revenaient 2 ans plus tard avec
une maladie métastatique! Notre position actuelle est donc de
discuter avec la patiente sans distinction de stade et de lui pro-
poser éventuellement une chimiothérapie plus légère.
Cette attitude est à présent étudiée par le groupe du Dana Far-
ber qui traite les petites tumeurs (environ 400) avec l'association
paclitaxel hebdomadaire (3 mois) + trastuzumab (un an) et qui
seront suivies plusieurs années.
Vous avez évoqué plusieurs travaux qui
vont dans le sens d'un traitement des
petites tumeurs. Quels sont-ils?
MP: J'ai relevé au récent congrès de San Antonio au moins 3 sé-
ries sur les tumeurs T1a-b HER2+ minimalement traitées (moins
de 20% des patientes avaient eu de la chimiothérapie et moins
de 5% du trastuzumab) et qui se sont attachées à évaluer le pro-
nostic de ces patientes à 5 ans (
Figure).
La première de ces études, une étude italienne, a proposé une
analyse rétrospective des petites tumeurs HER2+ pour montrer
que leur pronostic est moins bon que les tumeurs HER2-: la sur-
vie sans rechute est en effet de 92,0% seulement contre 96,9%
(p = 0,045) (4). Une équipe française a également revu le devenir
des petites tumeurs HER2+ et montré que la survie sans rechute
à 5 ans est préoccupante: 74% lorsque la tumeur n'exprime pas
de récepteurs hormonaux, 85% quand elle en exprime, ce qui
semble confirmer que l'on se trouve devant deux maladies dif-
férentes, et 95% ­ nettement moins agressive donc ­ pour les
petites tumeurs HER2 négatives (5). Quant aux Canadiens, ils
ont obtenu de meilleurs chiffres sur une plus grosse série qui a
été comparée à des tumeurs HER2 négatives: 95% contre 97%,
une différence significative malgré tout (6). Enfin, une autre étude
française, qui a comparé une centaine de patientes suivies pen-
dant 3 ans et demi non traitées et une centaine de patientes
traitées par chimiothérapie et trastuzumab (donc avec agressi-
vité plus marquée), a pu constater 11 rechutes (essentiellement
à distance) dans la cohorte non traitée contre une seule dans
l'autre cohorte. Il s'agit donc ici d'un argument indirect pour nous
pousser à penser que c'est le profil biologique plutôt que la taille
qui doit être pris en compte.
Mais ce n'est pas encore réellement repris
dans les guidelines...
MP: Les guidelines de Sankt Gallen (7) vont subir des révisions
en 2013. Mais il existait déjà un consensus en faveur du trai-
tement des tumeurs avec atteinte ganglionnaire ou les tumeurs
T1b, sans avis franc sur les tumeurs T1a. Cela dit, ces guide-
lines avaient aussi clairement établi que le profil biologique était
dominant par rapport au stade anatomique et que, déjà pour des
tumeurs de 7-8mm avec un profil agressif, le traitement adjuvant
avec trastuzumab était indiqué.
Pour terminer, pourriez-vous aborder briè-
vement le problème de la cardiotoxicité?
MP: La vraie question à se poser est de savoir si on donne ou
pas une anthracycline. Il faut savoir qu'il existe un très fort cou-
rant aux Etats-Unis pour ne pas donner d'anthracycline en cas
de tumeur HER2 positive, une attitude basée sur l'étude BCIRG
006 (8) qui comportait 3 bras: un bras chimiothérapie seule, un
bras chimiothérapie + trastuzumab avec anthracycline et un bras
chimiothérapie + trastuzumab sans anthracycline. Elle n'avait
pas pour but de comparer les deux bras trastuzumab entre eux,
mais bien chaque bras au contrôle. Le bras TCH (docetaxel -
carboplatine - herceptin) ­ supérieur au contrôle ­ est associé
à une survie sans rechute de 3% inférieure au bras AC-TH: on
peut se dire que si cette différence de 3% est réelle, TCH reste
très acceptable pour des tumeurs HER2+ de petite taille sans
envahissement ganglionnaire.
Références
1.
Hanahan EO, Gonzalez-Angulo AM, Giordano SH, et al. Overall survival
and cause-specific mortality of patients with stage T1a,bN0M0 breast
carcinoma. J Clin Oncol 2007;25:4952-60.
2.
https://subscriptions.nccn.org/gl_login.aspx?ReturnURL=http://www.nccn.
org/professionals/physician_gls/pdf/breast.pdf.
3.
Rutgers E, et al. The EORTC 10041/BIG 03-04 MINDACT trial is feasible:
results of the pilot phase. Eur J Cancer. 2011;47(18):2742-9.
4.
Meattini I, Livi L, Saieva C, et al. Prognostic value of HER2 positivity and
negative hormonal status in patients with small tumor (< 1cm) and node-
negative breast cancer. SABCS 2011. Abstract#P2-12-14.
5.
Rouanet P, Roger P, Daures JP, et al. HER2 expression is the major risk
factor for recurrence in pT1a-b,N0 breast cancer: Clinical implications from
a French regional population-based study of 703 patients. SABCS 2012.
Abstract#P2-12-16.
6.
Amir E, Seruga B, Ocana A, et al. Pooled analysis of outcomes of T1a/bN0,
HER-2amplified breast cancer. SABCS 2011. Abstract#P2-12-07.
7.
Goldhirsch A, Wood C, Coates A, et al. Strategies for subtypes--dealing
with the diversity of breast cancer: highlights of the St Gallen International
Expert Consensus on the Primary Therapy of Early Breast Cancer 2011.
Annals of Oncology 2011;22:1736-47.
8.
Jankowitz RC, Brufsky AM. Adjuvant treatment of HER2-positive breast
cancer: winning efforts continue to improve HER2-positive patient outcome
long-term. Breast Cancer Res 2012;14(2):308. [Epub ahead of print]
Study
Study results on Recurrence Free Survival (RFS) and Distant RFS
N
International
(abst
P2-12-07)
HER2+:
485
HER2-:
1096
RFS
DRFS
65% 70% 75% 80% 85% 90% 95% 100%
65% 70% 75% 80% 85% 90% 95% 100%
HER2-
HER2+
HER2-
HER2+
Study
Study
Study results on Recurrence Free Survival (RFS)
N
DRFS
France
(abst
P2-12-16)
HER2+:
42
HER2-:
661
65% 70% 75% 80% 85% 90% 95% 100%
HER2-
HER2+, HR+
HER2+, HR-
p < 0,0001
p < 0,0001
Study
Study results on Recurrence Free Survival (RFS)
N
DRFS
Italy
(abst P2-12-14)
HER2+: 75
HER2-: 629
65% 70% 75% 80% 85% 90% 95% 100%
HER2-
HER2+
p = 0,045
Figure: Pronostic des tumeurs T1a-b HER2+ (SABCS 2011).
Ma conclusion personnelle est que ces petites tumeurs sans
atteinte ganglionnaire sont plus méchantes qu'il n'y paraît, et
méritent donc un traitement. Si traitement il y a, il doit être à
base de trastuzumab et c'est plutôt la chimiothérapie qui doit
être allégée, que la tumeur soit T1a ou T1b.
Tous les centres, et nous en faisons partie, ont vécu des
cas dramatiques de jeunes patientes avec des tumeurs T1a
micro-infiltrantes (1-2mm) qui revenaient 2 ans plus tard avec
une maladie métastatique!
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Le profil biologique des tumeurs du sein semble au-
jourd'hui au moins aussi important à considérer que
le stade de la tumeur (taille, atteinte ganglionnaire).
Dans le cas très particulier des tumeurs HER2+, le
Pr Martine Piccart (Institut Bordet) indique que les
données s'accumulent pour montrer que le risque de
récidive à distance (donc non curable) de ces petites
tumeurs sans atteinte ganglionnaire dépasse 8%, la
limite acceptable pour les patientes. Ces patientes
méritent dès lors un traitement optimal comportant
au moins un agent anti-HER2, le trastuzumab en
l'occurrence. Il faut également l'associer à la chimio-
thérapie dans la mesure où l'on ne dispose pas de
données sur l'association trastuzumab + hormono-
thérapie en adjuvant. Enfin, reste la question de savoir
s'il faut ou non proposer des anthracyclines.
Quelle est l'importance des petites
tumeurs? Sont-elles fréquentes?
Pr Martine Piccart (MP): L'efficacité du dépistage nous fait ren-
contrer de plus en plus de petites tumeurs. A titre informatif, ces
tumeurs T1a (jusque 5mm) et T1b (jusque 1cm) NO représentent
plus d'un quart des tumeurs du sein dans la base de donnée
SEER aux Etats-Unis (1). On peut imaginer que la proportion doit
être du même ordre dans nos pays.
Comme leur fréquence augmente régulièrement depuis quelques
années, nous nous sommes intéressés de plus près à la question
de savoir à partir de quel moment ces petites tumeurs méritent
un traitement systémique.
Qu'avez-vous pu observer?
MP: La première question à se poser est de savoir s'il existe
une véritable différence pronostique entre les tumeurs T1a et T1b
NOMO. Or, en parcourant la littérature, on constate non seule-
ment que les données ne sont pas très solides, mais que, de
plus, les imprécisions de mesure sont monnaie courante. Dès
lors, les tumeurs de petite taille devraient être considérées avec
une approche globale plutôt qu'avec une partition entre les tu-
meurs T1a et T1b. Ce qui est interpellant, car lorsqu'on regarde
les recommandations de divers pays et en particulier celles du
NCCN, l'abstention thérapeutique est recommandée pour les
tumeurs T1a (2). Cette partition me pose personnellement un
problème, du fait du manque de précision dans les mesures.
Par ailleurs, je ne trouve pas que les données qui accordent aux
tumeurs T1a un pronostic excellent, quel que soit leur profil biolo-
gique, soient d'une très grande solidité. Et ce constat est encore
plus préoccupant lorsque le profil biologique devient agressif, car
nous disposons d'une littérature abondante qui montre que le
pronostic est moins bon lorsque ces petites tumeurs sont dé-
pourvues de récepteurs hormonaux et sont de grade 3 par rap-
port aux petites tumeurs qui auraient des récepteurs hormonaux
et seraient mieux différenciées.
La question suivante est évidemment de savoir ce qu'il en est
des petites tumeurs HER2 positives qui ont été exclues de la plu-
part des études pivotales qui ont établi la valeur du trastuzumab.
Pour quelle(s) raison(s)?
MP: Ces tumeurs avaient été exclues à l'époque parce qu'on
avait des inquiétudes quant à la cardiotoxicité du trastuzumab.
Respectant un principe de précaution logique, les investigateurs
n'ont pas voulu faire courir de risques à ces patientes présentant
une petite tumeur avant de mieux connaître le phénomène. Mais
plusieurs centres anticancéreux se sont malgré tout penchés sur
le devenir de ces petites tumeurs. L'Institut Bordet a ainsi été
l'un des premiers à revoir de manière spécifique cette popula-
tion de patientes, en collaboration avec le MD Anderson. Nous
avons ainsi pu documenter que lorsque ces petites tumeurs sans
atteinte ganglionnaire HER2+ ne sont pas traitées, le pronostic
n'est pas aussi bon que ce que l'on espérait puisque la survie
sans récidive est de l'ordre de 85%, soit un risque de rechute de
15%, rechutes qui sont la plupart du temps à distance et donc
sans possibilité de guérison.
Or, lorsqu'on demande aux femmes le risque de récidive qu'elles
estiment acceptable, on se situe plutôt à 5-8% qu'à 15%. Ce
seuil maximal de 8% de récidive à 5 ans a été conforté par un
consensus établi dans le cadre de l'étude MINDACT (3), même si
ce n'est pas optimal pour tout le monde. Or les derniers travaux
présentés dans les congrès montrent que la survie sans rechute
en l'absence de traitement est inférieure à ce seuil. Ce qui n'est
pas acceptable pour les patientes, d'autant plus qu'elles sont
généralement jeunes.
Il n'y a donc, à mon sens, pas d'argument pour ne pas traiter
ces tumeurs, surtout quand on connaît le bénéfice important du
trastuzumab. La véritable question devrait plutôt être de savoir
s'il ne vaut pas mieux diminuer la charge de la chimiothérapie
afin de minimiser le risque de cardiotoxicité et donc se passer
d'anthracyclines. Quant au trastuzumab, sa cardiotoxicité fait à
présent nettement moins peur car les grandes études ont montré
qu'elle est le plus souvent réversible.
Tumeurs HER2+ sans atteinte ganglionnaire
MêMe quand elles sont de
petite taille, il y a avantage
à traiter ces tuMeurs par
trastuzuMab (Herceptin
®
)
Propos recueillis par Dominique-Jean Bouilliez
Pr Martine Piccart
Nous avons ainsi pu documenter que lorsque ces petites
tumeurs sans atteinte ganglionnaire HER2+ ne sont pas trai-
tées, le pronostic n'est pas aussi bon que ce que l'on espérait
puisque la survie sans récidive est de l'ordre de 85%, soit un
risque de rechute de 15%, rechutes qui sont la plupart du
temps à distance et donc sans possibilité de guérison.
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