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ONC218F
Le profil biologique des tumeurs du sein semble au-
jourd'hui au moins aussi important à considérer que
le stade de la tumeur (taille, atteinte ganglionnaire).
Dans le cas très particulier des tumeurs HER2+, le
Pr Martine Piccart (Institut Bordet) indique que les
données s'accumulent pour montrer que le risque de
récidive à distance (donc non curable) de ces petites
tumeurs sans atteinte ganglionnaire dépasse 8%, la
limite acceptable pour les patientes. Ces patientes
méritent dès lors un traitement optimal comportant
au moins un agent anti-HER2, le trastuzumab en
l'occurrence. Il faut également l'associer à la chimio-
thérapie dans la mesure où l'on ne dispose pas de
données sur l'association trastuzumab + hormono-
thérapie en adjuvant. Enfin, reste la question de savoir
s'il faut ou non proposer des anthracyclines.
Quelle est l'importance des petites
tumeurs? Sont-elles fréquentes?
Pr Martine Piccart (MP): L'efficacité du dépistage nous fait ren-
contrer de plus en plus de petites tumeurs. A titre informatif, ces
tumeurs T1a (jusque 5mm) et T1b (jusque 1cm) NO représentent
plus d'un quart des tumeurs du sein dans la base de donnée
SEER aux Etats-Unis (1). On peut imaginer que la proportion doit
être du même ordre dans nos pays.
Comme leur fréquence augmente régulièrement depuis quelques
années, nous nous sommes intéressés de plus près à la question
de savoir à partir de quel moment ces petites tumeurs méritent
un traitement systémique.
Qu'avez-vous pu observer?
MP: La première question à se poser est de savoir s'il existe
une véritable différence pronostique entre les tumeurs T1a et T1b
NOMO. Or, en parcourant la littérature, on constate non seule-
ment que les données ne sont pas très solides, mais que, de
plus, les imprécisions de mesure sont monnaie courante. Dès
lors, les tumeurs de petite taille devraient être considérées avec
une approche globale plutôt qu'avec une partition entre les tu-
meurs T1a et T1b. Ce qui est interpellant, car lorsqu'on regarde
les recommandations de divers pays et en particulier celles du
NCCN, l'abstention thérapeutique est recommandée pour les
tumeurs T1a (2). Cette partition me pose personnellement un
problème, du fait du manque de précision dans les mesures.
Par ailleurs, je ne trouve pas que les données qui accordent aux
tumeurs T1a un pronostic excellent, quel que soit leur profil biolo-
gique, soient d'une très grande solidité. Et ce constat est encore
plus préoccupant lorsque le profil biologique devient agressif, car
nous disposons d'une littérature abondante qui montre que le
pronostic est moins bon lorsque ces petites tumeurs sont dé-
pourvues de récepteurs hormonaux et sont de grade 3 par rap-
port aux petites tumeurs qui auraient des récepteurs hormonaux
et seraient mieux différenciées.
La question suivante est évidemment de savoir ce qu'il en est
des petites tumeurs HER2 positives qui ont été exclues de la plu-
part des études pivotales qui ont établi la valeur du trastuzumab.
Pour quelle(s) raison(s)?
MP: Ces tumeurs avaient été exclues à l'époque parce qu'on
avait des inquiétudes quant à la cardiotoxicité du trastuzumab.
Respectant un principe de précaution logique, les investigateurs
n'ont pas voulu faire courir de risques à ces patientes présentant
une petite tumeur avant de mieux connaître le phénomène. Mais
plusieurs centres anticancéreux se sont malgré tout penchés sur
le devenir de ces petites tumeurs. L'Institut Bordet a ainsi été
l'un des premiers à revoir de manière spécifique cette popula-
tion de patientes, en collaboration avec le MD Anderson. Nous
avons ainsi pu documenter que lorsque ces petites tumeurs sans
atteinte ganglionnaire HER2+ ne sont pas traitées, le pronostic
n'est pas aussi bon que ce que l'on espérait puisque la survie
sans récidive est de l'ordre de 85%, soit un risque de rechute de
15%, rechutes qui sont la plupart du temps à distance et donc
sans possibilité de guérison.
Or, lorsqu'on demande aux femmes le risque de récidive qu'elles
estiment acceptable, on se situe plutôt à 5-8% qu'à 15%. Ce
seuil maximal de 8% de récidive à 5 ans a été conforté par un
consensus établi dans le cadre de l'étude MINDACT (3), même si
ce n'est pas optimal pour tout le monde. Or les derniers travaux
présentés dans les congrès montrent que la survie sans rechute
en l'absence de traitement est inférieure à ce seuil. Ce qui n'est
pas acceptable pour les patientes, d'autant plus qu'elles sont
généralement jeunes.
Il n'y a donc, à mon sens, pas d'argument pour ne pas traiter
ces tumeurs, surtout quand on connaît le bénéfice important du
trastuzumab. La véritable question devrait plutôt être de savoir
s'il ne vaut pas mieux diminuer la charge de la chimiothérapie
afin de minimiser le risque de cardiotoxicité et donc se passer
d'anthracyclines. Quant au trastuzumab, sa cardiotoxicité fait à
présent nettement moins peur car les grandes études ont montré
qu'elle est le plus souvent réversible.
Tumeurs HER2+ sans atteinte ganglionnaire
MêMe quand elles sont de
petite taille, il y a avantage
à traiter ces tuMeurs par
trastuzuMab (Herceptin
®
)
Propos recueillis par Dominique-Jean Bouilliez
Pr Martine Piccart
Nous avons ainsi pu documenter que lorsque ces petites
tumeurs sans atteinte ganglionnaire HER2+ ne sont pas trai-
tées, le pronostic n'est pas aussi bon que ce que l'on espérait
puisque la survie sans récidive est de l'ordre de 85%, soit un
risque de rechute de 15%, rechutes qui sont la plupart du
temps à distance et donc sans possibilité de guérison.
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