background image
45
GUNAIKEIA
VOL 17 N°7
2012
cancer du sein, mais cela n'a pu être confirmé par une
autre étude randomisée (16, 17).
Pathogenèse
L'étiologie de l'AiMSS reste en grande partie inconnue. La
carence estrogénique est supposée être à la base de ce
syndrome étant donné que les niveaux estrogéniques for-
tement réduits durant la ménopause sont aussi associés à
une incidence accrue de douleurs articulaires, de raideurs
et d'arthrite. La réduction renforcée de ces concentrations
estrogéniques déjà très basses par un inhibiteur de l'aro-
matase peut aggraver l'arthralgie, tandis que le THS (trai-
tement hormonal substitutif) exerce un effet favorable
sur l'arthralgie. Le risque d'AIMSS augmente avec l'arrêt
récent d'un THS, une ménopause récente, une chimiothé-
rapie, un faible IMC (indice de masse corporelle) et une
obésité, qui peuvent tous s'expliquer par une baisse du
taux d'estrogènes au début du traitement.
Les inhibiteurs de l'aromatase ne sont probablement pas
capables de suffisamment réprimer les niveaux d'estro-
gènes chez les patientes obèses en raison d'une activité
aromatase beaucoup plus élevée. Ces niveaux d'estrogènes
élevés en cas de développement des tissus graisseux sont
corrélés négativement avec la survenue d'un AIMSS.
En revanche, les patientes obèses sont caractérisées par
un risque majoré d'ostéoarthrite, qui l'emporte sur l'effet
protecteur des estrogènes (13).
La carence estrogénique peut contribuer de différentes
façons au développement d'un AIMSS. Ainsi, il a été
suggéré que les estrogènes joueraient un rôle dans le
maintien du collagène et la modulation de la perception
douloureuse. Cette hypothèse a toutefois été rejetée par
une grande méta-analyse (18). Les ovariectomies dans le
cadre d'études expérimentales sur animaux ont à leur tour
démontré le rôle joué par les estrogènes dans le métabo-
lisme du cartilage (18). En outre, l'absence d'estrogènes
mènerait à une atrophie de l'épithélium synovial et à une
réduction de la perméabilité paracellulaire dans les cellules
synoviales positives aux récepteurs estrogéniques (19).
Les estrogènes inhiberaient les cytokines pro-inflamma-
toires et empêcheraient ainsi l'apparition de l'arthrite, bien
qu'il n'y a pas de preuve d'une réponse inflammatoire sys-
témique ou de paramètres auto-immuns lors de l'utilisa-
tion d'inhibiteurs de l'aromatase. Toutefois, un processus
inflammatoire local pourrait survenir, comme notre groupe
l'a démontré (3). Ces études et d'autres essais ont démon-
tré, à l'aide de l'IRM (imagerie par résonance magnétique)
et de l'échographie de l'articulation de la main/du poignet,
une augmentation du liquide et un épaississement ténosy-
novial chez les patientes souffrant d'un AiMSS (
Figure 2).
Ces signes et symptômes caractérisent également la main
diabétique, ce qui suggère l'existence de voies métabo-
liques communes. Il semble dès lors nécessaire de conduire
de plus amples études sur les mécanismes qui engendrent
l'épaississement de la gaine tendineuse.
Par ailleurs, nous avons déjà démontré que la perte de
force de préhension fait partie de l'AiMSS et qu'il existe
une association non linéaire entre l'iMC et la perte de
force de préhension. Une relation similaire entre les va-
leurs post-ménopausiques de l'IGF-I (
insulin like growth
factor-I) et l'IMC a déjà été décrite, les individus avec des
IMC extrêmes ayant une concentration d'IGF-I inférieure.
D'importants résultats obtenus à ce jour montrent un
effet des estrogènes sur l'axe de l'hormone de croissance
(GH)/IGF-I et la relation entre les modifications postméno-
pausiques de l'IGF-I induites par médicament et l'arthral-
gie (4). Cependant, d'autres études sont nécessaires en vue
d'élucider l'influence des inhibiteurs de l'aromatase sur
l'axe GH/IGF-I. Ainsi, une étude prospective est actuelle-
ment en cours à l'UZ Leuven pour vérifier cette hypothèse.
Bien que la déplétion estrogénique joue très probablement
un rôle de taille dans le développement de l'AIMSS, seule
une partie des patientes qui prennent des inhibiteurs de
l'aromatase subissent ces effets indésirables invalidants.
L'inhibition estrogénique induite par les inhibiteurs de
l'aromatase n'est peut-être pas aussi efficace chez toutes
les patientes. Il existe en effet une énorme variété dans le
métabolisme des inhibiteurs de l'aromatase chez les pa-
tientes atteintes d'un cancer du sein, ce qui peut conduire
à différentes concentrations plasmatiques des inhibiteurs
de l'aromatase et des estrogènes. Ces derniers peuvent, à
leur tour, avoir une influence sur l'apparition de l'AIMSS.
Figure 2: IRM du poignet chez une patiente traitée pour
un cancer du sein avec un inhibiteur de l'aromatase (5).
Ces images montrent une rétention de liquide dans la
gaine tendineuse (flèches minces), une augmentation
du liquide intra-articulaire (flèches épaisses) et un
épaississement ténosynovial (flèches transparentes).
(Avec l'aimable autorisation de Springer Science+Business
Media: Morales L, Pans S, Paridaens R, et al. Debilitating
musculoskeletal pain and stiffness with letrozole and
exemestane: associated tenosynovial changes on magnetic
resonance imaging. Breast Cancer Res Treat 2007;104:87-
91. Figure 3.)