![]() aider à exprimer leur personnalité: ce n'est pas parce que l'on ne se souvient plus de ce que l'on a fait la veille que cette journée a été vide de sens, de créa- tion et de bonheur. Par ailleurs, pendant de nombreuses années, l'essentiel de la pathologie clinique pouvait se résumer à un hippocampe non fonctionnel qui n'assurait plus son rôle d'encodage des faits récents. On était donc bien devant un tableau de «blocage interne», dont le risque était la survenue progressive d'une perte d'autonomie et, dans cer- tains cas, d'un ensemble de perturba- tions multiples des différentes fonctions de la pensée. C'est pourquoi nous pensons qu'une dénomination telle que «blocage in- terne» ou «blocage hippocampique» se- rait peut-être plus appropriée et moins dramatique. En effet, certains de nos pa- tients, bien qu'au stade de la non-recon- naissance de certains proches, comme leurs enfants, pouvaient encore identifier certaines musiques ou chansons et re- couvrer ainsi des souvenirs de faits musicothérapie est importante à faire pour bien préciser ce que doit être la «mnémothérapie». Il existe très schéma- tiquement deux sortes de musicothéra- pie: active et passive. Dans les deux cas, ce sont bien les qualités intrinsèques de la musique qui vont jouer un rôle théra- peutique. En «mnémothérapie», par contre, la musique ne joue que le rôle d'indice; c'est la récupération des souve- nirs anciens qui peut jouer ici un rôle thérapeutique. La «mnémothérapie» s'inscrit dans le cadre des thérapies non médicamenteuses et, à ce titre, ne vise aucunement à une guérison de la maladie d'Alzheimer. C'est une thérapie par l'éveil de la mémoire ré- trograde consciente. Il s'agit d'une théra- pie par la mobilisation de la mémoire res- tante, c'est-à-dire de la mémoire rétro- bien la mémoire musicale que séman- tique, émotionnelle, inconsciente et bien sûr autobiographique. C'est le rôle de fac- teur déclenchant que le mécanisme de mémoire involontaire va jouer, véritable «starter» de la pensée, de l'émotion et du sentiment d'identité, dont on constate le caractère rassurant et valorisant, ceci dans une atmosphère constante de joie. L'indice de rappel que nous avons choisi est la mu- sique, mais d'autres indices peuvent sans doute être utilisés dans le même but (pho- tos, parfums...). ment de familiarité, que nous avons ob- servé, a déjà été mis en évidence notam- ment par H. Platel (4) et F. Eustache (5). Il est sans doute en liaison avec la mémoire inconsciente. Retrouver ses souvenirs et les revivre, c'est «se retrouver» et per- mettre d'assurer une continuité dans sa propre personnalité. Ce sentiment de «ne pas se perdre de vue» semble haute- ment sécurisant. Il est vécu par les pa- tients comme une expérience valori- sante. L'importance, la constance et la durée de cette restructuration identitaire restent à évaluer par des tests appropriés. On ne peut pour l'instant en juger que sur la physionomie, les attitudes et le comportement des patients. peutiques que l'on est en droit d'espérer à travers la mobilisation des souvenirs anciens, la joie de la reconnaissance, le développement de la mémoire incon- sciente et la restructuration identitaire. D'une certaine façon, on se rapproche ainsi de Rita Levi-Montalcini (6), qui écrivait: «Les thérapies ne doivent pas viser à ajouter des jours à la vie, mais de la vie aux jours». chez le patient Alzheimer a porté sur 30 térograde majeure a toujours été la condition sine qua non de notre étude; l'indiçage de rappel choisi a été la mu- sique, dans toutes ses variétés. nisme de mémoire involontaire, concer- nant des moments vécus enfouis dans la mémoire, mais ravivés par un élément associé et déclenchant, tel que décrit par Marcel Proust est transposable et parfai- tement applicable chez les personnes Alzheimer, quel que soit le stade de la maladie; l'amnésie antérograde permet de répéter les séances plusieurs fois par semaine avec les mêmes résultats. dégager, définir et décrire une méthode à visée de thérapie clinicienne courante: la «mnémothérapie». Nos observations sont basées sur une écoute musicale, ce qui n'empêche pas d'envisager d'autres approches utilisant d'autres supports sensoriels comme le visuel (photogra- phies...), le goût (aliments, repas...) voire le toucher, l'odorat. genre de thérapies, auxquelles il est sou- haitable de faire progressivement partici- per les proches en les «éduquant» pour multiplier plus facilement les séances qui apportent tant de joie et sans doute de bien-être aux patients et, dès lors, à ces proches également. Faire revivre le passé est un agréable présent! 1. chez Swann. Eds Grasset, Paris, 1913. gage et la relation pensée-langage. Collection Les Empê- cheurs de Penser en Rond. Institut Synthélabo: Le Ples- sis-Robinson, Paris, 1997. phique. Eds Armand Collin, dans la collection `L'inspira- tion philosophique', Paris, 2005. music in patients with memory disorders: clinical impli- cations of cognitive neuroscience - Ann NY Acad Sci 2009;1169:245-55. - Neuropsychologie et psychologie cognitive de la per- ception musicale. Eds De Boeck, Bruxelles, 2010. traduction française, Paris, 1999. |