![]() injustement devenue le courant do- minant au sein de la psychiatrie, un sta- tut qui lui a été conféré par hasard, en raison de l'essor de la médecine orga- nique. Von Weizsäcker affirme sans dé- tour que le fait de s'occuper de la «no- tion d'organes» constitue une perversion de la biologie humaine. L'homme ne doit pas être appréhendé à partir de ses fonctions, mais de son fonctionnement. croyance, on a supposé que la psychia- trie biologique peut représenter l'en- semble de la psychiatrie, et on s'attend toujours à ce que tout progrès dans ce domaine soit enregistré à son niveau. Cette forme de wishful thinking (prendre ses désirs pour des réalités) a entraîné quelques usurpations de «cercles scien- tifiques» dirigeants, pour soumettre la psychiatrie à un certain nombre de contraintes, afin de l'obliger à se couler totalement dans un moule (listes d'anam- nèse, échelles d'évaluation clinique, arbres décisionnels diagnostiques et thé- rapeutiques, traitements de consensus, classification du DSM). Depuis lors, on peut fortement douter de son caractère scientifique, alors que cet argument «scientifique» est précisément utilisé pour «clouer le bec» aux opposants. zaine de gènes joue un rôle dans le dé- veloppement de la schizophrénie. La présence de cette combinaison aug- mente de 15 à 20% les risques de voir apparaître cette maladie, mais le reste est attribuable à l'environnement, l'un des principaux facteurs étant le fait de naître et de vivre dans une grande ville. En d'autres termes, c'est l'environne- ment qui détermine à plus de 80% si cette combinaison de gènes s'exprimera ou non. L'information trompeuse passe sous silence le fait qu'il n'existe pas de preuves génétiques en faveur d'un com- portement borderline, de la névrose, de de la psychopathie et des troubles de la personnalité. L'homme n'est PAS façon- nable, et sûrement pas via son seul soma. liste implicite est à la base de la suréva- luation du soma. Mais ce n'est pas tout: il y a aussi l'image idéale, presque plato- nique, d'une virginité organique souillée par un indésirable. L'exemple auquel il est fait référence est la bactériologie. L'art de guérir consiste ici à identifier l'ennemi, à instaurer le médicament ap- proprié pour l'éradiquer et, de ce fait, à neutraliser l'influence perturbatrice. En psychiatrie, la maladie ne constitue généralement pas le problème, car on est soi-même le problème en tant qu'homme, donc. Les psychotropes n'agissent pas du tout comme les anti- biotiques. Un antibiotique bien ciblé agit dans 100% des cas, contre seule- ment 70% pour un antidépresseur. Ces médicaments ne sont en outre pas liés à un diagnostic ou une étiologie donnés. Ils ont été découverts purement empiri- quement et par hasard dans le cadre d'une action large, vague et partielle sur quelques symptômes psychiques, et ils ne constituent absolument pas un re- mède spécifique pour une maladie spé- cifique... De plus, ils sont actifs sur di- vers symptômes communs aux classes de maladies. Les antidépresseurs, par exemple, agissent tant sur les dépres- sions endogènes (majeures) que réac- tionnelles, voire sur les dépressions névrotiques ces dernières étant actuel- lement désignées par l'appellation in- correcte de dysthymie. En outre, ils sont parfois actifs sur certaines douleurs (imi- pramine), abaissent la tension artérielle (antidépresseurs tricycliques) et traitent l'énurésie (clomipramine). On les a éga- lement utilisés récemment en cas de né- vrose obsessionnelle, de phobie sociale, de crises d'angoisse, d'agoraphobie et pourquoi pas le tout ensemble... ce qui prouve leur manque total de spécificité. gie pense également plutôt en termes de dimensions qu'en termes de classes de maladies. Il est cependant remarquable qu'elle trouve ici un allié dans l'anthropo- psychiatrie, qui rejette également la vaine énumération stérile des classes de mala- dies et adopte un cadre de pensée plus large. Anthropopsychiatrie et psycho- pharmacologie: un même front, donc... médicaments psychoactifs outil, par exemple pour aider le patient dépressif, anxieux ou psychotique à «re- prendre pied», non pour le guérir. J'ose même affirmer avec assurance qu'en psychiatrie, nous ne guérissons person- ne, nous ne faisons qu'améliorer les choses. Grâce à un médicament, le patient peut à nouveau plus facilement engager le dialogue avec l'autre, l'environnement et lui-même. En bref: il peut récupérer un peu de sa condition humaine. Le travail important est effectué par-delà le médicament, dans la relation théra- peutique, mais je constate que de nom- breux médecins n'adhèrent pas encore à cette idée. Par ailleurs, il faut certainement se garder d'avancer toutes sortes d'hypothèses étio- logiques délirantes, sur la base de cette action très aspécifique. La visualisation de sites de liaison sur un PET-scan, par exemple, ne peut jamais déboucher sur une explication étiologique. Tout au plus peut-on savoir quelles structures céré- brales sont impliquées dans ce fonction- nement aspécifique. Un exemple connu de wishful thinking est l'hypothèse de la déplétion en sérotonine. Depuis Van Praag, le déficit de recapture de sérotonine dans la fente synaptique sert de modèle explicatif de la dépression. Cependant, il s'est avéré plus tard que la noradréna- line peut également jouer un rôle, et on dispose même à présent d'un médi- cament qui traite la dépression via la dopamine. |