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l
Neurone
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Vol 18
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N°8
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2013
l'utilisation d'antidépresseurs et d'antipsy-
chotiques qui expliquent le risque accru
d'affections cardiométaboliques chez les
personnes souffrant de dépression. La
figure 1 donne un aperçu schématique de
ces mécanismes sous-jacents.
Mécanismes comportementaux
La première explication est que les per-
sonnes dépressives ont, de manière gé-
nérale, un mode de vie beaucoup moins
sain. Les dépressifs fument plus, font trop
peu d'exercice physique, consomment
davantage d'alcool et ont une alimenta-
tion moins équilibrée. Il s'agit donc ici
de facteurs de risque classiques. En cas
de dépression, ces facteurs ont la même
influence que chez les personnes in-
demnes d'affections psychiatriques, mais
ils sont beaucoup plus fréquents et plus
sévères chez les sujets dépressifs (5). Par
ailleurs, les personnes dépressives res-
pectent moins bien les traitements pres-
crits (6). Une compliance thérapeutique
moindre réduit dès lors les chances de
survie de ces patients (6).
Mécanismes biologiques
Un certain nombre de processus orga-
niques sont caractéristiques des mala-
dies cardiométaboliques autant que de
la dépression. Il s'agit ici entre autres
du dérèglement du système nerveux
autonome, de l'hyperactivité de l'axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien
(axe HHS), d'une présence majorée de fac-
teurs inflammatoires et d'une augmenta-
tion de l'activité plaquettaire (7, 8). La
présence de ces facteurs de risque, tant
en cas de dépression que de maladies
cardiométaboliques, peut potentielle-
ment expliquer la relation entre les deux
tableaux cliniques.
Des études indiquent que le système
nerveux autonome (la partie du système
nerveux qui est responsable de tous les
processus automatiques, tels que la res-
piration, la transpiration, la fréquence
cardiaque et la digestion) fonctionne dif-
féremment chez les personnes souffrant
de dépression, ce phénomène étant im-
putable au stress continu et aux tensions
qu'elles éprouvent. La partie du système
nerveux autonome qui assure la fameuse
réaction «fright-flight-fight» (le système
nerveux sympathique) est plus active,
tandis que l'activité de la partie respon-
sable du repos et de la digestion, notam-
ment (le système nerveux parasympa-
thique) diminue (9). Cette modification
se traduit par une accélération de la fré-
quence cardiaque et une diminution de
la variabilité de la fréquence cardiaque
(les fluctuations de la fréquence car-
diaque) (10). Ce sont précisément ces
deux caractéristiques témoignant d'un
mauvais fonctionnement du système
nerveux autonome qui, chacune en soi,
constituent des facteurs de risque pour
les maladies cardiovasculaires (10).
Des études (11) indiquent également
que la dépression est associée à une aug-
mentation des taux de cortisol, une hor-
mone stéroïdienne impliquée dans l'axe
HHS. L'exposition constante à des taux
de cortisol élevés peut également entraî-
ner des maladies cardiovasculaires (12).
Il est donc possible que la relation entre
la dépression et les maladies cardiomé-
taboliques soit influencée par un sys-
tème nerveux autonome dysfonctionnel,
et par une élévation chronique des taux
de cortisol.
Facteurs de risque modifiables
Prévalence*
Risque relatif°
Obésité
38,0% (30,9%-45,6)
1,37 (0,92-2,05)
Hypertension
36,7% (22,7%-53,3%)
NS
Hypertriglycéridémie
30,1% (22,6%-38,8%)
1,17 (1,04-1,30)
Hyperglycémie
18,8% (13%-26,5%)
1,33 (1,03­1,73)
Syndrome métabolique
30,5% (26,3%-35,1%)
1,54 (1,21-1,97)
* moyenne (intervalle de confiance à 95%); ° odds ratio (intervalle de confiance à 95%); NS =
non significatif
Tableau 1: Prévalence estimée et risque relatif de facteurs de risque métabolique
modifiables pour les maladies cardiovasculaires chez les personnes souffrant de dépression
majeure, par rapport à la population générale (4).
Dépression
Hyperactivité
de l'axe HHS
Dérèglement du système
nerveux autonome
Processus in ammatoires
chroniques
Augmentation
de l'activité plaquettaire
Facteurs environnementaux:
- mode de vie;
- soins dé cients;
- compliance thérapeutique;
- usage de médicaments.
Gènes
Maladies métaboliques
Maladies cardiovasculaires
Figure 1: Mécanismes sous-jacents dans la relation entre dépression et maladies
cardiovasculaires.