![]() ladie d'Alzheimer modérée à sévère, dia- gnostiquée et suivie régulièrement, quels que soient leur lieu de vie et leur âge. Le critère de sélection retenu était celui d'une amnésie antérograde sévère. Il s'agissait de séances d'écoute musicale. Chaque séance durait environ 1 heure en fonction des réactions du patient. Les pièces musicales proposées étaient extrê- mement nombreuses et variées (20 pour chaque patient): chansons de variété choisies en fonction de l'âge du patient, en ciblant préférentiellement les chan- sons de son enfance et de son adoles- cence, mais aussi jazz, musique clas- sique, folklore, comptines... Le choix de la musique pouvait être orienté par la fa- mille ou les proches, mais pas par le pa- tient. Le temps d'écoute était d'environ 1 minute si l'air n'était pas reconnu. L'écoute était complète si l'air était recon- nu, fredonné, chanté. Chaque séance était entièrement individuelle. Le prati- cien était seul (préférentiellement) avec son patient, pour éviter les distractions et les manifestations de représentation «mondaine» qui empêcheraient l'apaise- ment, la concentration et le «lâcher prise» nécessaire pour laisser la joie de la recon- naissance se manifester et les souvenirs faire irruption. En revanche, la plupart des séances étaient entièrement filmées, avec autorisation du droit à l'image, de façon à pouvoir les re-visionner et partager un tra- vail d'équipe. Il ne fallait pas influencer le patient en cherchant à tout prix à faire surgir les souvenirs. Il fallait mettre en confiance par une écoute partagée et être en totale empathie avec lui. Chaque pa- tient possédait un dossier clinique, para- clinique et psychologique complet, per- mettant d'évaluer régulièrement le stade de la maladie. séances d'une heure chacune, à raison s'étendait de 60 à 93 ans. Vingt-deux vivaient à domicile avec leur famille et 8 en maison de retraite. Sur les 30 patients, 30 ont reconnu au moins 4 airs sur 20 (100%), 29 (97%) ont ressenti et exprimé une joie, 29 (97%) ont fredonné les chansons, 26 (87%) ont chanté les paroles des chansons, faisant ainsi appel à leur mémoire sémantique, et 24 (80%) ont déclenché une mémoire autobiographique (Tableau 1). tente de reconnaître des extraits musi- caux et de répondre aux questions po- sées par son interlocuteur en faisant ap- pel à sa mémoire volontaire, le tableau est caractéristique. Il s'agit d'un effort à loureux, accompagné d'un sentiment cruel de mise en échec. C'est la remé- moration. Puis un thème musical est reconnu par la mémoire involontaire: tout bascule, c'est le déclic, le tournant de cette «mnémo- stimulation». Lorsqu'elle a ainsi touché la mémoire involontaire, elle s'accom- pagne alors d'une expression de joie immédiate et souvent intense qui va marquer l'entrée dans cet état psychique assez particulier. Le comportement cor- porel est le plus souvent caractéristique: le patient se redresse, lève son visage et arbore un sentiment de joie mêlé d'éton- nement. Dans un deuxième temps, il fre- donne l'air reconnu; il semble ne pas pouvoir résister au désir de fredonner. Le visage s'apaise, le corps et la tête se dé- tendent. Le passage par ce moment de détente, de «lâcher prise» est constant et semble inhérent à cette expérience, que l'on pourrait appeler «métamnésie». Puis le patient chante les paroles de fa- çon parfois parcellaire, mais souvent très complète, témoignant d'une mémoire sémantique importante. Parfois le charme semble rompu, le sujet se re- dresse. Il vient de sortir de cet état psy- chique. Mais le plus souvent, le fredonnement et le chant se continuent par des souvenirs Airs chantés M. sémantique M. autobiographique autobiographique) observés chez les 30 patients. |