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Onco
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Vol 7
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N° 2
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2013
Cancer, mortalité et impact sur la qualité de vie
Le cancer est associé à une perte substantielle de
DALY's (Disability-Adjusted Life Years) et ce, dans
toutes les régions du monde. En revanche, il existe
d'énormes différences en termes de pronostic
après le diagnostic entre les pays du tiers-monde
et les pays industrialisés. Telles sont les conclusions
d'une étude internationale publiée par The Lancet.
Responsable de 7,6 millions de décès en 2008, le cancer est la
première cause de mortalité mondiale. Ces dernières décennies,
le renforcement de la prévention et du dépistage, conjugué à des
diagnostics plus précoces et à l'amélioration des méthodes de
traitement, s'est traduit par une diminution de la mortalité glo-
bale. Ce phénomène s'explique principalement par une baisse de
l'incidence et du taux de mortalité spécifique de certains cancers
(cancers du poumon, du col de l'utérus, du sein, de l'estomac et
leucémie), du moins dans un certain nombre de pays industria-
lisés. L'amélioration du taux de survie après un cancer dans ces
pays a conduit certains scientifiques à s'intéresser davantage à la
qualité de vie de ces personnes, en portant une attention toute
particulière aux problèmes liés au cancer qui peuvent entraîner
une incapacité.
A l'inverse, dans les pays à bas et moyens revenus, le taux de mor-
talité par cancer ne cesse d'augmenter. L'amélioration de l'espé-
rance de vie et l'occidentalisation du style de vie dans ces pays
s'accompagnent d'une augmentation de l'incidence des cancers.
Les prévisions d'une augmentation de la population mondiale et
de l'espérance de vie laissent penser que le nombre de nouveaux
cas de cancer, chiffré à 12,7 millions en 2008, s'élèvera à 21,4 mil-
lions en 2030, une hausse qui se fera ressentir beaucoup plus for-
tement dans les pays du tiers-monde que dans les pays plus riches
(76% contre 25%).
Les DALY's (Disability-Adjusted Life Years) constituent un bon
moyen d'évaluer l'impact du cancer sur la population mondiale.
Ce paramètre établit un lien entre la mortalité par cancer, d'une
part, et la maladie et l'incapacité causées par le cancer chez les
patients, d'autre part.
Isabelle Soerjomataram (Lyon, France) et une équipe de chercheurs
internationale se sont penchées sur ce sujet. Les chercheurs ont
calculé les DALY's à partir de leurs deux composantes, à savoir les
années de vie perdues (Years of Life Lost, YLL's) en raison d'un décès
précoce par cancer et les années vécues avec une incapacité (Years
Lived with Disability
, YLD's), pour 27 types de cancer dans 184 pays.
Les chercheurs ont calculé qu'en 2008, le cancer a causé une perte
mondiale de 169,3 millions d'années de vie en bonne santé. Dans
la plupart des régions du monde, les cancers colorectal, du pou-
mon, du sein et de la prostate avaient le plus grand impact sur les
DALY's totales. En Afrique subsaharienne et en Extrême-Orient,
les cancers d'origine infectieuse (cancers du foie, de l'estomac, du
col de l'utérus) jouaient un rôle majeur.
On notera que les chercheurs ont constaté de grandes disparités
entre les différents pays et régions au niveau des profils de DALY.
Ainsi, même si les YLL's constituent la principale composante des
DALY's totales dans tous les pays et pour tous les cancers, elles
jouent un rôle nettement plus important dans les pays à bas reve-
nus que dans les pays riches. Les auteurs de l'étude concluent que
des efforts considérables doivent être consentis pour optimiser la
prise en charge des cancers dans les pays à bas revenus, où le pro-
nostic après le diagnostic d'un cancer est extrêmement mauvais.
Ils estiment qu'il faut des programmes sur mesure, adaptés aux
besoins individuels de ces pays.
Soerjomataram I, Lortet-Tieulent J, Maxwell Parkin D, et al. Global burden of cancer
in 2008: a systematic analysis of disability-adjusted life-years in 12 world regions.
Lancet 2012;380:1840-50.
Inhibition de RAF dans la leucémie avec mutation de RAS
Le vémurafénib, un inhibiteur sélectif de RAF,
bloque la voie de signalisation ERK et améliore de
cette manière la survie des patients atteints d'un
mélanome avec mutation V600E de BRAF. A l'in-
verse, dans les cellules avec BRAF de type sauvage,
il active cette même voie de signalisation ERK. Tels
sont les propos de Margaret Callahan et de son
équipe dans le NEJM.
Environ la moitié des personnes atteintes d'un mélanome métasta-
tique sont porteuses d'une mutation V600E, ou plus rarement V600K,
du gène qui code pour la kinase BRAF. Ces mutations ont pour effet
d'accroître l'activité de la voie de signalisation ERK et donc de favoriser
la prolifération et la survie des cellules du mélanome. Les inhibiteurs
sélectifs de RAF, comme le vémurafénib et le dabrafénib, bloquent
cette voie de signalisation ERK et donc aussi la croissance des tumeurs
associées à une mutation V600E ou V600K de BRAF. Ces traitements
induisent une régression tumorale chez plus de la moitié des patients
atteints d'un mélanome métastatique associé à une mutation V600E
de BRAF. Ils ont également un plus grand effet positif sur la survie sans
progression que la dacarbazine. Il a par ailleurs été démontré que le
vémurafénib prolongeait la survie globale.
En revanche, dans les tumeurs et cellules normales avec RAF de
type sauvage, ces mêmes inhibiteurs de RAF peuvent stimuler
la voie de signalisation ERK. C'est probablement la raison pour
laquelle ces médicaments peuvent donner lieu à des néoplasies
cutanées, voire à une augmentation de l'incidence des mélanomes
primitifs. L'analyse moléculaire de ces lésions a déjà révélé la pré-
sence fréquente d'une mutation de RAS.
Dans le NEJM, Margaret Callahan (New York, Etats-Unis) et son
équipe décrivent le cas d'un patient (un homme de 76 ans) qui a
montré une progression accélérée d'une leucémie myélomonocy-
taire chronique avec mutation de NRAS peu après l'entame d'un
traitement par vémurafénib pour un mélanome métastatique avec
mutation de BRAF (l'analyse génomique avait révélé la présence
d'une mutation V600K de BRAF, mais aucune mutation de RAS).
Ce cas montre que l'activation paradoxale de la voie ERK par les
inhibiteurs de RAF ne concerne pas uniquement les proliférations
du type carcinome épidermoïde ou kératoacanthome. En effet, on
peut également observer cette activation paradoxale dans d'autres
lésions prémalignes associées à des mutations de RAS ou d'autres
altérations génétiques qui induisent une stimulation de cette voie.
Dans la mesure où des mutations de RAS sont également souvent
à l'origine de tumeurs solides prémalignes et malignes, les auteurs
sont d'avis qu'une utilisation croissante de médicaments tels que
le vémurafénib et le dabrafénib entraînera une augmentation du
nombre de cas de néoplasies induites par l'inhibition de RAF. Ils
recommandent dès lors d'être attentif à une éventuelle hausse
rapide des globules blancs chez les patients prenant ces types de
traitement et d'interrompre le traitement tant que la cause de
cette subite augmentation n'as pas été identifiée. Autrement dit,
l'administration d'inhibiteurs de RAF comme traitement adjuvant
nécessite un suivi scrupuleux. Aussi, les auteurs estiment que, pour
l'instant, ces médicaments ne peuvent être utilisés que comme
adjuvants dans le cadre d'essais cliniques.
Callahan M, Rampal R, Harding J, et al. Progression of RAS-mutant leukemia during
RAF inhibitor treatment. N Engl J Med 2012;367:2316-21.