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Skin
Vol 16
N°1
2013
42
plus superficielles de la peau. Connecté
au cerveau, l'ensemble de ce réseau
complexe communique par le biais des
neuromédiateurs. Libérés par des fibres
nerveuses mais aussi par certaines cel-
lules présentes au niveau de l'épiderme,
leur synthèse serait essentiellement acti-
vée dans des circonstances pathologiques.
Dans le cas d'une peau sensible ou réac-
tive, la substance P et le VIP libérés par les
fibres nerveuses et les cellules de Merkel
agissent en modulant directement les
propriétés des cellules cutanées. En se
fixant sur des récepteurs de neuromé-
diateurs présents au niveau des kérati-
nocytes, des cellules de Langerhans, des
fibroblastes, ces deux neuromédiateurs
sont à l'origine d'une inflammation neu-
rogène, conduisant à une vasodilatation et
à la dégranulation des mastocytes. Cette
meilleure connaissance des neuromédia-
teurs permet d'envisager des possibilités
cosmétiques ou thérapeutiques nouvelles.
APPROCHE PRATIQUE D'UN
PATIENT AYANT UNE «PEAU SEN-
SIBLE» SUITE À L'UTILISATION
DE PRODUITS DE BEAUTÉ
La première étape dans l'approche d'un
patient présentant une réaction indési-
rable à un produit cosmétique consiste
à exclure une cause objectivable, notam-
ment un eczéma de contact irritant ou
allergique ou de l'urticaire de contact.
Outre un questionnaire approfondi
concernant les produits utilisés et l'appa-
rition ou non de symptômes apparents, il
convient d'effectuer un examen cutané
précis afin de déceler d'éventuelles der-
matoses concomitantes (acné rosacée,
atopie, eczéma séborrhéique...). Les tests
épicutanés à batterie standard et batte-
rie cosmétique doivent être complétés
avec tous les produits de beauté utilisés.
Si tous les tests épicutanés sont positifs
et les allergènes pertinents, il s'agit d'un
eczéma de contact allergique ou d'urti-
caire de contact. Eviter les produits qui
contiennent l'allergène incriminé peut
dès lors offrir une solution. En cas de tests
épicutanés négatifs chez des patients qui
présentent (ou mentionnent) des signes
cliniques d'eczéma, il s'agit générale-
ment d'un eczéma de contact irritant.
Toutefois, il faut rester attentif aux tests
faussement négatifs ou à la possibilité
d'une réaction photoallergique. Le test
Repeated Open Application Test (ROAT)
ou les tests épicutanés photoallergiques
peuvent être une solution à cet égard.
Si aucune lésion cutanée clinique pro-
noncée n'apparaît et si aucun test épi-
cutané n'est positif chez des patients qui
signalent une hypersensibilité suite à l'uti-
lisation de produits de beauté, on peut
conclure qu'il s'agit d'une peau sensible.
QUELS TRAITEMENTS ET
CONSEILS POUR LES PEAUX
SENSIBLES
Il n'y a pas de schéma thérapeutique idéal
pour une peau réactive ou sensible. Le rôle
du dermatologue consulté est donc d'éli-
miner les facteurs déclenchants ou aggra-
vants que l'interrogatoire a pu retrouver,
y compris le traitement local par corti-
costéroïdes. Prescrite très souvent par les
médecins pour ce qu'ils croient être une
allergie, la corticothérapie rend la peau
de plus en plus fragile, amincie, sujette à
un érythème rapidement permanent et
à une intolérance à tous les produits cos-
métiques, réalisant alors le tableau de la
«dermatite des corticoïdes».
Les conseils à donner aux patients
portent essentiellement sur le choix de
soins dermocosmétiques sûrs. La règle
générale veut que les produits destinés
à l'hygiène quotidienne contiennent le
moins possible d'ingrédients. Les aller-
gènes les plus fréquents ainsi que les
substances irritantes doivent être évités
(produits sans parfum, nombre réduit
de conservateurs, sans alcool...). Il faut
exclure les savons et pains de toilette, et
leur préférer les lotions nettoyantes sans
rinçage et les brumisateurs d'eau ther-
male. Les crèmes hydratantes seront de
texture légère et d'application aisée ou,
éventuellement, bien que plus gras, des
cold-creams ou des cérats.
Par ailleurs, il convient de respecter la date
de validité des produits de beauté et dans
certains cas, il est même conseillé de ne
pas conserver les produits au-delà de trois
mois car l'oxydation risque de les transfor-
mer en produits allergisants ou irritants. Les
crèmes au benzoyl péroxyde, à la vitamine
A acide ou aux acides de fruits (acide gly-
colique), doivent être évitées. De même, le
choix du maquillage importe. Les produits
waterproof
doivent être écartés. Il faut plu-
tôt conseiller un maquillage sous forme de
poudre plutôt que sous forme de crème en
insistant sur l'importance du soin hydra-
tant. Enfin, on déconseillera la pratique
souvent souhaitée de peelings, dermabra-
sion, laser. On prendra en compte le terrain
anxiogène, parfois objectivé par d'autres
signes cliniques (oro- ou glossodynie), qui
justifie la prise en charge psychothérapique
ou psychiatrique.
SANS, SANS, SANS...
MAIS AVEC DES IDÉES EN PLUS...
La cosmétique «sans»: une tendance de
fond en cosmétique. Sans paraben, sans
phénoxyéthanol, sans PEG, sans phtalates,
sans silicones, sans conservateurs, sans
colorants, sans nanoparticules. Telle est
la lignée actuelle des soins dermocosmé-
tiques. Mais attention, on ne peut (bien)
faire «sans» si on n'a pas quelques «plus»
à proposer en contrepartie. Ainsi, plusieurs
laboratoires de dermo-cosmétiques ont
pu développer et formuler des alternatives
au «sans», c'est-à-dire des ingrédients
qui peuvent remplacer, si possible avec la
même efficacité et sans risque de toxicité
ni d'intolérance, les substances mises à
l'index. Le challenge du sans pousse éga-
lement les formulateurs à l'innovation
technologique. Et certains laboratoires
ont décidé de prendre l'avenir de vitesse
en sortant les premiers soins 100% sté-
riles. Les formules sont imperméables à la
moindre bactérie et ce depuis la concep-
tion jusqu'à l'utilisation. Résultat: les soins
ne contiennent ni conservateur, ni par-
fum, ni alcool, rien que des actifs néces-
saires à la soigner la sensibilité de la peau.
On ne peut qu'encourager cette prouesse
qui annonce sans doute un nouvel avenir
à la cosmétique.
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