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Skin
Vol 16
N°1
2013
15
La plupart des adultes souffrant de TTM
sont bien conscients de leur besoin ob-
sessionnel de s'arracher les cheveux (1).
Ils indiquent ressentir un sentiment de
tension ou d'angoisse qui s'amplifie pro-
gressivement jusqu'à ce que l'envie de
s'arracher les cheveux devienne irrésis-
tible. Le passage à l'acte leur procure un
sentiment de soulagement (1). Parfois, la
sensation de tension/soulagement n'est
pas présente (3). La majorité des patients
souffrant de TTM s'arrachent les cheveux
tous les jours ou presque, une activité qui
peut leur prendre facilement plusieurs
heures par jour (1). Certains patients
s'adonnent à cette activité à un moment
précis ou à un endroit spécifique de leur
maison, lui conférant ainsi un caractère
rituel (1).
Plus de la moitié des patients choi-
sissent d'abord les cheveux qui sont
quelque peu différents au toucher,
comme les cheveux plus raides ou
plus épais (1). Mais pour pouvoir enle-
ver ces derniers, ils doivent également
en arracher d'autres. Chez ces patients
ayant une obsession de l'arrachage, il
existe un risque nettement supérieur de
trouble psychiatrique complémentaire
prononcé. Celui-ci peut prendre diverses
formes: trouble anxieux, dépression,
trouble panique, trouble obsessionnel
compulsif, alcoolisme, toxicomanie ou
trouble de l'alimentation (1, 3). Des
troubles de la personnalité, du type
trouble borderline, peuvent aussi être
associés à la TTM (1).
CHEVEUX, ARRACHAGE ET
MANIE
Le terme «trichotillomanie», construit
sur la base des mots grecs «thrix» (che-
veux), «tillein» (tirer) et «mania» (ma-
nie), a été utilisé pour la première fois
en 1889 par le dermatologue français
François Henri Hallopeau (1). Plus de 100
ans après, l'épidémiologie, la cause et la
meilleure approche de cette maladie
ne sont toujours pas claires (1). Depuis
le premier cas rapporté par Hallopeau,
plusieurs cas ont été décrits tant dans la
littérature pédiatrique que dermatolo-
gique. Dans les revues de gastro-entéro-
logie ou de chirurgie, seules les complica-
tions spectaculaires d'un trichobézoard
ont été décrites.
Jusqu'avant 1990, on pensait que la TTM
était une maladie rare (1). Les connais-
sances en la matière se sont développées
par la suite, mais les données relatives à
l'épidémiologie divergent toujours for-
tement, allant d'une fréquence extrê-
mement faible à 1 personne sur 200 à
l'âge de 18 ans (1). La fréquence semble
toutefois être en constante augmenta-
tion. D'après certains, ce phénomène est
dû au fait qu'aujourd'hui, les gens osent
chercher plus rapidement une assistance
professionnelle en raison de l'attention
médiatique croissante accordée à la ma-
ladie (1).
Les enfants de 5 à 12 ans constituent
vraisemblablement l'immense majorité
des patients, mais la fréquence exacte de
la maladie dans ce sous-groupe n'est pas
connue (3). Dans la population adulte, la
TTM touche nettement plus les femmes
(1). Il se peut que la fréquence chez les
hommes soit sous-estimée, du fait qu'ils
peuvent masquer plus facilement les
zones dégarnies en se rasant le crâne (1).
Nos confrères psychiatres classent la
TTM dans la catégorie des troubles
du contrôle des impulsions. La cause
exacte de la TTM n'est pas connue pour
l'instant. Tout comme l'onychophagie
et la scabomanie, la trichotillomanie est
liée à une forme de «grooming» exces-
sif. Le terme «grooming» fait référence
au fait de se toiletter et de s'inspecter
mutuellement la fourrure, une pratique
que l'on observe fréquemment chez les
singes. Pour les animaux, il s'agit d'une
forme d'hygiène et de contact social.
Certains auteurs soulignent que dans
le sous-groupe des patients chez qui
l'arrachage des cheveux constitue une
véritable obsession, la TTM s'apparente
à un trouble obsessionnel compulsif (1).
Des scans cérébraux ont montré que
les patients souffrant de TTM présen-
tent une modification de la densité de
circuits cérébraux liés à l'apprentissage
des habitudes et à la régulation des
émotions (4). Il se pourrait également
qu'un facteur d'ordre génétique joue un
rôle (5).
TABLEAU CLINIQUE ET
DIAGNOSTIC
La plupart du temps, les patients
consultent pour des zones dégarnies sur
le crâne. On constate généralement une
zone dégarnie sans cicatrice ni inflam-
mation, avec des cheveux cassés de taille
variable. Ces zones irrégulières de cheveux
cassés font penser à une alopécie en clai-
rière. Parfois, des cicatrices peuvent mal-
gré tout se former de manière secondaire
à la suite de petites lésions. Le vertex est
généralement la partie du crâne la plus
touchée, suivi des zones temporale, occi-
pitale et frontale. Souvent, l'arrachage se
fait de manière centrifuge au départ d'un
certain point, conduisant à l'apparition
de zones circulaires avec des parties plus
dégarnies sur les bords. Lorsque la zone
est tellement grande que le patient n'y
Figure 1: Image histologique typique de trichotillomanie: trichodysplasie avec cheveux tortueux
difformes et tractus fibreux résiduel pigmenté.
© Marc Haspeslagh, pathologiste