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Vol 16
N°1
2013
35
Dans 70% des cas, la première manifes-
tation du MAU est une mélanonychie
longitudinale, témoignant de l'origine
matricielle de celui-ci (15) (Figure 5).
Afin d'aider le clinicien à détecter les
mélanonychies suspectes, un algorithme
anglophone reprenant les premières
lettres de l'alphabet a été proposé: A
pour Age, Asiatique et Afro-américain,
B pour Brun et noir («Black»), C pour
modification («Change») de l'ongle ou
absence de modification malgré un trai-
tement bien conduit, D pour Doigts les
plus fréquemment concernés, E pour
Extension du pigment (débordement
pigmentaire ou signe de Hutchinson),
F pour antécédents Familiaux de méla-
nome (21). L'examen dermoscopique est
particulièrement utile: des lignes brunes
à noires, irrégulièrement espacées ou
d'épaisseur variable, avec une interrup-
tion du parallélisme doivent pousser à
la biopsie (17). Différentes techniques
de prélèvement ont été développées de
manière à assurer le diagnostic histolo-
gique et limiter les risques dystrophiques
séquellaires pour une lésion qui pourrait
toutefois se révéler bénigne (22).
Dans 30% des cas, le MAU se développe
à partir du lit unguéal, sous forme d'un
nodule, pigmenté ou non, d'une ulcéra-
tion, d'une pigmentation isolée d'un re-
pli, d'une paronychie inexpliquée mono-
dactylique ou d'une destruction partielle
de la tablette (15).
La présentation clinique la plus traître est
celle du mélanome amélanotique qui est
rencontrée dans 20 à 30% des MAU (Figure
6
), dont le diagnostic peut s'avérer particu-
lièrement difficile, comme dans le cas d'un
onychorrhexis monodactylique (23).
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE:
DE L'AMPUTATION À LA CHIRURGIE
FONCTIONNELLE
Le traitement traditionnel de tout MAU
consistait jusqu'il y a peu à réaliser une
amputation à la jointure métacarpopha-
langienne. Plusieurs études ont démon-
tré que l'amputation interphalangienne
proximale était une alternative accep-
table à des amputations plus proximales,
sans affecter la survie, pour autant que
la lésion était excisée en entier (14, 24).
Il n'existe pas d'études randomisées ou
prospectives comparant l'amputation à
l'excision locale ou les niveaux d'amputa-
tion entre eux. Les données scientifiques
disponibles relèvent d'études rétrospec-
tives où l'on observe un biais dans le
choix du traitement qui a généralement
consisté à proposer une amputation plus
distale ou une excision locale dans le cas
de lésions moins invasives, alors que dans
le groupe des amputations, le Breslow
moyen était nettement plus élevé.
Concernant les marges d'excision, une
méta-analyse a montré qu'il n'y avait
pas de différence statistiquement signi-
ficative de la survie et de la rémission
entre les deux groupes ayant fait l'objet
d'une excision étroite (1-2cm) ou d'une
excision large (3-5cm). Cependant, des
différences significatives sur la survie et
le risque de récidive étaient individuel-
lement notées en fonction de l'épaisseur
de la lésion (indice de Breslow) (14). Il
convient de distinguer deux groupes:
celui des mélanomes in situ et celui des
mélanomes invasifs. Le mélanome in situ
doit faire l'objet d'une exérèse chirur-
gicale complète de l'appareil unguéal,
incluant la tablette unguéale, le lit de
l'ongle et la matrice unguéale, idéale-
ment complétée par une greffe de peau
(25). Quelques séries de cas ont fait
l'objet d'une chirurgie de Mohs avec des
résultats encourageants (14).
Les mélanomes invasifs imposent l'am-
putation, la plus fonctionnelle possible,
en fonction de l'épaisseur de la tumeur
(25, 26). Dans l'étude de Moehrle et al.,
deux groupes de patients avec un méla-
nome unguéal ont été étudiés, l'un sou-
mis à une amputation interphalangienne
distale et l'autre à une excision fonction-
nelle complète de la tumeur avec une
résection partielle de la phalange distale.
Après un suivi médian de 54 mois, le taux
de survie du groupe «résection fonction-
nelle» n'était pas inférieur à celui du
groupe «amputation», mais montrait par
contre un bénéfice en termes de résultat
cosmétique et fonctionnel (26). Plusieurs
auteurs ont traité des mélanomes in situ
et micro-invasifs (Breslow inférieur à
0,5mm)
par exérèse «en bloc» de l'appa-
reil unguéal avec des marges de 5-10mm
suivie d'une greffe de peau épaisse avec
un excellent résultat cosmétique et
fonctionnel sans modification du pro-
nostic (27). Une attention particulière
devra être portée à la chirurgie du gros
orteil, qui essaiera de préserver dans la
mesure du raisonnable la phalange proxi-
male, point d'appui et site d'insertion de
muscles importants pour l'équilibre. La
même attention devra être consacrée à
la chirurgie du pouce, qui est le seul doigt
opposable aux autres doigts permettant
d'attraper et de tenir des objets. L'enjeu
réside prioritairement dans l'exérèse
chirurgicale complète, mais également
dans la tentative de préserver la meil-
leure fonctionnalité possible. Enfin, l'as-
pect cosmétique final devra être pris en
considération (25).
LE CARCINOME
BASOCELLULAIRE
Le carcinome basocellulaire de l'appareil
unguéal est très rare: une vingtaine de
cas sont seulement rapportés dans la lit-
Figure 4: Maladie de Bowen: onycholyse suintante de longue date chez un médecin.