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aCtUalitéS MédiCalES
MEDI-
SPHERE
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18 avril 2013
CoNSEil JUridiqUE
adéquate de votre part dans un délai respectable. Selon elle: «cela ne
se passera pas comme ça
»!
Qu'en est-il exactement en droit?
tout d'abord le principe de base: votre responsabilité extra-contrac-
tuelle sera le cas échéant retenue sur base du constat qu'au cours de
la relation de soins, une faute est commise dans votre chef, en lien
causal direct avec un dommage subi par le patient. le fait générateur
de cette responsabilité pourra résider dans la faute la plus légère qui
soit, laquelle sera systématiquement appréciée en fonction du critère
de la diligence normale.
En d'autres termes, sera abstraitement comparée votre attitude à la
réaction qu'aurait eu un médecin normalement prudent et diligent,
placé dans les mêmes circonstances factuelles que le litige vous
concernant. Cette faute, qui devra en tout état de cause être prouvée
par la victime, se définit comme un manquement, si minime soit-il,
volontaire ou non, par acte ou omission, à une norme de conduite
(légale, sociale, technique ou morale) préexistante.
quelle que soit l'attitude que vous adopterez au regard du fait qui
vous est reproché, vous ne confondrez pas la notion de faute et le
concept de l'aléa thérapeutique, celui-ci ne pouvant vous servir de
rempart confortable pour tenter d'éluder votre responsabilité.
Concrètement, il vous reviendra donc d'inviter Madame delplanque
à rapporter la preuve d'un dommage dans son chef, couplé à un
comportement fautif dans le vôtre.
Le raisonnement à mener aurait été identique si d'aventure, la faute
reprochée avait consisté en un diagnostic ou une information donnés
oralement ou par écrit, mais sans consultation.
dans cette hypothèse, la teneur de votre réponse écrite ou orale
aux questions qui vous auront été confiées sera passée au crible du
comportement du médecin suffisamment prudent et diligent.
vous noterez ainsi à titre exemplatif que:
- le tribunal de 1
ère
instance de Bruges condamna un médecin trai-
tant n'ayant pas suffisamment apprécié la situation que lui avait
décrite par téléphone une de ses patientes enceinte. il lui avait
initialement rendu visite et diagnostiqué une indigestion. il lui
avait alors prescrit du Buscopan
®
. lorsque la patiente le recontac-
ta pour lui confirmer la persistance de ses douleurs, le médecin
n'envisagea pas l'éventualité d'une grossesse extra-utérine, dont
mourut in fine la patiente (Civ. Bruges, 19/12/1994, rev. dr. Santé
1997-1998;p38):
- a contrario, la Cour d'appel de Gand ne retiendra pas la respon-
sabilité d'un médecin généraliste qui ne s'était pas déplacé chez
un patient se plaignant de douleurs à l'estomac mais avait convenu
avec lui qu'il le rappellerait si les douleurs persistaient. la Cour
a ainsi estimé qu'il n'existait aucun lien causal entre le contact
téléphonique non suivi d'une consultation et le décès du patient
à la suite d'un infarctus (Gand, 16/05/2006, rev. dr. Santé 2006-
2007;p114).
la mésaventure vécue par Madame delplanque sera heureusement
d'une moins grande gravité. Son initiative d'ingérer un médicament
sans avis médical formel pourrait même être retenue comme compor-
tement fautif à l'origine de son propre dommage, aucune responsabi-
lité quelconque n'étant par conséquent retenue à votre égard.
Un partage de responsabilités pourrait aussi être envisagé compte
tenu des circonstances, si le tribunal devait estimer que votre faute,
cumulée à celle de votre patiente, a provoqué un dommage dans son
chef.
Une chose est en tout cas certaine: à l'avenir, ne conseillez à personne
de s'inscrire à la séance d'aquagym du jeudi matin. Cela pourrait nuire
à votre réputation... C'est grave docteur?
Quelle que soit l'attitude que vous
adopterez au regard du fait qui vous
est reproché, vous ne confondrez pas la
notion de faute et le concept de l'aléa
thérapeutique, celui-ci ne pouvant vous
servir de rempart confortable pour tenter
d'éluder votre responsabilité.