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MEDI-
SPHERE
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18 avril 2013
SaNté MENtalE
Sur le plan pharmacologique, aucune molécule n'a encore obtenu
l'approbation des autorités de santé. Mais nombre d'entre elles ont
montré un potentiel plus qu'intéressant, avec un «effect size» rela-
tivement élevé: 0,78 si l'on en croit une méta-analyse regroupant
16 études cliniques portant sur 597 patients (3). on retrouve parmi
ces produits:
- les antagonistes des récepteurs aux opioïdes, que l'on utilise déjà
comme traitements anti-craving dans l'alcoolisme et certaines
toxicomanies. ils peuvent être considérés comme le traitement
de première ligne du jeu pathologique selon les deux experts, en
particulier chez les individus avec antécédents familiaux d'alcoo-
lisme et pour les personnes qui jouent dans l'urgence... l'effet
de cette classe est lié à son potentiel de modulation dopaminer-
gique. quatre essais cliniques avec contrôle placebo en double
aveugle ont été relativement concluants en la matière, deux avec la
naloxone, deux avec le namelfene (1). Chez les bons répondeurs,
la réduction de l'urgence au jeu diminue de manière spectaculaire
(4), en particulier en cas d'antécédents familiaux d'alcoolisme (5);
- les glutamatergiques ont également soulevé de belles pro-
messes, qui demandent encore à être confi rmées (1), même si la
N-acétyl-cystéine qui, on le sait, module les récepteurs au
glutamate a montré également qu'elle peut réduire de manière
signifi cative l'urgence au jeu (6);
- le lithium a également été étudié, notamment parce qu'il active
le métabolisme dans les zones orbitofrontales, dorsolatérales et
cingulaires (7). il est particulièrement actif chez les patients bipo-
laires (8);
- les SSri ont de leur côté montré un effet chez les patients souf-
frant également de troubles anxieux (9);
- enfi n, la memantine a également montré un effet dans des essais
de petite envergure.
quant à savoir quelle molécule choisir, c'est encore la bouteille à
encre, dans la mesure où aucun essai comparatif direct n'a été réalisé.
quoi qu'il en soit, au vu des connaissances actuelles (5), il semble que
l'on ne puisse priver un joueur compulsif d'un traitement par antago-
niste des récepteurs aux opioïdes lorsqu'il présente des antécédents
familiaux d'alcoolisme ou lorsque l'urgence au jeu est la manifestation
principale de son addiction.
références
1.
Hodgins d, et al. lancet 2011;378(9806):1874-84.
2.
van Holst r, et al. Biol Psychiatry 2012;71(8):741-8.
3.
Pallesen S, et al. J Clin Psychopharmacol 2007;27(4):357-64.
4.
Grant J, et al. J Clin Psychiatry 2008;69(5):783-9.
5.
Grant J, et al. Psychopharmacology (Berl) 2008;200(4):521-7.
6.
Grant J, et al. Biol Psychiatry 2007;62(6):652-7.
7.
Hollander E, et al. Neuropsychobiology 2008;58(1):37-47.
8.
rogers r, Goodwin G. Evid Based Ment Health 2005;8(3):80.
9.
Bowden-Jones H, George S. BMJ 2011;343:d7789.
10. Sani G, et al. CNS drugs 2012;26(8):663-90.
Le cerveau des joueurs compulsifs n'appréhende pas les pertes et les gains comme
le commun des mortels
S
avoir ce que l'on attend est une nécessité pour effectuer de bons choix. dans ce sens, imaginer que tout va mal tourner conduit
immanquablement à l'immobilisme. inversement, surestimer ses chances peut conduire un individu à précipiter ses actes, au risque
de se planter. Et c'est au gré des expériences que le comportement individuel devrait en principe se modeler. l'addiction (au jeu) est
caractérisée par le choix répétitif de décisions péjoratives ou contreproductives, mais qui mènent l'individu «joueur» à remiser sans cesse,
avec les pertes fi nancières inéluctables qui en découlent. C'est ce constat qui a conduit les chercheurs à imaginer que le cerveau des joueurs
compulsifs réagit différemment.
le Centre de recherche sur les addictions d'amsterdam a mené plusieurs études sur les modifi cations intracérébrales observées en irM
fonctionnel chez les personnes atteintes de ludomanie. l'une de ces études a clairement démontré l'activation de certaines zones précises
du cerveau chez les joueurs pathologiques lorsqu'ils attendaient un gain potentiel, zones non activées chez les patients contrôle attendant le
même gain potentiel (2). Une activation signifi cativement plus forte a été trouvée dans le lobe occipital gauche, le gyrus parahippocampique,
le cortex préfrontal dorsolatéral, le noyau accumbens, le cortex orbitofrontal droit, le cortex cingulaire antérieur bilatéral, le cortex frontal
médian, et le noyau caudé.
Cette perte de sensibilité de la réponse est par ailleurs similaire à celle que l'on retrouve chez les toxicomanes, l'activation plus importante du
cerveau pour obtenir la même réponse étant probablement responsable de l'addiction au jeu avec phénomène de «craving» ou besoin intense,
urgent avec désir incontrôlé.