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aCtUalitéS MédiCalES
MEDI-
SPHERE
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18 avril 2013
aCtUalitéS PolitiCo-SoCialES
Ce n'est du reste pas le seul problème qui entrave
le développement de médicaments contre les mala-
dies rares. «On ne dispose par exemple pas toujours
de données de phase III qui comparent le nouveau
produit au traitement standard, pour la bonne et
simple raison que ce dernier n'existe souvent pas
encore
.» le vismodegib, un nouvel inhibiteur de
la voie dite du hérisson (hedgehog pathway) des-
tiné au traitement des carcinomes basocellulaires
(CBC) localement avancés ou métastasiques, en
est un bon exemple. «Le CBC est le plus fréquent
des cancers cutanés, mais il est exceptionnel qu'il
atteigne localement un stade très avancé ou provoque
des méta stases: en Belgique, ce n'est le cas que chez
une poignée de personnes chaque année. Nous ne dis-
posons pas non plus de données de phase III pour le
vismodegib, parce qu'il n'existait pas encore d'autre traitement pour cette
maladie lors de son avènement. Du coup, les autorités font parfois des
difficultés lors de l'enregistrement, ce qui n'est évidemment pas illogique
lorsqu'on songe que ces médicaments sont souvent très chers. Le produit
a toutefois pu entre-temps obtenir l'aval de la FDA sur la base d'études
de phase II. La procédure d'approbation par l'EMA
est en cours
Pascal Wolter précise encore que la Fda américaine et son homo-
logue européenne l'EMa n'appliquent pas toujours les mêmes cri-
tères lors de l'enregistrement d'un médicament orphelin. «Plusieurs
traitements contre les lymphomes cutanés ont par exemple été enregis-
trés sur la base d'études de phase II aux Etats-Unis, tandis que l'Europe
reste à la traîne... avec pour résultat que ces produits ne sont toujours
pas disponibles chez nous
Prise de conscience
au rayon des évolutions positives, on retiendra en particulier l'atten-
tion accrue accordée aux maladies rares et au développement des
médicaments orphelins, qui se reflète dans des initiatives comme
l'événement de louvain ou le lancement d'une Journée internationale
des maladies rares. «Dans le domaine des tumeurs rares, l'European
Society for Medical oncology (ESMO) a également lancé la campagne
`
rare Cancers Europe'. Il existe aussi une `international rare Can-
cers initiative' (IRCI), un projet conjoint du National Cancer insti-
tute américain (NCI) et de l'European organisation for research and
treatment of Cancer (EORTC)...»
le Pr Westhovens renvoie également à une directive édictée il y a
quelques années par l'Union européenne dans le but de soutenir
l'industrie pharmaceutique dans le développement des médica-
ments orphelins. «Les firmes bénéficient d'une aide pour ces dossiers;
elles conservent par exemple les droits durant dix ans (voire plus
lorsqu'il existe un volet pédiatrique distinct), les critères de sécurité ou
d'efficacité peuvent être différents...
»
En 2004, cette directive européenne a été implémentée dans notre
pays par le biais des Collèges de Médecins pour les Médicaments
orphelins. «Lorsqu'une firme pharmaceutique introduit un dossier
auprès de la Commission de Remboursement des Médicaments (CRM)
et que le produit se voit attribuer le statut de médicament orphelin, un
collège est mis sur pied afin d'accompagner sa pres-
cription et son remboursement.» a l'heure actuelle, dans notre pays,
25 à 30 molécules sont remboursées et contrôlées par des collèges de
ce type, constitués chacun de 4 spécialistes du domaine concerné et de
4 représentants des mutuelles. «Lorsque le médecin traitant introduit
une demande de remboursement d'un médicament orphelin auprès du
médecin-contrôle de la mutuelle, le collège compétent examine le dos-
sier et rend un avis positif ou négatif au médecin-conseil,
explique rené
Westhovens. C'est toutefois à ce dernier que revient la décision finale
Défis
«Les collèges peuvent également formuler des avis à l'intention du
Fonds spécial de Solidarité, voire éventuellement conseiller à la CRM
d'adapter la réglementation sur la base de l'évaluation des effets d'un
médicament donné
Enfin, rené Westhovens estime qu'il serait particulièrement utile,
dans le futur, de réfléchir à la manière de structurer l'ensemble de la
prise en charge de ces maladies dans notre pays. «Le Fonds des Mala-
dies rares de la Fondation Roi Baudouin a déjà posé un certain nombre
de jalons dans cette direction. Ce sera pour les années à venir un défi
majeur mais non sans importance
, poursuit le spécialiste. Nous devons
être attentifs au modèle de soins global dans lequel s'inscrit l'utilisation
des médicaments orphelins. Si ces produits onéreux sont utilisés dans le
cadre d'un concept qui n'est pas optimal, leur effet ne le sera pas non
plus, ce qui revient finalement à jeter de l'argent par les fenêtres
dans le domaine de l'oncologie, Pascal Wolter pense qu'il pourrait être
utile de regrouper les efforts pour les tumeurs vraiment rares. «D'après les
derniers chiffres disponibles (2010), il y avait par exemple en tout et pour
tout en Belgique 102 patients atteints d'un lymphome cutané, sur une popu-
lation totale de 10,5 millions. Peut-être pourrait-on désigner pour chaque
cancer rare 2 ou 3 centres qui recevraient un financement pour mettre sur
pied une équipe de recherche, collecter des données épidémiologiques, attirer
ou lancer des projets d'études... A l'heure actuelle, un tel système n'existe
pas, même si la
Belgian Society of Medical oncology (BSMO) a tout de
même créé plusieurs
task forces autour par exemple du cancer de la thyroïde,
du rein, des mélanomes, etc. C'est un début, mais il reste bien du chemin à
parcourir ­ et il devra s'inscrire dans un cadre multidisciplinaire
», conclut
le spécialiste. il s'agit donc encore d'un domaine en plein développement,
dont nous n'avons sans doute pas fini d'entendre parler...
«Plusieurs traitements
contre les lymphomes
cutanés ont par exemple
été enregistrés sur la
base d'études de phase II
aux Etats-Unis, tandis
que l'Europe reste à la
traîne... avec pour résultat
que ces produits ne sont
toujours pas disponibles
chez nous.»
DR PAScAL WoLTER