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MEDI-
SPHERE
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18 avril 2013
L
e point de départ de cette rencontre était la jour-
née de pharmacologie consacrée au thème des
maladies rares organisée par Farmaleuven et
alfaGen à louvain le 2 mars dernier, où nos interlo-
cuteurs (tous deux rattachés à la KU leuven) étaient
invités en tant qu'orateurs.
«D'après la définition européenne, une maladie est consi-
dérée comme rare lorsqu'elle touche moins de 5 personnes
sur 10.000
, explique le Pr Westhovens. En Belgique, il
s'agit donc de toutes les maladies qui concernent moins de
5.000 patients... ce qui, au total, représente tout de même
quelque 65.000 personnes.»
le terme recouvre des pa-
thologies extrêmement diverses, de la mucoviscidose à
l'hémophilie en passant par la sclérose en plaques, la
sclérodermie et certaines tumeurs peu courantes.
a mesure que nos connaissances progressent et que la médecine
décompose de plus en plus de tableaux cliniques en sous-groupes
parfois extrêmement petits, on assiste en outre à une évolution de
la notion de maladie rare vers celle d'indication rare, précise encore
rené Westhovens en évoquant un exemple tiré de son propre champ
d'activité, celui de la rhumatologie: «De nos jours, nous utilisons des
inhibiteurs du TNF et d'autres médicaments biologiques pour le traite-
ment de l'arthrite rhumatoïde en général, mais nous voudrions en arri-
ver à une situation où nous pourrions déterminer à l'avance quel produit
représente le choix le plus judicieux dans un type donné de la maladie.»
la même évolution vers une médecine de plus en plus personnalisée
s'observe également dans le domaine de l'oncologie, où une tumeur
présentant certains marqueurs réagira à un médicament bien précis,
tandis que d'autres formes répondent mieux à d'autres traitements.
assiste-t-on à une évolution vers plus d'indications spécifiques/rares,
et donc vers plus de médicaments orphelins?
Tumeurs rares
toujours dans le domaine du cancer, il suffit d'un rapide tour d'ho-
rizon pour se rendre compte qu'il existe un nombre assez consé-
quent de (sous-types de) tumeurs rares. d'après un article américain
publié dans les Public Health Reports (Greenlee
rt, 2010), 25% des tumeurs de l'adulte seraient
en réalité des maladies rares, explique le dr Wol-
ter. «Chez l'enfant, c'est même le cas de la quasi-
totalité des cancers, parce que ce type de maladie
touche globalement peu les plus jeunes.
»
Par ailleurs, ce qui est vrai pour les maladies rares et leurs traite-
ments l'est également pour les tumeurs rares: «Leur étude et leur prise
en charge soulèvent une foule de difficultés
, souligne le spécialiste.
Comme les séries de patients sont très limitées, il est difficile de dévelop-
per une réelle expertise et de définir une pratique standard en matière
de diagnostic, de prévention, de dépistage, de traitement...
» il évoque
lui aussi la tendance à une médecine de plus en plus personnalisée,
reposant notamment sur la recherche des mutations génétiques qui
accompagnent certains cancers et qui peuvent éventuellement servir
de cible à des traitements spécifiques. «Pour identifier des mutations
de ce type, l'idéal est évidemment d'organiser un screening dans de
grands groupes de patients... mais le problème des tumeurs rares, c'est
justement que nous ne disposons pas de telles séries. Il est donc très
difficile de réunir un nombre important de patients en vue d'une étude,
en particulier dans un petit pays.
»
Cependant, une fois que l'on a identifié une mutation responsable
d'un cancer donné ou même un médicament capable d'agir à ce ni-
veau, tout n'est en outre pas encore gagné. «Les tumeurs rares consti-
tuent de toutes petites niches, et il va sans dire que les médicaments
permettant de les soigner génèrent donc nettement moins de bénéfices
pour la firme qui les produit qu'un `
blockbuster' pouvant être utilisé
dans un cancer fréquent comme celui du sein.
»
aCtUalitéS PolitiCo-SoCialES
MS7542F
Les maladies rares,
un phénomène courant
Heidi Van de Keere
Si, individuellement, les maladies rares sont par définition peu fréquentes, ce qualificatif recouvre
un nombre et une diversité tels de syndromes que le groupe de personnes concernées est finalement
loin d'être négligeable: rien qu'en Belgique, environ 65.000 patients souffriraient de l'une ou l'autre
de ces maladies. Quels sont les obstacles et les défis de la recherche sur ces affections et sur leur
traitement? Nous avons posé la question au Pr René Westhovens, président du collège national des
Médicaments orphelins de l'Inami, et au Dr Pascal Wolter, dermato-oncologue spécialisé dans les
tumeurs cutanées rares.
«Chez l'enfant, c'est le
cas de la quasi-totalité
des cancers, parce que ce
type de maladie touche
globalement peu les plus
jeunes.»
PR RENé WESTHovENS