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Neurone
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Vol 17
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N°9
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2012
le révèlent les données de Sheldon H.
Preskorn (Tableau 1).
En s'appuyant sur les principes connus
de la pharmacodynamique et de la
pharmacocinétique, il est possible
d'évoluer vers un système plus scienti-
fique et donc plus sûr de prescription
des psychotropes, qui serait plus raison-
nable d'un point de vue économique,
aurait une plus grande efficacité cli-
nique et entraînerait moins de risques
d'effets secondaires sévères. Cela ne
passe pas uniquement par l'EBM et
l'économie, mais aussi par une applica-
tion concrète des sciences pharmacolo-
giques modernes en respectant le prin-
cipe «primum non nocere» d'Hippo-
crate.
Aujourd'hui, bon nombre de pro-
grammes d'automatisation des prescrip-
tions permettent d'interroger l'ensemble
de la base de données d'un seul ou de
tous les centres cliniques d'un certain
organisme de soins. Il serait dès lors pos-
sible d'avertir les médecins traitants
lorsque des combinaisons illogiques fi-
gurent dans leurs prescriptions. De cette
manière, on pourrait donc développer
facilement un système d'assurance qua-
lité avantageux à la fois pour le patient,
le médecin et la société.
Des filtres peuvent être créés pour signa-
ler les combinaisons suivantes:
A: combinaisons irrationnelles
·
Au moins deux neuroleptiques clas-
siques
·
Au moins deux neuroleptiques de
«deuxième génération»
·
Au moins deux benzodiazépines
·
Inhibiteurs des cholinestérases en
combinaison avec ACT, oxybutine,
olanzapine, quétiapine
·
Mirtazapine en combinaison avec
faible dose de quétiapine
·
IRSN en combinaison avec ISRS
·
Anticholinergiques
B: combinaisons devant être vérifiées
avant autorisation
·
Neuroleptiques retard avec per os
·
Deux neuroleptiques retard différents
·
Au moins deux ISRS
·
Combinaisons de produits d'une
même classe avec schémas de dose
journalière sous-optimaux
C: combinaisons méritant une attention
particulière
·
Utilisation d'inducteurs (carbamazé-
pine, oxycarbamazépine, lamotri-
gine, etc.)
·
Utilisation d'inhibiteurs puissants
(fluoxétine)
·
Toutes les prescriptions d'un grand
nombre de médicaments
·
Combinaisons de psychotropes avec
d'autres produits ayant des effets
connus sur le QTc, comme la dom-
péridone, le citalopram, les bêtablo-
quants, etc.
Profils et indice de
polypharmacie (IP)
Malheureusement, en dépit de tous
les articles, conférences, formations,
congrès psychiatriques, etc., l'intention
louable d'éviter la polypharmacie se
concrétise rarement dans la pratique.
Sans cadre concret de mesures, de
connaissances et de rétroaction, les ré-
sultats sont souvent moins bons que ce
qu'ils pourraient ou devraient être. Nous
avons tous de bonnes intentions, mais
sans système d'évaluation ou de mesure,
on arrive rarement à un résultat concret.
Sans en faire un label de qualité rigou-
reux, il serait peut-être utile, et ce pour
diverses raisons, que chaque médecin
dispose d'un IP (indice de polypharma-
cie) actualisé pour lui-même, ainsi que
pour son service et sa clinique. Cet in-
dice pourrait prendre la forme d'un pro-
fil simple, à savoir:
·
nombre de prescriptions d'un psy-
chotrope:
·
nombre de prescriptions de deux
psychotropes:
·
nombre de prescriptions d'au moins
trois psychotropes:
Bien que ce genre de profil permette
naturellement d'effectuer des comparai-
sons entre différents services, centres et
même médecins, l'objectif n'est pas de
l'utiliser pour lancer une chasse aux sor-
cières parmi les prescripteurs ou les ins-
titutions. Evidemment, il y toujours le
risque que dans une perspective pure-
ment économique, les organes régula-
teurs et l'assurance maladie privilégient
la réduction des coûts au détriment de la
qualité.
Psychiatres: à vous de jouer!
C'est dès lors au monde psychiatrique
qu'il incombe d'assimiler ces aspects et
d'examiner de quelle manière cet élé-
ment (qui revêt tout de même une perti-
nence sociale indéniable) pourrait être
intégré dans le plan stratégique de pres-
cription. Il existe déjà des initiatives plus
que louables qui vont dans ce sens, mais
qui sont encore trop peu connues dans
notre région (même si certaines ont déjà
été mises en oeuvre aux Pays-Bas et en
Irlande). Ce thème sera abordé plus en
détail dans un prochain article.
Conclusion
Le système actuel d'indices doit être
considéré comme une stratégie qui
cadre parfaitement avec l'objectif de
tendre constamment, dans un souci de
qualité, vers l'élargissement d'une base
scientifiquement fondée pour une psy-
chopharmacothérapie
clinique
qui
tienne compte de la sécurité des patients,
afin d'amener ces derniers, ainsi que les
autorités et la société à faire confiance à
une psychiatrie psychopharmacologique
professionnelle et neurobiologiquement
justifiée.
Références
Prescorn Column: "Do You feel lucky?" http://www.preskorn.
com/columns/9801.html
Zigmand D, Blier P. A framework to avoid irrational
polypharmacy in psychiatry. J of Psychopharmacology.
GAP: Practice guidelines Antipsychotica. Med Staf P.C dr.
Guisalin, Ferrerlaan 88a Gent (Be) 2012.