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l
Neurone
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Vol 17
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N°9
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2012
soin de ne pas prolonger indéfiniment
cette phase de transition, car il s'agit là
d'une cause très fréquente de polyphar-
macie perverse.
Les effets contraires nuisent à
l'efficacité
Certaines combinaisons médicamen-
teuses sont vraiment très incohérentes.
Ainsi, il est évident qu'il vaut mieux ne
pas combiner des inhibiteurs centraux
des cholinestérases (utilisés notamment
dans la maladie d'Alzheimer) avec des
inhibiteurs de l'acétylcholine ou des in-
hibiteurs des récepteurs nicotiniques ou
muscariniques. Or il arrive souvent de
voir des ordonnances prescrivant des
produits de ce type, tels que des ATC,
l'oxybutynine et l'olanzapine (mais pas
l'asénapine, car cette substance n'a pra-
tiquement aucun effet sur les récepteurs
mu), en plus du très coûteux inhibiteur
des cholinestérases.
L'interaction entre les inhibiteurs des ré-
cepteurs à la dopamine et les amphéta-
mines est à première vue tout aussi aber-
rante, puisque les uns inhibent les récep-
teurs dopaminergiques D2 et les autres
favorisent la libération de dopamine.
Pourtant, il existe des éléments cliniques
pour lesquels une combinaison prudente
de tels produits n'est pas toujours contre-
indiquée, comme en cas de maladie de
Parkinson accompagnée de psychoses
(par exemple maladie à corps de Lewy),
où on a parfois recours (avec beaucoup
de prudence!) à une combinaison avec
une faible dose de clozapine.
N'oubliez pas la
pharmacocinétique
Enfin, un certain nombre d'interactions
pharmacocinétiques ont des implica-
tions majeures sur le plan clinique. Si
tout le monde connaît celles de la com-
binaison fluoxétine + clozapine, d'autres
sont potentiellement tout aussi impor-
tantes. Le type d'enzyme CYPD inhibée
ou induite détermine également la
concentration plasmatique de son sub-
strat. On sait, par exemple, que la nico-
tine, la carbamazépine, l'oxycarbama-
zépine, le millepertuis et la lamotrigine
sont des substances qui induisent toutes
l'enzyme CYPDA3 (de nombreux antidé-
presseurs, mais également la quétiapine
constituent ici le substrat). Aussi, on uti-
lise souvent la combinaison lamotrigine
(comme stabilisateur de l'humeur) +
quétiapine en cas de troubles bipolaires.
Dans ce cas, il faut donc être bien
conscient du risque de sous-dosage de la
quétiapine. En effet, si on n'augmente
pas la dose du substrat, les concentra-
tions plasmatiques risquent d'être trop
faibles en raison de l'augmentation du
turn-over enzymatique dans le foie, et
les effets cliniques peuvent tarder à se
manifester. Il convient de toujours tenir
compte du fait que les inducteurs mettent
beaucoup plus de temps à produire leurs
effets que les inhibiteurs enzymatiques.
Les effets d'induction constituent dès
lors un paramètre extrêmement impor-
tant en cas d'arrêt d'un inducteur, par
exemple lorsqu'un patient sous cloza-
pine décide d'arrêter de fumer. Si la dose
journalière de clozapine n'est pas adap-
tée, il y a alors un risque d'augmenta-
tion de la concentration plasmatique.
Lorsqu'un patient porteur du VIH stabili-
sé sous inhibiteur de protéase se voit
prescrire en complément un ISRS de
type paroxétine, par exemple parce qu'il
souffre de dépression, pratiquement
80% de sa capacité de métabolisation
oxydative est inhibée (50% par le traite-
ment anti-VIH [CYP3A4] et 30% par
l'ISRS [CYP2D6]). Attention: la rispéri-
done est complètement métabolisée par
les enzymes CYP3A4 et CYP2D6. Aussi,
la prescription de rispéridone à ce type
de patient, par exemple en raison d'une
psychose, peut entraîner des hausses
dramatiques des concentrations plasma-
tiques (avec tous les effets secondaires
qui y sont liés). Ajoutez à cela les diffé-
rences génétiques individuelles parfois
importantes en termes de capacité des
enzymes CYPD, et le danger de la poly-
pharmacie apparaît rapidement. La
fluoxétine est un puissant inhibiteur de
la CYPD6 et le millepertuis inhibe la
CYP3A4.
La malédiction des
anticholinergiques
Des médicaments comme le trihexyphé-
nidyle, dont l'administration était jadis
élevée au rang de devoir moral et consi-
dérée comme une «bonne pratique» de
routine pour lutter contre les effets ex-
trapyramidaux des antipsychotiques, ont
un effet extrêmement négatif sur le plan
cognitif. Il est dès lors plus logique d'ar-
rêter la prise de ces médicaments et
d'adapter (diminuer) la dose du neuro-
leptique utilisé. Malheureusement, la
dose de certains neuroleptiques retard
ne peut pas être adaptée de manière
flexible. Toutefois, il existe désormais de
nouvelles formes dont la dose optimale
peut être titrée de façon beaucoup plus
souple (p. ex., palmitate de palipéri-
done).
Polypharmacie
La polypharmacie n'est pas un problème
qui touche exclusivement les patients
résidentiels. Elle concerne également les
patients du secteur ambulatoire, comme
Configuration
clinique
Nombre de
patients
Un seul antidépresseur Deux psychotropes
Au moins trois
psychotropes
Ambulatoire
2.045
28%
72%
34%
Clinique psychiatrique
224
29%
71%
30%
Tableau 1: Prescriptions médicamenteuses en fonction de l'organisation des soins (données adaptées selon Preskorn).