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et une bonne spécificité, ces questionnaires prennent beau-
coup de temps, aucun d'entre eux n'ayant été validé pour
la pratique quotidienne. Une approche simplifiée passe par
quelques questions simples (5):
avez-vous déjà eu mal aux genoux, mains, poignets, pieds?
Si oui, les articulations étaient-elles gonflées? Vous ré-
veillaient-elles la nuit? Étaient-elles raides ou «rouillées» la
nuit? En cas de positivité, l'avis rhumatologique est requis;
avez-vous déjà eu mal au dos? Si oui, ces douleurs vous
réveillent-elles la nuit? Ou donnent-elles l'impression que
vous êtes raide au lever ou dans un carcan? En cas de
positivité, l'avis rhumatologique est requis;
avez-vous déjà souffert de douleurs dans les fesses ou de
«sciatique»? Si oui, ont-elles été présentes à droite ET à
gauche? Vous réveillaient-elles la nuit? S'accompagnaient-
elles d'une raideur et/ou d'une boiterie le matin (une scia-
tique ne fait pas boiter!)? En cas de positivité, l'avis rhuma-
tologique est requis;
avez-vous souffert de douleurs du thorax (au niveau de la
paroi thoracique antérieure), y compris en vous touchant?
En cas de positivité, l'avis rhumatologique est requis.
Faut-il demander des examens complémentaires avant
l'envoi chez le rhumatologue?
«Cela aide, explique Pascal Claudepierre, mais ce n'est pas
indispensable car quel que soit le bilan établi, il ne sera pas suffi-
sant.»
En cas de douleurs articulaires périphériques inflamma-
toires, il est classique de doser la VS, la CRP, le facteur rhuma-
toïde, les anti-CCP, le FAN (facteur anti-nucléaire) et de faire
une radiographie des articulations concernées en y ajoutant
mains et poignets. Pour les douleurs inflammatoires axiales,
on peut demander la VS, la CRP ainsi qu'une radiographie du
bassin de face et du rachis de face et de profil en limitant les
sites pour ne pas irradier avec excès. Enfin, en cas d'enthé-
site (une talalgie par exemple), VS, CRP et radiographie locale
sont indiquées.
Le rhumatologue se basera d'abord sur l'interrogatoire avant
d'aller à la recherche d'un syndrome inflammatoire et de
signes radiologiques évocateurs axiaux (sacro-iliite, syndes-
mophyte, spondylite) ou périphériques avec ou sans enthé-
site. L'IRM, la scintigraphie et l'échographie seront proposées
lorsque les signes radiologiques ne sont pas manifestes. Les
critères CASPAR (dont la sensibilité est de 91,4% et la spé-
cificité de 98,7%) demandent en cas de maladie articulaire
inflammatoire la présence de 3 points au moins, chaque item
valant 1 point sauf le psoriasis qui vaut 2 points:
1.
psoriasis actuel ou histoire personnelle de psoriasis ou
histoire familiale de psoriasis;
2.
dystrophie unguéale psoriasique typique;
3.
absence de facteur rhumatoïde;
4.
présence de dactylite actuelle ou passée (notée par un
rhumatologue);
5.
signes radiologiques de productions osseuses péri-
articulaires.
Quel traitement proposer?
Le comité d'experts de l'EULAR (EUropean League Against
Rheumatism)
a rédigé 10 recommandations concernant la
prise en charge médicamenteuse du rhumatisme psoriasique:
1.
chez les patients ayant un rhumatisme psoriasique, les AINS
peuvent être utilisés à visée symptomatique (soulagement
des signes et symptômes musculo-squelettiques) (niveau
d'évidence 1B, grade A);
2.
chez les patients ayant une maladie active (et particuliè-
rement ceux ayant de nombreuses articulations gonflées,
des lésions structurales en présence d'inflammation, un
syndrome inflammatoire élevé et/ou des manifestations
extra-articulaires cliniques), un traitement de fond avec
DMARD tel que le méthotrexate, la sulfasalazine, le léflu-
nomide pourrait être envisagé à un stade précoce (1B, B);
3.
chez les sujets ayant un rhumatisme psoriasique actif et
un psoriasis cliniquement symptomatique, un DMARD
susceptible d'améliorer aussi l'atteinte dermatologique tel
que le méthotrexate serait à privilégier (1B, A);
4.
des infiltrations locales devront être considérées comme
traitement complémentaire dans le rhumatisme psoria-
sique; des stéroïdes par voie générale à la dose minimale
efficace peuvent être utilisés avec précaution (3B, 4, C);
5.
chez un sujet avec arthrite active ayant une réponse insuf-
fisante à au moins un DMARD tel que le méthotrexate, un
traitement anti-TNF devra être initié (1B, B);
6.
chez un patient avec enthésites actives et/ou dactylites et in-
suffisamment répondeur aux AINS ou infiltrations, on peut
envisager l'initiation d'un traitement anti-TNF (1B, B);
7.
chez un patient avec atteinte axiale prédominante et ac-
tive, en cas d'insuffisance de réponse au traitement AINS,
un traitement anti-TNF pourrait être envisagé (2B, C);
8.
exceptionnellement, un traitement anti-TNF pourrait
être envisagé chez des patients naïfs de DMARDS (en par-
ticulier ceux avec de nombreuses articulations gonflées,
des lésions structurales en présence d'inflammation et/ou
présence de manifestations cliniques extra-articulaires et
notamment d'atteinte dermatologique étendue) (4, D).
L'essai RESPOND ne manque pas d'intérêt à ce propos:
il a montré une belle activité de l'association infliximab +
méthotrexate, supérieure au méthotrexate en monothé-
rapie sur les critères ACR et sur les critères PASI (7);
9.
chez les patients en échec à un 1
er
anti-TNF, le recours à
un autre anti-TNF pourrait être envisagé (2B, B);
10.
lors de tout ajustement thérapeutique, les facteurs autres
que ceux liés directement à l'activité de la maladie tels que
les comorbidités et les données de tolérance devraient
être aussi pris en considération (4, D).
Références
1.
Stolwijk C, et al. Rheum Dis Clin North Am 2012;38(3):441-76.
2.
Wilson F, et al. Arthritis Rheum 2009;61(2):233-9.
3.
Christophers E, et al. J Eur Acad Dermatol Venereol 2010;24(5):548-54.
4.
Fitzgerald O, Winchester R. Arthritis Res
Ther 2009;11(1):214. doi: 10.1186/ar2580. Epub 2009 Feb 12.
5.
Bachelez H, et al. Ann Dermatol Venereol 2011;138(6 Suppl 1):H6-9.
6.
Gossec L, et al. Ann Rheum Dis 2012;71(1):4-12.
7.
Baranauskaite A, et al. Ann Rheum Dis 2012;71(4):541-8.
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ESPACE
PHARMA
Quelles questions se poser lorsqu'un
patient souffrant de psoriasis se
plaint de douleurs dorsales?
Peut-on se contenter des symptômes proposés ou faut-il
avoir une démarche active de dépistage du rhumatisme pso-
riasique? Une première réponse vient de la prévalence de
l'arthrite psoriasique dans la population générale, une préva-
lence qui varie selon les études (de 0,001% au Japon à 0,42%
en Italie) (1). Par contre, au sein de la population psoriasique,
cette prévalence est nettement plus élevée (de 6 à 42%), les
grandes variations observées étant liées aux critères retenus,
aux populations observées, à la méthode de recrutement et
aux méthodes d'investigation (questionnaire, consultations,
etc.). Quoi qu'il en soit, 90% des rhumatismes psoriasiques
surviennent chez des patients qui ont du psoriasis, l'incidence
cumulée étant de 1,7% à 5 ans, 3,1% à 10 ans et 5,1% à
20 ans. «Ceci signifie que le risque est constant au cours du
temps,
signale Pascal Claudepierre, et que le dermatologue doit
se poser la question et poser la question régulièrement à son
patient de la présence de signes potentiellement évocateurs d'un
rhumatisme psoriasique (3).»
Quant à la question de savoir si certains patients psoriasiques
sont plus à risque, Wilson a montré que l'atteinte du cuir
chevelu multiplie le risque par 3,75, celle du pli interfessier
par 1,75 et l'atteinte unguéale par 2,24. Par ailleurs, lorsque
3 sites ou plus sont atteints, le risque de développer un rhu-
matisme psoriasique est multiplié par 2,24 (2). «Ces critères
ont cependant une valeur qui reste modeste au niveau individuel,
car ils sont fréquemment présents...»
L'importance du dermatologue dans la détection du rhuma-
tisme psoriasique est capitale cependant, puisque l'on sait que
le psoriasis précède dans 80% des cas l'arthrite psoriasique,
l'inverse n'étant vrai que dans 15% des cas (4). «Or tout retard
diagnostique est préjudiciable, tant en termes de qualité de vie
qu'en termes fonctionnels ou d'aggravation des lésions.»
En pratique, quelles sont les questions que doit poser
un dermatologue?
Plusieurs questionnaires auto-administrés existent, du moins
pour le rhumatologue. Mais, malgré une bonne sensibilité
RHUMATISME PSORIASIQUE
Le dermatologue occupe
une place prépondérante
pour initier la prise en charge
Dominique-Jean Bouilliez
Solange, 38 ans, assistante ménagère souffrant d'un psoriasis en plaques étendu traité jusqu'à
présent par PUVAthérapie et traitement topique, présente incidemment des douleurs
dorsales qu'elle traite par AINS et antalgiques. C'est avec ce cas que Denis Jullien
(CHU Lyon) et Marie-Aneth Richard (Marseille) ont discuté avec Pascal Claudepierre
(rhumatologie, CHU Henri Mondor, Créteil) de la place du dermatologue dans le diagnostic
et la prise en charge de l'arthrite psoriasique. Résumé des propos échangés à l'occasion du
symposium satellite organisé par MSD France au cours des JDP 2013.
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Les manifestations du rhumatisme
psoriasique à l'usage du dermatologue
Manifestations axiales
Sacro-iliite
Atteinte du rachis, surtout au niveau thoraco-cervical
Manifestations périphériques
Arthrite symétrique des mains ou des pieds
Dactylites (doigts ou orteils en «saucisse»)
Enthésites
Surtout au talon (tendon d'Achille)
Manifestations extra-articulaires
Psoriasis cutané
Psoriasis unguéal
Uvéite
Entéro-colopathies (maladie de Crohn, etc.)
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