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Le Spécialiste
12-11
5 décembre 2012
www.lespecialiste.be
«L'
obligation au secret profession-
nel des professions de santé est
régie par l'article 458 du Code
Pénal, qui dispose que "les médecins, chirur-
giens, officiers de santé, pharmaciens, sages-
femmes et toutes autres personnes déposi-
taires, par état ou par profession, des secrets
qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont
appelés à rendre témoignage en justice et celui
où la loi les oblige à faire connaître ces secrets,
les auront révélés, seront punis d'un empri-
sonnement de huit jours à six mois et d'une
amende de 100 euros à 500 euros."»
, rap-
pellent les organisateurs du récent congrès
Confidentialité, secret professionnel et nou-
velles technologies (1). À l'hôpital, tous les
intervenants, médicaux, infirmiers, paramédi-
caux, gestionnaires et administratifs, entrent
donc dans le champ de cette disposition, et
sont tenus aux règles de comportement qui
en découlent.
En outre, l'Ordre des médecins impose égale-
ment une série de règles dans les articles 55
et suivants du Code de déontologie médicale.
Comme le résume, en une formule efficace,
Florence Hut, médecin-chef du CHU
Brugmann: «Se taire n'est pas un droit ou un
privilège mais une obligation»
.
Démonstration par l'exemple
Lors de son exposé le Dr Hut, a illustré par
quelques cas concrets que le devoir de
discrétion et le secret médical restent l'objet
de transgressions fréquentes à l'hôpital.
Ce manquement à la déontologie va
d'actions qui peuvent paraître anodines (véri-
fier par curiosité l'âge d'une consoeur dans
son dossier médical...) à des actes nettement
plus graves (récupérer des informations mé-
dicales de son conjoint pour les transmettre
à ses avocats dans le cadre d'une procédure
de divorce; vérifier régulièrement le taux de
HCG de ses collaboratrices pour planifier au
mieux les vacances des membres du service;
enquêter dans les dossiers d'un confrère
«débordé» pour connaître les médecins qui
lui réfèrent ses patients; vendre la radio-
graphie d'un joueur de foot célèbre à un
hebdomadaire...).
Et de pointer d'autres manquements à la
déontologie, voire simplement à la bien-
séance: discuter sans retenue lors des tours
structurés de la situation d'un patient devant
son voisin de chambre, révéler des résultats
d'analyses confidentiels à des collègues...
Mission impossible?
Le Dr Florence Hut a également fait part des
difficultés que rencontre le médecin-chef
d'un hôpital pour pouvoir respecter par tous
les praticiens le secret professionnel et la
confidentialité. «Il s'agit d'une terrible respon-
sabilité à l'égard de la collectivité, des patients
et sur le plan personnel»
. Plusieurs disposi-
tions légales engagent la responsabilité du
médecin-chef. Dans les missions définies
par l'Ordre des médecins, le «médecin-chef
s'engage à faire tout ce qui est possible pour
le respect et la promotion de la déontologie à
l'hôpital»
. Il est responsable du respect par le
personnel de l'hôpital, y compris le gestion-
naire, de la déontologie; de l'application de la
loi du 8 décembre 1992 sur la protection de
la vie privée; de la tenue du dossier patient
et de l'enregistrement et la transmission des
données médicales dans le respect de la loi
relative à la protection de la vie privée. Evi-
demment, le médecin-chef n'est pas capable
de surveiller en temps réel les dizaines de
milliers de dossiers médicaux de son insti-
tution pour découvrir qui les consulte «sans
véritable relation thérapeutique». Sauf, qu'à
l'heure actuelle, l'informatisation des dossiers
médicaux offre une grande «traçabilité».
Ce qui était beaucoup moins le cas jadis avec
les dossiers «papier» qui circulaient sur des
chariots dans l'hôpital.
Le traitement informatique des dossiers de
patients ­ encadré par la loi du 8 décembre
1992 relative à la protection de la vie
privée à l'égard des traitements de données à
caractère personnel ­ et la généralisation des
échanges par courriel sont de nouveaux défis
par rapport au respect de la confidentialité
et du secret médical. Comment, par exemple,
vérifier l'identité d'une personne qui de-
mande «son» dossier par un simple mail?
Exceptions et grands principes
A la demande d'intervenants extérieurs et
dans certains cas (cours et tribunaux, Inami,
inspection d'hygiène, déclaration des nais-
sances et des sévices aux enfants, etc.) cer-
taines exceptions peuvent être concédées au
respect du secret professionnel.
Les demandes concernant des patients sont
nombreuses et diverses. Il peut s'agir, énu-
mère le Dr Hut, de demandes d'informations,
de copies de dossier, de liens électroniques
de professionnels et de praticiens... Certains
demandent même aux praticiens de se délier
de leur secret professionnel. Ces sollicitations
peuvent émaner de proches (membre de la
famille, voisin, ami...) ou des professionnels
(journaliste, assureur, fonctionnaire du Forem
ou de l'Office des étrangers, policier...) et
poursuivre des finalités très différentes.
Florence Hut a rappelé lors de son exposé
plusieurs principes à retenir: la violation du
secret professionnel existe même s'il n'y a
pas volonté de nuire; cette transgression est
effective même si la révélation du secret ne
cause pas de préjudice à l'intéressé; toutes
les données sont sensibles; rien de pire que
de banaliser la transgression et, enfin, pour
consulter un dossier médical, il faut avoir
un lien thérapeutique avec le patient. Et de
conclure: «Le respect du secret professionnel
et de la confidentialité est une tâche ardue,
sans fin.»
Vincent Claes
1. Symposium Confidentialité, secret professionnel et
technologies nouvelles organisé le 22 novembre 2012
par l'Association belge des hôpitaux.
JS0275F
RESPECT DE LA CONFIDENTIALITÉ ET DU SECRET PROFESSIONNEL
«Se taire n'est pas un droit ou un privilège
mais une obligation»
Qu'en est-il du respect de la confidentialité et du secret profession-
nel dans nos hôpitaux? A écouter plusieurs témoignages, livrés
lors du dernier congrès (1) organisé par l'Association belge des
hôpitaux, il n'est pas rare que les professionnels du secteur
hospitalier prennent quelques libertés par rapport aux règles
qui régissent le secret professionnel.
VOTRE ACTUALITÉ SOCIO-PROFESSIONNELLE
Florence Hut,
médecin-chef du
CHU Brugmann: «Le respect du
secret professionnel et de la
confidentialité est une tâche ardue,
sans fin.»