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I
Le Spécialiste
12-11
5 décembre 2012
www.lespecialiste.be
Quelles complications attendre
ou rechercher?
Les réactions inflammatoires
Liées à l'agression physique et à l'injection
du pigment, elles disparaissent généralement
après 2-3 semaines.
Les réactions eczémateuses
d'hypersensibilité
Regroupés dans le tableau 1, les pigments
peuvent générer des lésions de type
spongiotique, granulomateux ou lichénoïde.
Mais c'est le plus souvent sous la forme
d'une dermatite photoallergique ou d'une
dermatite de contact que ces lésions se
développent. Ce sont les pigments rouges, et
en particulier le sulfure de mercure (cinnabar)
qui sont le plus souvent incriminés. Quant au
henné, il s'agit d'un autre phénomène (4).
Réactions photo-aggravées
Ces réactions se rencontrent plus
fréquemment avec le sulfure de cadmium
(un matériau photosensible utilisé par ailleurs
dans les cellules photoélectriques) et se
manifestent par un oedème et un érythème
après exposition. Quant aux réactions
observées avec les pigments rouges, il est
probable qu'elles soient liées à l'adjonction
de cadmium au pigment pour le rendre plus
brillant.
Réactions granulomateuses (5)
C'est le plus souvent le mercure qui est
associé à ce type de réaction d'autant plus
difficile à affirmer que le patch test est
fréquemment négatif. Le manganèse et
l'aluminium ont également été incriminés.
Réactions lichénoïdes
Moins fréquentes que les réactions
eczémateuses, les lésions lichénoïdes sont
l'expression d'une hypersensibilité de type
retardé à un infiltrat par lymphocytes T que
l'on rencontre avec le mercure.
S1158F
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ST
ANNUAL CONGRESS OF THE EADV, PRAGUE 27-30 SEPTEMBRE 2012
Tatouages:
quand la peau se rebelle
Avec l'explosion du nombre de tatoueurs et de tatoués, on
constate de plus en plus de complications spécifiques: infections,
hypersensibilité aux produits de tatouage, survenue de tumeurs
bénignes ou malignes sur les tatouages, dermatoses diverses (1).
Cela dit, la majorité des réactions cutanées d'hypersensibilité
aux pigments exogènes peut être classée sur le plan histologique
comme étant de type lichénoïde ou granulomateux, d'étiologie
encore incertaine, mais que l'on attribue plutôt à une réaction
de type retardé au pigment bien sûr, mais aussi à son vecteur (2),
sans négliger pour autant l'importance des dermatoses que l'on
rencontre fréquemment aux endroits classiques des tatouages:
psoriasis, lichen plan, lupus érythémateux, pseudolymphomes... (3)
Les tatouages temporaires au henné, ou la nécessité de se
méfier de la p-phénylènediamine
«La p-phénylènediamine que la Société Américaine de Dermatite de Contact avait élue
`allergène de l'année' en 2006, présente de nombreuses réactions croisées
(avec les sulfonamides, l'acide para-amino-benzoïque, les sulfonylurées, la dapsone,
la benzocaïne...) et peut tout autant provoquer un érythème polymorphe qu'une
allergie de contact par voie aérienne»
, rappelle Jana Kuzardjieva (Sofia). Présente dans
les tatouages temporaires au henné pour assombrir un peu la couleur rouge
du henné, cette substance peut entraîner des réactions cutanées très rapides
(4,7 jours en moyenne) (13), le risque de sensibilisation étant d'autant plus élevé que
le contact avec la peau a été de longue durée et que la concentration en allergène
est plus importante (14). «Il faut savoir par ailleurs que cette substance pénètre le
stratum corneum lorsqu'elle est utilisée avec une aiguille pour le tatouage temporaire,
de telle sorte que l'antigène est présenté directement aux cellules de Langerhans»
,
poursuit-elle.
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les complications ne soient pas
rares avec plusieurs cas décrits d'érythème polymorphe (15). Quant à la cause de
cette réaction, elle n'est pas complètement élucidée et pourrait être liée à une
réaction d'hypersensibilité de type III ou de type IV. Pire, des allergies à certaines
teintures vestimentaires ont été décrites chez les personnes porteuses d'un tatouage
temporaire (16). «Enfin», signale Jana Kuzardjieva, «la tartrazine et l'azarubine,
deux colorants alimentaires, peuvent provoquer chez les personnes sensibilisées à la
p-phénylènediamine un oedème angioneurotique et de l'asthme...»
VOTRE ACTUALITÉ MÉDICO-SCIENTIFIQUE
Noir
carbone (encre Indienne), oxyde de fer, campêche
Bleu
aluminate de cobalt
Brun
oxyde ferrique
Vert
oxyde chromique, chromate de cuivre, teinture de phthalocyanine
Pourpre
manganèse, aluminium
Rouge
sulfure de mercure (cinnabar), terre de Sienne (hydrate ferrique), bois
de santal,bois du Brésil, pigments organiques
Blanc
oxyde de titane, oxyde de zinc
Jaune
sulfure de cadmium
Tableau 1: Composition des pigments en fonction de leur couleur.
Que faire lorsqu'il faut retirer le tatouage?
Si pour les détails, on peut se référer à l'article de référence rédigé par Maurizio
Adatto (Skinpulse Dermatology, Suisse)(17), il n'est pas inutile de rappeler qu'il existe
des contre-indications absolues à l'ablation d'un tatouage: une cellulite à MRSA,
un psoriasis, un lichen plan ou un vitiligo du fait du phénomène de Koebner, une
néoplasie, des antécédents de chéloïde, certains médicaments (l'isotrétinoïne et les
immunosuppresseurs), voire certaines collagénoses. Il faut par ailleurs investiguer
sur la présence d'un diabète mal contrôlé, une thrombocytopénie, une anémie, des
troubles de coagulation ou une arthrite rhumatoïde et se méfier en cas de troubles
psychiatriques, d'insuffisance rénale, d'antécédents d'hyperpigmentation post-
inflammatoire ou d'affection chronique (Crohn, sclérose en plaques, etc.).
Quoi qu'il en soit, une fois l'indication posée, il faut savoir que l'usage d'un
laser Q-switched entraîne une image en négatif (par blanchiment) du tatouage,
qu'accentue la réaction inflammatoire périphérique. «La sensation de brûlure
qui en résulte nécessite le plus souvent de longs intervalles entre deux sessions»
,
rappelle Maurizio Adatto. On peut cependant réduire cette sensation avec des
anesthésiques topiques, que l'on ne peut cependant pas appliquer sur de grandes
surfaces, et qui augmentent le coût de la procédure. Quoi qu'il en soit, le seul
paramètre qui influence réellement le résultat à 10 ans est la compliance du
patient (18).
Récemment cependant, une nouvelle technique, appelée R20 car réalisant à 4
reprises un passage au laser à raison d'un toutes les 20 minutes, a montré une
efficacité nettement supérieure à 3 mois (19), «mais cette efficacité n'a pas été
confirmée par toutes les équipes qui l'ont expérimenté»
, signale Adatto.
En cas d'allergie au pigment, le resurfaçage fractionnel ablatif semble promis à un
bel avenir (20) tandis que des réactions d'hypersensibilité immédiate (urticaire...)
ont été décrites après laser QS Nd:Yag, réactions que l'on peut prévenir avec
des antihistaminiques et de la cortisone (21). Enfin, s'il ne faut pas oublier que
des réactions à distance peuvent se produire, car les pigments entrent dans
le secteur extracellulaire et sont reconnus alors par le système immunitaire
(22),la combinaison de laser Q-switched et de resurfaçage fractionné semble
prometteuse (23).
Dernière nouveauté, le laser picoseconde a montré des résultats excellents et
rapides en présence de pigments bleus et verts (24).