background image
16
I
Le Spécialiste
12-11
5 décembre 2012
www.lespecialiste.be
E
n introduction, le Pr Guy Durant a es-
quissé la situation des hôpitaux en trois
points qui permettent immédiatement
d'en saisir les contraintes additionnées:
a) la majeure partie des institutions hos-
pitalières ont plus de trente ans et vont
devoir bientôt rénover leurs infrastruc-
tures ou en construire de nouvelles;
b) la plupart des hôpitaux sont confrontés à
une baisse de leur cash-flow (1);
c) les subventions destinées à financer les
infrastructures hospitalières tendent à
passer de 60% à 10%.
Dans la mesure où, simultanément, les
banques limitent les crédits de longue durée,
il est impératif de trouver des formules alter-
natives pour répondre aux besoins financiers
des hôpitaux, formules qui pourraient consis-
ter, par exemple, à partager les emprunts sur
plusieurs banques, s'assurer la contribution
de la Banque d'Investissement Européenne,
développer des partenariats public-privé
(PPP) ou encore recourir aux marchés des
obligations...
Défis et enjeux d'un point de
vue politique
Dans une communication conjointe, Renaud
Witmeur (chef de cabinet du ministre-
président de la Wallonie et de la Fédération
Wallonie-Bruxelles et président du CA du
CHU Brugmann) et Françoise Lannoy (Chef
de Cabinet de la ministre de la Santé et de
l'Action sociale de Wallonie) ont précisé les
contours institutionnels, financiers mais aussi
politiques du financement des infrastruc-
tures, rappelant qu'il s'agit d'une compé-
tence partagée entre les entités fédérées et
l'autorité fédérale, laquelle intervient pour la
part non-subsidiée par les premières selon la
répartition reprise au tableau 1.
Un budget fédéral insuffisant
Les montants qui seront versés aux hôpitaux
via la sous partie A1 du Budget des Moyens
Financiers et leur répartition entre les entités
fédérées sont fixés dans un protocole
d'accord et un calendrier de construction.
Selon la clé de répartition, le droit de tirage
au niveau fédéral s'établissait pour la Wallo-
nie à 785.000.000 euros (2).
Or, comme le souligne Françoise Lannoy,
ce budget s'avère bien insuffisant puisqu'une
enquête effectuée en 2007 a permis de
chiffrer les besoins wallons à hauteur de
1.602.850.000. Un programme d'inves-
tissement 2008-2018 a ensuite été établi
et les premiers projets entamés. Au 30
juin 2012, les projets restant à concrétiser
étaient évalués à plus d'1.300.000.000 dont
725.000.000 pour le public et 635.000.000
pour le privé.
A ce jour, les besoins en emprunts sont
estimés à 1.011.000.000 dans un contexte
triplement affecté par l'affaiblissement de la
structure bilantaire de l'hôpital consécutive
à la participation diminuée de l'Etat fédéral
(40/60 versus 90/10), l'incertitude institu-
tionnelle liée au futur transfert de compé-
tences et enfin l'impact sur les banques des
mesures de régulation de Bâle III. Ce sont en
particulier les deux nouveaux ratios de liqui-
dité (3) destinés à renforcer la qualité des
fonds propres, ainsi que la prise en compte
du risque de contrepartie et du risque sys-
témique qui commandent la limitation des
crédits proposés aux institutions hospita-
lières. (4)
Transfert de compétences et
gouvernance
Sur le versant institutionnel tout d'abord,
il faut rappeler que selon l'accord de gou-
vernement pris en octobre 2011, le transfert
de compétences vers les communautés
devraient rendre celles-ci «compétentes pour
définir les normes auxquelles les hôpitaux,
services, programmes de soins, fonctions...
hospitaliers doivent répondre pour être
agréés» et se voir transférer la gestion des
parties A1 et A3 du BMF.
Les enjeux de ce transfert sont évidemment
importants politiquement. En effet, le trans-
fert libère de «nouveaux leviers importants
pour (re)définir et mener une stratégie inté-
grée de santé et d'aide aux personnes»
. Mais il
l'est aussi financièrement puisqu'après 2015,
il y aura un nouveau «calendrier issu d'une
négociation à venir sur de nouvelles clés de
répartition entre entités; correspondant aux
dépenses réelles d'investissements de tous les
hôpitaux, y compris académiques»
.
Ce transfert de compétences, insiste Renaud
Witmeur, constitue une opportunité pour
refondre le modèle de gouvernance avec
pour visée d'intégrer le préventif et le curatif;
la santé, la politique des aînés et l'aide aux
personnes; les normes, le financement et les
contrôles dans un cadre régionalisé ­ et non
communautarisé ­ où le rôle des partenaires
sociaux et la gestion paritaire sont préservés
et où une rationalisation des outils peut
s'opérer (5).
Sur le versant financier, dans le contexte so-
cio-économique difficile que l'on connaît, les
acteurs doivent composer avec un paysage
bancaire dont les possibilités sont d'autant
plus limitées que les accords de Bâle III de
2010 ont eu pour effet une «augmentation
du coût en capital de l'activité bancaire»
.
Cette augmentation implique «le renché-
rissement du coût du crédit, la limitation de
l'enveloppe disponible par type de secteur, et
des exigences de sûretés ou de garanties plus
élevées»
(6).
Quelles solutions politiques au
défi du financement?
Dans cette perspective, une solution parfois
évoquée consiste en la possibilité de faire
appel à la Banque Européenne d'Investis-
sement. Mais, souligne Renaud Witmeur, il
s'agit là d'une solution partielle, qui suppose
un cofinancement et exige de fortes garan-
ties institutionnelles.
La garantie régionale sur les emprunts ban-
caires constitue une exigence primordiale
du secteur financier. Toutefois, c'est une
requête que les autorités publiques doivent
combiner avec l'exigence d'assurer l'équilibre
budgétaire et financier de la Région elle-
même. Or, cette combinaison est loin d'aller
de soi dans la mesure où un stock élevé de
garanties régionales augmente le risque sur
le rating financier de la Wallonie, avec toutes
les conséquences que pourraient avoir une
dégradation de la notation de la région par
les agences de notation de type Moody's.
C'est la raison pour laquelle la Wallonie a
développé un projet de garantie dont les
principes appliqués au secteur hospitalier
seraient les suivants: la garantie ­rémuné-
rée ­ ne serait pas régionale, mais octroyée
JS0277F
CONSTRUCTION ET RÉNOVATION DU PARC HOSPITALIER
De nouvelles réponses aux besoins financiers
des hôpitaux
Le 48
e
cycle de perfectionnement en sciences hospitalières orga-
nisé par la Faculté de Santé Publique (FSP) de l'UCL s'est ouvert sur
le thème délicat et complexe des réponses à apporter aux besoins
financiers des hôpitaux. L'enjeu est d'autant plus pressant que ces
besoins ne cessent de croître en raison de la "vétusté" du parc
hospitalier. Dans le même temps, la part des subventions publiques
des infrastructures hospitalières tend à passer de 60% à 10%, tan-
dis que les institutions financières frappées par la crise et de nou-
velles contraintes réglementaires, limitent les crédits de longue
durée. Sauf à trouver de nouvelles alternatives, la tension entre la
demande et l'offre risque de devenir rapidement insupportable.
Ces alternatives ont été explorées sous leurs différentes facettes
politiques, économiques et juridiques par Renaud Witmeur,
Françoise Lannoy, le Pr Eric De Keuleneer et Maître Kim Moris.
MANAGEMENT
Tableau 1: Répartition du financement des infrastructures.
Types de travaux
Fédéral
Entités fédérées
Travaux de rénovation
100%
Nouvelles infrastructures non-
prioritaires
40%
60%
Nouvelles infrastructures
prioritaires
90%
10%
Source, R. Witmeur et F. Lannoy, Les défis qui se posent aux hôpitaux et la réponse de la Wallonie, p.2
Au 30 juin 2012, les projets restant à concrétiser étaient
évalués à plus d'1.300.000.000 dont 725.000.000 pour
le public et 635.000.000 pour le privé.