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I
Le Spécialiste
12-11
5 décembre 2012
www.lespecialiste.be
L
es fumeurs courent un risque plus élevé
de passage du stade de sclérose en
plaques cliniquement avérée (CDMS)
ou récurrente-rémittente (RRMS) à celui de
sclérose en plaques secondaire progressive
(SPMS)(2). Ils cumulent également les fac-
teurs de risque de handicap à court terme
(3), tandis que le tabac est probablement à
lui seul un facteur de risque de sclérose en
plaques (4). Enfin, si les études en imagerie
ont montré que les porteurs de sclérose en
plaques ont un nombre plus important de
plaques ainsi qu'une atrophie cérébrale et
une charge lésionnelle plus marquée à l'IRM
même après avoir arrêté le tabac (5, 6), on
sait aussi que les fumeurs ont un index de
sévérité de la maladie plus élevé part rapport
aux sujets n'ayant jamais fumé (Figure 1)
(7, 8). Ils ont un risque doublé d'atteindre
un score EDSS4 et plus élevé d'atteindre le
score EDSS6 (RR = 1,63) (8). Le tabagisme
passif expose aussi à un risque augmenté de
sclérose en plaques (6), probablement parce
que le tabac augmente l'activité des cellules
pro-inflammatoires dans les poumons, ce qui
est susceptible d'entraîner une rupture dans
les mécanismes de tolérance (9). Cela dit, on
sait aussi que le tabac est associé à d'autres
maladies auto-immunes (lupus érythéma-
teux, arthrite rhumatoïde, maladie de Crohn),
la nicotine ayant été incriminée dans ce
phénomène parce qu'elle augmente la per-
méabilité de la barrière hémato-encéphalique
et permet ainsi l'influx de lymphocytes auto-
réactifs dans le tissu cérébral.
Enfin, l'expérimentation animale a montré
que la fumée de tabac induit une inflam-
mation cérébrale chez les animaux exposés,
tout en exerçant un effet toxique direct sur
les gaines de myéline par le cyanide et le
thiocyanate qu'elle contient. Les fumeurs
ont également un taux plus élevé d'oxyde
nitrique (NO) dans leur sang. Or, les axones
démyélinisés sont très sensibles au NO qui
peut provoquer des blocs de conduction ner-
veuse et une dégénérescence des fibres ner-
veuses. Ces phénomènes pourraient expliquer
l'entrée plus rapide en phase secondaire et
l'atrophie cérébrale plus importante observée
en IRM. Last but not least, le tabagisme peut
favoriser les infections des voies respiratoires
supérieures qui, elles-mêmes, sont des fac-
teurs déclenchants de certaines poussées (9).
Une confirmation sans
équivoque
C'est dans ce contexte que la division de
neurologie clinique de l'Université de Not-
tingham a, sous la direction de Ali Manou-
chehrinia, suivi de manière prospective 1.126
patients souffrant de sclérose en plaques et
comparé les données démographiques des
patients décédés à ceux qui sont toujours en
vie. Très logiquement, les patients décédés
sont généralement plus âgés et ont un score
EDSS exprimant leur handicap plus élevé. «Il
est cependant frappant de constater,
signale-
t-il, que tous les patients décédés en RRMS
étaient fumeurs ou ex-fumeurs, alors qu'ils
ne sont que 49% dans le groupe des patients
encore en vie.»
Le taux de mortalité est par
ailleurs multiplié par 2,13 chez les fumeurs,
sans que le sexe, l'âge de début de la maladie
ou le mode d'entrée dans la maladie n'aient
d'influence. Enfin, la courbe de survie est
particulièrement impressionnante et se
traduit dans cette étude anglaise par la perte
de 1.779 années de vie pour l'ensemble de la
cohorte...
Pour conclure
«Il faut promouvoir l'arrêt du tabac chez les
personnes souffrant de sclérose en plaques,
conclut Manouchehrinia, et clairement expli-
quer aux enfants dont l'un des parents souffre
de cette maladie, que le risque lié au tabagisme
sera chez eux multiplié par un facteur 25 (2)!»
Dominique-Jean Bouilliez, d'après la
présentation d'Ali Manouchehrinia
(Université de Nottingham) lors du
congrès annuel de l'ECTRIMS
Références
1. Manouchehrinia Ali, et al. Smoking is a potentially
modifiable risk factor for all causes of mortality
in patients with multiple sclerosis. ECTRIMS 2012.
Abstract#65.
2. Di Pauli F, et al. Mult Scler. 2008 Sep;14(8):1026-30.
3. Sundström P, Nyström L. Mult Scler. 2008
Sep;14(8):1031-5.
4. Hernán MA, et al. Am J Epidemiol. 2001 Jul
1;154(1):69-74.
5. Zivadinov R, et al. Neurology. 2009 Aug 18;73(7):504-
10.
6. Healy B, et al. Arch Neurol. 2009 Jul;66(7):858-64.
7. Manouchehrinia A, et al. ECTRIMS 2012.
Abstract#P375.
8. Constantinescu C, et al. AAN 2012.
Abstract#P05.097.
9. Alfredsson L, et al. ECTRIMS 2011. Abstract#P815.
V1777F
SCLÉROSE EN PLAQUES
Arrêt du tabagisme: obligatoire ou souhaité?
La mortalité liée à la sclérose en plaques est multipliée par 2,75 par
rapport à la population générale (1). Quel est l'impact du tabac dans
ce surrisque? Résumé de la présentation d'Ali Manouchehrinia, dans
le cadre du congrès annuel de l'ECTRIMS (European Committee for
Treatment and Reserch in Multiple Sclerosis
), qui s'est tenu à Lyon du
10 au 13 octobre 2012.
Un score de risque pour les infections graves en cas
d'arthrite rhumatoïde
Les personnes atteintes d'arthrite rhumatoïde se caractérisent par une mortalité
globale ajustée en fonction de l'âge plus élevée. Cette mortalité accrue est par-
tiellement attribuable à l'apparition fréquente de complications telles que des
infections opportunistes chez ces patients. Certains facteurs prédictifs potentiels
d'infection
entre autres la comorbidité, les caractéristiques de la maladie et le
traitement
ont été étudiés par le passé. En revanche, d'autres facteurs de risque
éventuels, tels que la lymphopénie et la neutropénie, qui ne sont pas rares chez
les patients atteints d'arthrite rhumatoïde, n'ont pas encore été examinés. Cyn-
thia Crowson (Mayo Clinic, Minnesota, Etats-Unis) et collègues ont estimé qu'un
score de risque permettant d'évaluer précisément le risque d'infections graves
constituerait un instrument utile en la matière. Ils ont tenté de mettre au point et
de valider ce type d'outil assurant une estimation adéquate du risque d'infections
graves parmi la population de personnes souffrant d'arthrite rhumatoïde. Dans cet
objectif, ils se sont fondés sur les données de patients du Comté d'Olmsted (Min-
nesota) chez qui une arthrite rhumatoïde a été diagnostiquée entre 1955 et 1994.
Cette cohorte a fait l'objet d'un suivi longitudinal et les données médicales ont été
minutieusement actualisées jusqu'en janvier 2000.
Parmi les 584 personnes souffrant d'arthrite rhumatoïde de la cohorte d'origine
(72% de femmes, âge moyen de 57,5 ans) ayant fait l'objet d'un suivi moyen de
9,9 ans, 252 ont développé au moins une infection grave pendant cette période
(total de 646 infections). Dans leur score de risque, les chercheurs ont pris en
compte l'âge, les antécédents d'infections graves, la corticothérapie, la sédimen-
tation accrue des érythrocytes, les manifestations extra-articulaires de l'arthrite
rhumatoïde et la comorbidité (cardiopathie coronarienne, insuffisance cardiaque,
maladie vasculaire périphérique, maladie pulmonaire, diabète, abus d'alcool).
En conclusion, les auteurs estiment que les caractéristiques pathologiques et la
comorbidité peuvent être utilisées pour évaluer précisément le risque d'infections
graves chez des personnes atteintes d'arthrite rhumatoïde. Ils pensent que la
connaissance de ce risque peut se révéler utile pour la prise de décisions cliniques
ainsi que pour mettre au point des stratégies de prévention de ces infections.
Crowson C, Hoganson D, Ritz-Gibbon P, Matteson E. Development and validation of a risk score for serious infection in
patients with rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2012;64:2847-55.
VOTRE ACTUALITÉ MÉDICO-SCIENTIFIQUE
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Hommes
Femmes
Fumeurs
Non-fumeurs
Fumeuses
Non-fumeuses
Score EDSS
MSSS
Figure 1: Sévérité du handicap chez les fumeurs et les non-fumeurs, par sexe.
Ali Manouchehrinia:
«Il faut
promouvoir l'arrêt du tabac chez les
personnes souffrant de sclérose en
plaques, et clairement expliquer aux
enfants dont l'un des parents souffre
de cette maladie, que le risque lié au
tabagisme sera chez eux multiplié
par un facteur 25!»