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micro-organismes vivant normalement chez l'homme, à partir d'échan-
tillons prélevés dans la bouche, la gorge et le nez, sur la peau, dans
le tube digestif, et dans le tractus urogénital féminin. Devant la mul-
tiplication des travaux, les divers chercheurs se sont regroupés dans
un projet international dont on attend beaucoup. L'Europe n'est pas
en reste dans cette recherche. Ainsi au milieu des années 2000, en
France, l'INRA a initié une réflexion qui a conduit à l'ouverture en 2008
du programme européen de recherche MétaHit (séquençage du méta-
génome de la flore intestinale humaine). Ce programme qui s'achève en
2012 a apporté de nouvelles connaissances, notamment le catalogue
de gènes, les entérotypes mais également des outils d'analyse à la
pointe qui permettent d'appréhender différemment les études cliniques
d'intervention en nutrition.
Vie bactérienne communautaire,
l'union fait la force
Contrairement au génome humain, le microbiome intestinal n'est pas
hérité au sens strict, car notre intestin est «stérile» à la naissance. Ce
qui explique que la composition du microbiote est fortement influencée
par les facteurs environnementaux périnataux et de la petite enfance:
flore vaginale maternelle, mode d'accouchement, type d'alimentation
(maternelle ou artificielle), régime alimentaire dans l'enfance, trai-
tements antibiotiques éventuels. Chaque individu possède donc une
microflore intestinale unique, une «signature microbiotique». Cette
signature doit cependant être comprise dans un contexte où de nom-
breuses espèces bactériennes sont partagées entre les membres d'une
même famille indépendamment de leur environnement ultérieur. Cela
dit, des études récentes ont montré que le microbiote peut être carac-
térisé selon 3 catégories, ou «entérotypes» définis par la dominance de
certaines espèces au sein de la population bactérienne intestinale de
l'individu (respectivement bacteroïdes, prevotella et ruminococci). Ces
entérotypes, que l'on peut comparer aux groupes sanguins, ne sont pas
liés à l'origine géographique, l'âge, le sexe, l'alimentation, la classe
sociale ou la santé.
Eléments-clés en santé nutritionnelle, les diverses espèces du micro-
biote intestinal n'existent pas uniquement pour elles-mêmes mais
ont des relations étroites avec la physiologie du corps humain, d'où la
notion de super-organisme ou d'hologénome qui prend forme chez cer-
tains experts et ouvre la possibilité de considérer le rôle du microbiote
non seulement dans des situations pathologiques inflammatoires, mais
aussi dans des situations de dysfonction métabolique. Ces bactéries
peuvent à titre d'exemple augmenter l'extraction d'énergie à partir de
macronutriments participant au développement d'une obésité, ou trans-
loquer certaines molécules issues des bactéries à travers la barrière
intestinale et causer une inflammation des adipocytes causant une
résistance à l'insuline génératrice de diabète. Ces sujets sont cepen-
dant encore controversés. Par ailleurs, le rôle des bactéries est capital
dans leur faculté à extraire et stocker de l'énergie au départ de compo-
sants alimentaires indigestes par ailleurs. Plusieurs espèces de bacté-
ries sont en effet capables de métaboliser certains glucides que notre
intestin ne peut pas digérer seul (comme certaines fibres). D'autres
espèces sont capables de produire des vitamines, de telle sorte que leur
rôle dans notre métabolisme énergétique est sans commune mesure,
comme l'ont confirmé des études sur modèle animal. Ces animaux sans
microbiote demandent en effet une fourniture d'énergie beaucoup plus
importante au départ de l'alimentation, ainsi que l'administration de
vitamines supplémentaires afin de maintenir leur poids corporel.
Dr Jekyll and Mr Hide?
Bien que le rôle d'un microbiote intestinal équilibré soit bénéfique, on
sait aussi que des perturbations de celui-ci, la dysbiose, peuvent égale-
ment être impliquées dans des troubles métaboliques comme l'obésité,
certains régimes alimentaires pouvant influencer dans le mauvais sens
la composition microbienne. Les experts expliquent cette situation par
le fait que la récolte et le stockage de l'énergie effectués par les bac-
téries pourraient être trop efficaces et ainsi mener à la prise de poids.
Ainsi, il est montré chez l'animal sans microbiote, que son alimenta-
tion doit contenir plus de calories et des vitamines afin de maintenir
son poids. A contrario, une alimentation déséquilibrée peut influencer
de manière défavorable la composition du microbiote et générer des
désordres métaboliques. Bien que de nombreuses questions sur les
relations de causalité précises entre l'alimentation, le microbiote et la
santé restent à élucider, il est déjà clair que la population microbienne
intestinale est la clé de nombreuses questions de bien-être nutritionnel.
Fonctions immunitaires et microbiote
Le tube digestif contient plus de 70% de la population cellulaire immuni-
taire totale de notre organisme. Il n'est donc pas étonnant que le micro-
biote puisse jouer un rôle important sur les fonctions immunitaires, en
inhibant directement la croissance des agents pathogènes, en épuisant
les nutriments de ces pathogènes ou en stimulant la réponse immuni-
taire. Et cette symbiose entre microbiote et cellules immunitaires intes-
tinales débute dès la petite enfance puisqu'elle permet au nouveau-né
de développer sa tolérance orale aux aliments (et donc aux protéines)
qu'il ingurgite. Ce phénomène contrôle aussi la prévention des allergies
et des maladies inflammatoires. Lorsque le microbiote est «incompé-
tent» ou dysfonctionne, le risque de maladies digestives (colites inflam-
matoires, syndrome de l'intestin irritable...) et inflammatoires est bien
réel. Il en va de même du risque d'obésité et d'insulinorésistance.
Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant que la recherche se
penche activement sur les moyens de préserver l'équilibre du micro-
biote intestinal, soit par une nutrition appropriée, soit par l'apport de
nutriments (pré- et probiotiques). Elle se penche également avec atten-
tion sur les relations étroites entre intestin et cerveau... à suivre donc
avec attention. Il est certain en tout cas que celui qu'on appelle mainte-
nant le «nouvel organe» attire de plus en plus l'attention d'un point de
vue diagnostic médical et interventionnel ainsi qu'en termes de recom-
mandations nutritionnelles. C'est ce potentiel fascinant et la nécessité
d'informer le monde médical qui a motivé la création par l'ESNM de la
section Gut Microbiota for Health.
La présentation du projet Eldernet par le Pr Colin Hill a montré chez
500 sujets de plus 65 ans l'impact que l'alimentation peut avoir
sur la composition du microbiote. Il a ainsi montré la différence de
composition de celui-ci entre les sujets hospitalisés et ceux vivant
à domicile. Faisant ainsi le lien entre faible diversité alimentaire et
moindre diversité du microbiote.
* Participaient à la session les Dr James Versalovic (USA), Joël Doré
(France), Francisco Guarner (Espagne), Balfour Sartor (USA), colin
Hill (Irlande) et Magnus Simren (Suède).
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La recherche sur le microbiote semble aujourd'hui montrer son rôle-clé pour la santé. En effet, la
variété des organismes vivants qui colonisent le corps est immense, au niveau de la peau, des voies respiratoires,
ou du système intestinal. Cette variété est telle que les experts considèrent aujourd'hui le microbiote intestinal
comme un nouvel organe à part entière. Dans ce contexte, c'est avec intérêt que l'on a suivi le 1
st
World Sum-
mit «Gut Microbiota for Health» (26-28 mars 2012, Evian, France), une plate-forme d'experts de renommée
internationale qui ont discuté avec divers praticiens de la santé des découvertes les plus récentes et de leurs
applications potentielles les plus prometteuses. Résumé de la session plénière du lundi 26 mars 2012*.
MS7124F
1
st
World Summit «Gut Microbiota for Health»,
organized by The Gut Microbiota & Health Section of the European
Society of Neurogastroenterology and Motility (ESNM),
which is affiliated to the United European Gastroenterology
Federation (UEGF), and supported by Danone
L'homme et les microbes,
une symbiose (presque) parfaite
Dominique-Jean Bouilliez
c o N G r E S S N E W S
Notre intestin est plus qu'un simple tube digestif. Si son rôle de sélec-
tion des éléments nutritifs importants pour les fonctions du corps hu-
main est réel, il nous protège également contre les attaques externes,
par exemple de type virales ou bactériennes. L'intestin est en effet un
véritable organe immunitaire: 70% du total de nos cellules immuni-
taires s'y trouvent. De plus, il est colonisé par une population de micro-
organismes vivants qui constituent une véritable `société biologique'
per se au point que la microflore intestinale est à présent considérée
comme un nouvel organe. Comprenant au moins 10
14
bactéries, soit 10
fois plus de cellules que le corps humain n'en contient, pesant entre
1,5 et 2kg, cette population est composée de plus de 1.000 espèces
de bactéries. Si l'on regarde ce que cela représenterait en terme de
gènes, nous serions donc humain à moins de 0,7%! Il était donc logique
que l'on s'intéresse au contenu génomique de ces micro-organismes.
Le métagénome du microbiote (ou «microbiome») contient en effet plus
de 3,3 millions de gènes, soit 150 fois plus que le génome humain.
Ce concept, qui embrasse les notions de communauté microbienne,
d'interactions fonctionnelles entre micro-organismes et entre eux et
l'organisme ou différents organes (allant du simple commensalisme
jusqu'à la symbiose), a suscité la création en décembre 2007 aux USA
par le NIH américain d'un vaste projet scientifique dénommé Human
Microbiome Project visant à séquencer tous les gènes ou génomes des
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