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Pharma-Sphere 168
Novembre 2011
En quoi consiste la prise en charge de ces personnes?
Dr An Haekens: «Il est important de convaincre les médecins et
autres soignants du fait que les sujets âgés présentant un problème
d'alcool peuvent tirer autant de bénéfices d'un traitement que les
sujets plus jeunes. Les meilleurs résultats sont enregistrés chez les
alcooliques tardifs (late onset), et ils sont encore meilleurs quand
on travaille avec des groupes d'âge distincts. Les alcooliques âgés
peuvent en effet difficilement s'identifier aux problèmes associés
à une dépendance chez des sujets plus jeunes. Des recommanda-
tions correctes au sujet de la quantité consommée, tenant compte
d'éventuelles interactions médicamenteuses et de la tolérance
réduite des sujets âgés vis-à-vis de l'alcool, constituent la base de
notre prise en charge. Chez les sujets de plus de 65 ans, nous recom-
mandons une consommation égale à 1 à maximum 1,5 unité d'alcool
par jour. En cas de suspicion d'un réel problème d'alcool, nous
adresserons aux sujets âgés un traitement plus spécifique. En cas
d'affections associées, telles que dépression, troubles du sommeil et
troubles anxieux, nous utiliserons outre la psychothérapie certains
médicaments psycho-actifs tels que la trazodone et les ISRS. Chez
les personnes bien motivées, je prescris parfois du disulfirame. Et
l'acamprosate peut également être donné aux personnes âgées. Il
va de soi qu'il faut tenir compte des contre-indications (cardiaques)
potentielles. Les phénomènes de sevrage chez les sujets âgés sont
comparables à ce que l'on observe chez les personnes plus jeunes,
bien qu'il faille être encore plus attentif à l'apparition éventuelle
d'un délire ou d'autres complications somatiques.
Les alcooliques âgés peuvent
difficilement s'identifier aux problèmes
associés à une dépendance chez
des sujets plus jeunes.
Take home messages
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Il s'agit d'un problème sérieux. L'alcoolique âgé existe et
peut être traité.
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Les soignants accordent trop peu d'attention à la
problématique liée à l'alcool chez les sujets âgés.
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Il faut y penser et oser poser des questions.
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Les critères diagnostiques usuels sont difficilement
applicables.
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Dans le groupe des sujets de plus de 75 ans, la
consommation quotidienne d'alcool a fortement augmenté
ces dernières années.
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On établit une distinction entre early et late onset drinkers.
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La sensibilité vis-à-vis de l'alcool augmente avec l'âge.
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Les sujets âgés présentant un problème d'alcool tirent
autant de bénéfices d'un traitement que les sujets plus
jeunes.
La consommation quotidienne d'alcool a fortement augmenté
chez les sujets de plus de 75 ans
On ne dispose pas de chiffres épidémiologiques valables, univoques, au sujet de la consommation d'alcool chez les sujets âgés. Dans
la population âgée générale, on observe une prévalence de 6 à 15%. En ce qui concerne les hôpitaux généraux et les maisons de repos,
elle serait un peu plus élevée, soit 10% pour les hôpitaux et 20 (à 50!)% en cas de MRS. Selon une enquête nationale de santé qui a
été réalisée en Belgique en 2004 sur la base du questionnaire CAGE (tableau 3), la consommation d'alcool augmenterait de manière
générale jusqu'à l'âge de 45-54 ans, et diminuerait à un âge plus avancé. Lorsqu'on compare les chiffres de 1997 avec ceux de 2004,
on constate que la consommation quotidienne d'alcool a fortement augmenté dans le groupe des sujets de plus de 75 ans, tandis qu'elle
a diminué dans tous les autres groupes d'âge. Les données des CGGZ (Centra voor Geestelijke Gezondheidszorg; 2005) et du Ministère
de la Communauté flamande (2006) nous ont appris que 17,4% des sujets de plus de 55 ans qui consomment trop d'alcool demandent
de l'aide. Chez les sujets de plus de 50 ans et chez les 35-49 ans, ces chiffres atteignent respectivement 34,2 et 46,1%.
Tableau 3: Questionnaire CAGE: dépistage de la consommation problématique d'alcool dans la population.
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Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation d'alcool? (Cut down)
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Avez-vous déjà été ennuyé par des remarques d'autrui, critiquant votre consommation d'alcool? (Annoyed by criticism)
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Vous êtes-vous déjà senti coupable au sujet de votre consommation d'alcool? (Guilty about drinking)
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Avez-vous déjà eu le besoin de boire de l'alcool en vous réveillant pour `démarrer'? (Eye-opener drinks)
Une réponse affirmative à 2 des 4 questions constitue une indication d'habitude à risque.
Parfois, l'abstinence suffit pour
influencer favorablement la dépression.