background image
6
I
Le Spécialiste
13-16
9 octobre 2013
www.lespecialiste.be
E
ntre 2010 et 2012, le nombre de
patients traités par un des médica-
ments spécifiques* pour la maladie
d'Alzheimer a fortement diminué, passant
de 69% à 46,5% (soit une diminution de
22,5%). «Cette baisse importante est la
résultante directe de deux mesures suc-
cessives»
, analysent les Mutualités libres
(MLOZ), qui ont réalisé une étude longi-
tudinale couvrant 7 années (2006 à 2012)
à partir des données de 14.855 personnes
prenant un médicament spécifique pour la
maladie d'Alzheimer*. «En effet, depuis le
1
er
juin 2011, ces médicaments ne sont plus
remboursés dans les formes sévères de la
maladie et, surtout, en 2012, les contrôles
des demandes de remboursement ont été
renforcés, ce qui a entraîné une diminution
de 21,5% du nombre de patients nouvelle-
ment traités entre 2010 et 2012.»
Les Mutualités libres estiment que fin 2012,
environ 20.000 Belges étaient traités pour
la maladie d'Alzheimer, alors que le chiffre
généralement admis dans notre pays est de
130.000 patients. Une fameuse différence.
«Il s'agit d'une extrapolation sur base des
données dont nous disposons. Ainsi, on a pu
évaluer qu'en 2010 y il avait 20% de patients
en plus par rapport à 2012 qui prenaient un
médicament pour la maladie d'Alzheimer»
,
explique le Dr Ingrid Umbach, médecin
expert aux MLOZ.
Aider les aidants proches
L'organisme assureur demande que les
montants économisés par l'assurance ma-
ladie soient alloués au soutien des aidants
proches. Cette manne financière permet-
trait de développer la prise en charge à
domicile de cette maladie. Une option qui
serait économiquement moins onéreuse
puisque le coût total des soins de santé
d'un patient Alzheimer est 3 fois plus éle-
vé en institution qu'à domicile. Les MLOZ
ont ainsi calculé qu'en 2012, la dépense
Inami moyenne globale par patient a été
de 18.000 par an en institution contre
6.000 à domicile. «Entre 2006 et 2012, ce
coût a augmenté de 4.500
par personne
en institution, contre 1.500
seulement à
domicile. Malgré ce constat favorable à la
prise en charge à domicile, la proportion des
patients Alzheimer séjournant en institution
(maison de repos ou maison de repos et
soins) a continué à croître dans notre pays,
passant de 36% en 2006 à 50% en 2012,
soit une augmentation de 14%»
, constate le
Dr Umbach.
L'étude révèle également que, de manière
générale, les coûts totaux des soins de san-
té des patients Alzheimer vivant à domicile
sont plus faibles chez les patients traités
par médicaments que chez ceux qui ont ar-
rêté le traitement. Une différence évaluée
à 20% en 2012.
Autre constat, chez les patients prenant des
médicaments contre la maladie d'Alzhei-
mer, la compliance au traitement est très
élevée. «Plus de 90%, tant en institution
qu'à domicile»
, précise le Dr Umbach.
Diagnostic tardif
Les Mutualités libres remarquent que
«malgré l'insistance des experts sur l'impor-
tance d'un dépistage précoce de la maladie
et d'une prise en charge rapide, l'âge moyen
du début du traitement a augmenté d'un
an entre 2006 et 2012: 79 ans à domicile,
84 ans en institution. Ce qui laisse supposer
un diagnostic tardif».
Fortes de cette étude qui démontre les
avantages de la prise en charge à domicile,
tant financiers qu'en termes de confort
pour le patient, les MLOZ demandent que
les montants économisés par l'assurance
maladie (estimés à environ 5,2 millions
par an) suite aux mesures de 2011 et 2012
soient consacrés au soutien des aidants
proches. «Ces aidants permettent en effet
le maintien à domicile des patients et favo-
risent le bon suivi du traitement»
, précisent
les auteurs de cette étude.
S'il reconnaît que le rôle de l'entourage est
primordial dans la prise en charge des pa-
tients Alzheimer ­ et également pour d'autres
patients ­ le gériatre Nicolas Berg, président
du Modes (le nouveau syndicat des médecins
spécialistes, membre du Cartel: NDLR) n'est
pas acquis au principe de lier la réduction de
la prescription des médicaments contre la
maladie d'Alzheimer dans les formes sévères
à l'augmentation des moyens alloués aux
aidants proches. «Je ne suis pas favorable à ce
que l'on mette en balance la prescription des
médicaments et le soutien des patients. Pour
certains patients atteints de formes sévères,
ces médicaments se justifient. Il faut d'ailleurs
remarquer que la suppression de ces médica-
ments a été mal vécue par certains malades et
leur entourage»
, commente le président du
Modes. Quant au renforcement des contrôles
de remboursement, le Dr Berg estime que ces
contrôles se justifient même s'ils créent une
charge administrative supplémentaire. «Les
critères retenus ne sont pas sots. Les gériatres
enregistrent ces critères déjà depuis des an-
nées dans leurs dossiers»
, précise le chef du
service de gériatrie du CHR de La Citadelle.
Et d'ajouter que dans la prise en charge de la
maladie d'Alzheimer, l'approche globale est
essentielle. «La médication est aussi impor-
tante que le soutien de l'entourage. Il faut
évidemment aider les aidants, qu'ils soient
bénévoles ou professionnels. En consultation,
je passe souvent plus de temps à expliquer le
suivi aux proches du patient Alzheimer qu'au
patient lui-même»
, souligne le Dr Berg qui re-
grette que l'étude des Mutualités libres n'ait
pas chiffré le coût des aidants proches dans
la comparaison du coût des patients Alzhei-
mer soignés à domicile ou en institution. Le
gériatre considère également qu'avant de
comparer ces deux catégories de patients
(vivant à domicile ou en institution), il faut se
demander s'il s'agit de patients qui sont au
même stade de la maladie.
Manque de recul
«L'impact de la limitation des rembourse-
ments de médicaments sur la santé des pa-
tients et l'évolution de la maladie ne pourra
être déterminé qu'avec le recul nécessaire»
,
conclut le Dr Umbach. «Par rapport à 2010,
le niveau des économies devrait se maintenir,
mais il sera impacté par l'augmentation de la
population vieillissante et de ses besoins.»
Vincent Claes
* Donépézil, rivastigmine, galantamine et mémantine.
JS0804F
Est-il éthique d'économiser sur la
prescription pour financer l'encadrement?
Depuis 2011, l'assurance-maladie a économisé 5,2 millions par an
en réduisant les conditions de remboursement des médicaments
pour traiter la maladie d'Alzheimer. Les Mutualités libres réclament
que l'argent ainsi «gagné» serve à financer la prise en charge à do-
micile de ces patients. Pour le gériatre Nicolas Berg, président du
Modes, il n'est pas sain de lier une réduction de la prescription à une
augmentation du financement du soutien des patients.
VOTRE ACTUALITÉ SOCIO-PROFESSIONNELLE
Le gériatre Nicolas Berg
regrette que l'étude des
Mutualités libres n'ait
pas chiffré le coût des
aidants proches dans la
comparaison du coût
des patients Alzheimer
soignés à domicile ou en
institution.
ALB-T-2013-05-28-033
Engelfriet PM et al. Heart 2007;93:682-687
van der Bom et al. Am Heart J 2012;164:568-75
Malades
invisibles.
Les symptômes sont en général peu spécifi ques (
dyspnée, fatigue, syncope).
Demandez un examen cardiaque avec une échocardiographie complète
pour détecter ces patients et leur venir en aide effi cacement.
Plus d'info: www.coeur-droit.be
En Belgique, près de 1000 patients
parmi tous ceux qui sont atteints
de
cardiopathie congénitale
sont susceptibles de développer
une
hypertension artérielle
pulmonaire
. La plupart
resteront sans diagnostic.
annonce DEF 317x250.indd 1
22/08/13 13:15