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OrthO-rhumatO | VOL 11 | N°5 | 2013
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revue les biomarqueurs classiques et innovants qui peuvent
être considérés comme intéressants pour l'évaluation du
remodelage osseux. Auparavant, nous aimerions rappeler
brièvement les recommandations internationales sur le
sujet qui ont été publiées en 2009 sous l'égide des KDIGO
(Kidney Disease Improving Global Outcomes). Ensuite,
nous allons insister sur la différence critique (DC), un
concept de biologie clinique qui est fondamental quand on
considère la problématique des biomarqueurs et du moni-
toring d'une maladie.
Les recommandations des KDIGO suggèrent les mesures
de la parathormone sérique (PTH) et de la phosphatase al-
caline osseuse (PALO) pour évaluer le remodelage osseux
(1). Un terme important que nous utiliserons souvent dans
cet article est le terme monitoring, qui implique donc un
suivi longitudinal, dans le temps, des patients. Ce concept
est également souligné par les directives internationales
qui recommandent clairement de ne pas baser les stra-
tégies thérapeutiques sur une seule valeur de PTH, mais
plutôt sur une tendance obtenue à partir d'un suivi de plu-
sieurs valeurs de PTH. Les KDIGO renseignent d'ailleurs
la fréquence avec laquelle la mesure de PTH et de PALO
doit être effectuée en fonction de l'évolution et du stade de
la maladie rénale chronique (1). Il est aussi important de
rappeler, dans ce contexte, le concept de DC d'un biomar-
queur (10). La DC peut être définie comme étant le pour-
centage de variation à partir duquel une différence obser-
vée entre deux dosages consécutifs chez le même patient
ne peut plus être considérée comme étant due au hasard
mais bien à une variation cliniquement significative. Cette
DC dépendra du coefficient de variation analytique de la
mesure et du coefficient de variation intra-individuel (ou
coefficient de variation biologique) du biomarqueur. En
d'autres termes, quand une variable biologique est me-
surée à plusieurs reprises chez un patient donné, la DC
(exprimée en %) de cette variable doit être dépassée avant
de pouvoir affirmer que la différence entre deux résultats
consécutifs est bien cliniquement significative (11).
odr: défiNitioN Et PhySioPatholoGiE
défiNitioN
La maladie rénale chronique peut affecter non seule-
ment le remodelage osseux, mais aussi les processus de
minéralisation osseuse et la masse osseuse. Le remode-
lage osseux est constitué de la succession d'une phase de
résorption ostéoclastique suivie d'une phase de formation
osseuse. La vitesse de remodelage dépend du nombre
d'unités de remodelage (c'est à dire du nombre de couples
ostéoblaste- ostéoclaste) en action. Chez les patients insuf-
fisants rénaux, le niveau de remodelage peut être normal,
élevé ou faible. Après avoir été déposé par les ostéoblastes
dans les lacunes laissées par les ostéoclastes, le collagène
est progressivement minéralisé, généralement en moins
de 30 jours. Ce processus de minéralisation dite primaire
peut être normal ou diminué en cas de maladie rénale. La
masse osseuse (ou le volume osseux) est évaluée sur la
base du rapport volume osseux/volume tissulaire du tissu
spongieux et sur base de l'épaisseur et de la porosité de
l'os cortical. Le remodelage osseux et la masse osseuse sont
physiologiquement liés puisque les variations de la masse
osseuse sont le résultat des changements dans les niveaux
de remodelage osseux. Cependant, la mesure de la densité
minérale osseuse par ostéodensitométrie n'est malheu-
reusement pas un outil d'évaluation fiable du remodelage
osseux chez les patients dialysés. Par contre, bien que son
interprétation puisse être difficile dans un contexte de
l'ODR, cette mesure peut être utile pour l'évaluation du
risque de fracture. La combinaison des diverses atteintes
osseuses chez le dialysé conduit à la caractérisation de
quatre types de lésions osseuses: l'ostéite fibrosante (OF,
correspondant à un remodelage osseux augmenté), l'os
adynamique (ABD, correspondant à un remodelage osseux
trop bas), l'ostéomalacie (correspondant à un déficit de
minéralisation), et l'ostéopathie mixte (combinant un défi-
cit de minéralisation et un remodelage osseux augmenté).
Dans chacune de ces quatre lésions, la masse osseuse peut
être augmentée ou diminuée (2, 12).
PhySioPatholoGiE dE l'odr
La physiopathologie de l'ODR est complexe et évolue
constamment au fil des nouvelles découvertes. Ainsi, la ci-
nétique et le poids de chacun des facteurs que nous allons
discuter sont sujets à modification. L'hyperphosphatémie,
ou plutôt le déficit d'excrétion des phosphates, qui semble
être l'un des premiers événements survenant au cours du
développement de la maladie rénale chronique est due à
la réduction néphronique. Cette rétention de phosphates
aboutit à une augmentation de la production du FGF23
(Fibroblast Growth Factor 23) par les ostéocytes au ni-
veau de l'os (via des mécanismes inconnus). Cette augmen-
tation de la synthèse de FGF23 stimule l'excrétion de phos-
phate par les néphrons restants et permet temporairement
un maintien à la normale des taux sériques de phosphate.
Le FGF23 agit via un récepteur et un co-récepteur appe-
lé Klotho. Des taux de FGF23 augmentés, une réduction
néphronique et une augmentation de la charge phospha-
tée entrainent une diminution de la production de calci-
triol par le rein (2, 13). Dans le même temps, le risque de
développer une hyperparathyroïdie secondaire augmente
suite à une combinaison de facteurs interdépendants. La
diminution des taux sériques de calcitriol est responsable
de la diminution de l'absorption intestinale du calcium et
de la perte du rétrocontrôle négatif sur la transcription
de PTH. L'hyperphosphatémie augmente la demi-vie de
la PTH. La diminution progressive de l'expression des