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Skin
Vol 15
N°6
2012
6
INTRODUCTION
La douleur unguéale est due à la riche
innervation de la phalange terminale,
qui comporte 60% des axones des nerfs
digitaux. Elle fait suite à l'impossibilité de
dilatation de l'espace sous-unguéal dont
la configuration anatomique le rend vir-
tuel. Ceci s'explique par l'absence d'in-
terposition de tissu sous-cutané entre
la tablette unguéale et l'os de la phalan-
gette sous-jacente ainsi qu'à la présence
d'attaches fibreuses collagéniques amar-
rant fermement l'ongle à la phalange
terminale.
La conduite à tenir face à une douleur
unguéale commence par un interroga-
toire méticuleux, permettant de quali-
fier la douleur: son mode d'apparition
(rapide, progressive, insidieuse), son
type (continue, répétitive, pulsatile, lan-
cinante), son intensité (aiguë, modérée,
faible), son rythme (diurne, nocturne,
sans horaire), l'existence de facteurs
déclenchants, aggravants ou apaisants
(pression, température, élévation du
membre, prise médicamenteuse). Il faut
également faire préciser un antécédent
de traumatisme de l'appareil unguéal et
d'éventuels facteurs professionnels.
L'examen complémentaire de premier
choix reste la radiographie. Celle-ci est
notamment indispensable dans les hé-
matomes sous-unguéaux occupant plus
de 25% de la surface de la tablette afin
de déceler les fractures sous-jacentes.
L'IRM affine un diagnostic, notamment
dans le cadre d'une tumeur glomique ou
d'un pseudokyste sous-matriciel. Elle dé-
taille les rapports anatomiques de toute
tumeur solide, en facilite l'abord chirurgi-
cal et permet de comprendre des sensa-
tions douloureuses post-chirurgicales en
localisant précisément des lésions satel-
lites non excisées. L'ongle fait écran et
l'avulsion est indispensable afin de per-
mettre la biopsie ou la biopsie-exérèse
de la lésion responsable (1).
Les étiologies de l'onychalgie sont mul-
tiples: inflammatoires, tumorales, vas-
culaires, médicamenteuses. Les plus
typiques, les plus fréquentes ainsi que les
moins fréquentes seront successivement
discutées.
DISCUSSION
LES DOULEURS UNGUÉALES TYPIQUES
La tumeur glomique
La tumeur glomique (Figure 1) présente
le plus souvent une triade clinique clas-
sique: douleur intense, élective et dé-
clenchée par le froid. L'aspect typique
est une coloration bleue-rougeâtre du
lit unguéal ou de la lunule. La concen-
tration élevée en corps glomiques dans
la région sous-unguéale explique la
fréquence de survenue des tumeurs
glomiques de 75 à 90% sur ce site. En
pratique, trois tests cliniques sont dia-
gnostiques: le test de la sensibilité au
froid déclenche la douleur par un glaçon
appliqué à la surface unguéale; le test
de Love localise précisément la tumeur
par sondage par une pointe mousse sur
l'ongle et le test de Hildreth induit un
soulagement de la douleur par l'isché-
mie transitoire obtenue par un brassard
gonflé à plus de 300mmHg (2). La ra-
diographie montre une érosion osseuse
dans 48% des cas (3). L'échographie
peut montrer une hypo-échogénicité.
L'IRM détecte les tumeurs dès 2mm,
avec des images d'hypo-intensité en T1,
DOSSIER: ONYCHOLOGIE
L'ongle douloureux
Marie Caucanas, Bertrand Richert
CHU Brugmann, CHU St-Pierre & HUDERF, ULB-VUB, Bruxelles
L
a douleur unguéale n'est pas un motif de consultation rare en dermatologie.
Sa prise en charge repose sur un interrogatoire soigneux, un examen clinique
précis et le recours à des examens complémentaires judicieux. La connaissance
des étiologies fréquentes ou plus rares est indispensable pour ne pas retarder le
diagnostic.
S1
099F
Figure 1: Aspect bleu-violacé du lit unguéal, correspondant au site de la tumeur glomique.