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Skin
Vol 15
N°6
2012
11
Elle est souvent provoquée par la chimio-
thérapie (3-8), les radiations et l'empoi-
sonnement à l'arsenic: dans ce cas, les
ongles présentent typiquement une ou
plusieurs bandes très fines de leuconychie
transversale, appelées les lignes de Mees,
qui touchent la lame dans toute sa lar-
geur, et ceci peut aider au diagnostic de
l'intoxication à l'arsenic (9). Une fragilité
accrue des ongles est un effet indésirable
fréquent de la chimiothérapie, mais elle
peut également s'observer chez des pa-
tients traités par rétinoïdes (10), chez qui
la fragilité accrue des ongles peut être res-
ponsable de l'incidence élevée d'incarna-
tion des ongles des orteils et de multiples
granulomes pyogéniques périunguéaux.
L'onycholyse hémorragique douloureuse
et les abcès sous-unguéaux peuvent être
dus à l'utilisation de taxanes (docétaxel/
paclitaxel) (11-3), d'anthracyclines (doxo-
rubicine) (14), et à des médicaments
immunosuppresseurs tels que le siroli-
mus et le rituximab (15). L'onycholyse
hémorragique et les abcès sous-unguéaux
touchent jusqu'à 44% des patients trai-
tés par chimiothérapie à base de taxanes
(11), plus fréquemment après plusieurs
cycles de docétaxel (Figure 2).
L'onycholyse est liée à la dose et elle
peut régresser spontanément après plu-
sieurs mois d'arrêt des taxanes. Elle peut
également constituer un effet indésirable
inhabituel des rétinoïdes (10), suite à la
desquamation accélérée de la couche
cornée du lit de l'ongle induite par ces
médicaments. En cas de photo-onycho-
lyse due aux médicaments, la séparation
de la tablette unguéale du lit de l'ongle
est le résultat d'un effet allergique ou
toxique du médicament, sous l'effet des
rayons ultraviolets. Il s'agit d'une alté-
ration rare, qui tend habituellement à
épargner les pouces. Les médicaments
le plus souvent à l'origine d'une photo-
onycholyse sont les tétracyclines et les
psoralènes, tant après l'exposition à la lu-
mière solaire naturelle qu'aux sources ar-
tificielles (PUVA). D'autres médicaments
incluent les quinolones, les psychotropes
et les diurétiques. Un cas de photo-ony-
cholyse induite par la griséofulvine a
également été rapporté (16). La photo-
onycholyse peut survenir à tout moment
durant le traitement, parfois même après
l'arrêt du médicament, ce qui indique la
persistance du médicament dans la peau.
Elle peut s'avérer douloureuse et être
associée à une réaction cutanée de type
photosensibilité.
Une leuconychie apparente induite par
des médicaments peut se présenter se-
lon deux tableaux cliniques différents: les
ongles dits «half-and-half» et les lignes
de Muehrcke. En cas d'ongles «half-and-
half
», qui sont habituellement un effet
indésirable des agents chimiothérapeu-
tiques, l'ongle proximal montre une cou-
leur anormalement blanche, masquant
la lunule, tandis que la moitié distale de
l'ongle est rose, rougeâtre ou brune. Les
lignes de Muehrcke apparaissent comme
de multiples bandes transversales blan-
châtres et opaques, parallèles à la lunule,
provoquées par des médicaments sys-
témiques, en particulier les médica-
ments cytotoxiques (17). La paronychie
aiguë est un effet indésirable fréquent
des taxanes, dû à une lésion toxique au
niveau du pli unguéal proximal (11). Plu-
sieurs autres médicaments peuvent être
à l'origine d'une paronychie et de granu-
lomes pyogéniques (GP): les rétinoïdes
systémiques (isotrétinoïne, étrétinate)
et même les rétinoïdes topiques (tréti-
noïne, tazarotène), les antirétroviraux (en
particulier l'indinavir), les inhibiteurs de
l'EGFR (cétuximab, géfitinib), la capéci-
tabine (18).
Une caractéristique essentielle des GP
induits par les médicaments est l'at-
teinte fréquente des ongles des orteils,
probablement parce qu'ils sont soumis,
d'une part, au frottement chronique
dans les chaussures et, d'autre part, au
poids du corps. La paronychie induite
par les médicaments peut toucher un
ou plusieurs ongles et se développe
habituellement peu après le début du
traitement. Elle a tendance à guérir pro-
gressivement et est fréquemment suivie
de l'apparition d'une onychomadèse. Le
traitement antirétroviral (indinavir, éfavi-
renz) provoque des GP chez environ 6%
des patients (Figure 3), et le moment de
leur apparition varie entre 2 mois et 1 an
à partir du début du traitement (19).
Les inhibiteurs de l'EGFR (récepteur
du facteur de croissance épidermique
Figure 2: L'onycholyse hémorragique douloureuse et les abcès sous-unguéaux dus aux taxanes.
Figure 3: Multiples granulomes pyogéniques périunguéaux induits par les antirétroviraux.