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Chez les patients traités au long
cours ne présentant pas de réactions
cutanées, peut-on réduire la durée
de la perfusion?
Question régulièrement posée par les patients qui souhaitent
raccourcir la durée de l'hospitalisation de jour, sa pertinence
peut être discutée chez certains patients adultes soigneuse-
ment sélectionnés qui ont toléré au moins 3 perfusions initiales
de 2 heures, et à la condition de ne pas être de durée inférieure
à 1 heure. En Angleterre, c'est après 8 perfusions que cette
durée est raccourcie, à la condition d'avoir à disposition des
corticoïdes IV et de l'adrénaline. En l'absence de réaction cuta-
née, selon les auteurs, la surveillance peut, sous conditions, être
réduite à 30 minutes en gardant la voie veineuse (9).
Il faut cependant garder en mémoire que la notice officielle
souligne que «tous les patients recevant Remicade
®
doivent
être maintenus en observation pendant au moins 1 à 2 heures
après la perfusion en raison du risque de réactions aiguës lié
à la perfusion.»
Comment proposer la réintroduc-
tion en cas d'arrêt du traitement?
En cas de retraitement, même après un intervalle prolongé, la
reprise du schéma d'induction n'est pas recommandée. Dans
ces cas, on programmera d'emblée une perfusion toutes les 8
semaines, ce qui réduit le risque de réactions mais entraîne un
risque plus élevé d'immunogénicité, plus fréquent en dermato-
logie car les malades ne sont pas sous immunosuppresseur. Ces
réactions peuvent être immédiates, le plus souvent au cours
des 2 premières heures, marquées par une réaction anaphylac-
tique ou anaphylactoïde, ou retardées, jusque 14 jours après la
perfusion (le plus souvent après 5-7 jours), marquées par des
symptômes de maladie sérique. Dans les essais cliniques, l'in-
fliximab provoque ces réactions dans 18% des cas (contre 5%
sous placebo), essentiellement lorsque l'infliximab est proposé
en monothérapie sans immunosuppresseur (10).
Quelle prise en charge des réactions
cutanées?
Pour les réactions immédiates légères, la perfusion sera ralen-
tie, tandis qu'un traitement symptomatique par antihistaminique
et paracétamol, voire corticoïde IV sera mis en place. En cas de
réactions modérées (hyperhémie, hyperthermie, oedème, dys-
phagie, hypo- ou hypertension), la perfusion sera arrêtée et le
traitement symptomatique instauré sans délai. Lorsque les réac-
tions sont sévères (hyperthermie > 39°C, hypo- ou hypertension
marquée, oedème laryngé ou pharyngé, dyspnée, vasospasme
sévère, crise convulsive, douleur thoracique), on ajoutera aux
mesures préalablement décrites un bêta-2 agoniste en inhalation,
de l'oxygène, des macromolécules, un antihypertenseur, et on
appréciera l'utilité de l'adrénaline SC (11). L'arrêt du traitement
sera préconisé, contrairement aux cas modérés dans lesquels
une reprise lente et prudente (10ml/h pendant 15', puis augmen-
tation progressive toutes les 15 minutes si la tension le permet à
20, 40, 60 puis 125ml/h) est préconisée (11). Les réactions retar-
dées, plus rares, nécessitent un traitement par antihistaminique
en cas d'urticaire ou par paracétamol en cas de syndrome flu-
like, tout en poursuivant les perfusions selon le protocole. Ce
qui ne sera pas le cas lors d'arthrite sévère (10). Au quotidien,
ces réactions immédiates ou retardées se produisent pour 1,5%
des perfusions et chez 17% des patients, généralement au cours
des 18 premiers mois. La survenue de réactions pourrait être un
facteur prédictif d'échappement thérapeutique (9). Ce risque de
réaction est faible et peut être prévenu en cas de crainte majeure
par un schéma d'induction ou par l'association de méthotrexate
5-20mg (9).
Comment gérer la perte d'efficacité?
Même si de nombreux patients restent répondeurs, il existe
un décrochage après la première année (8) avec une corré-
lation entre le risque de perte d'efficacité et la concentration
sérique en infliximab. Dans cette optique, DERMBIO a clai-
rement montré que l'adaptation des doses (soit en réduisant
les intervalles entre 2 injections, soit en augmentant la dose
jusque 8mg/kg, mais on est hors AMM) permet de garder
une meilleure efficacité (4) car le nombre de molécules dis-
ponibles pour inhiber le TNF augmente (12). On peut rap-
peler aussi que la perte d'efficacité est atténuée par la prise
concomitante de méthotrexate, comme l'a montré une méta-
analyse récente (13) où la présence d'un immunosuppresseur
réduit de 47% la fréquence des auto-anticorps, ce qui n'est
pas sans intérêt. En gastro-entérologie en effet, la présence
d'anticorps anti-IFX à un taux > 8mcg/ml était associée à
une réponse plus courte et un risque plus élevé de réactions
d'intolérance (14), voire d'une perte de réponse (15), que l'on
peut récupérer sous immunosuppresseur.
En conclusion
«Si les modalités d'utilisation de l'infliximab sont clairement en-
cadrées par l'AMM, une prescription plus flexible peut se faire au
bénéfice du patient, à condition de la réaliser dans le cadre d'un
suivi médical rigoureux et codifié pour garantir l'observance, et
donc l'efficacité
», conclut Denis Jullien.
Les réflexions d'experts, aussi pertinentes soient-elles,
n'empêchent pas de rappeler que la posologie et le mode
d'administration de l'infliximab selon la notice sont: «5mg/kg
administrés en perfusion intraveineuse, suivis par des perfu-
sions supplémentaires de 5mg/kg aux semaines 2 et 6 après la
première perfusion, puis ensuite toutes les 8 semaines.»
* AMM: Autorisation de Mise sur le Marché en France (équivalent de l'enregistrement en
Belgique)
Références
1. Oh C, et al. J Am Acad Dermatol 2000;42(5 Pt 1):829-30.
2. Chaudhari U, et al. Lancet 2001;357(9271):1842-7.
3. Noiles K, Vender R. J Drugs Dermatol 2009;8(4):329-33.
4. Gniadecki R, et al. Br J Dermatol 2011;164(5):1091-6.
5. Mehren C, Gniadecki R. Acta Derm Venereol 2012;92(4):355-7.
6. Ricart E, et al. Am J Gastroenterol 2001;96(3):722-9.
7. Wasserman M, et al. J Rheumatol 2004;31(10):1912-7.
8. Reich K, et al. Lancet 2005;366(9494):1367-74.
9. Wee J, et al. Br J Dermatol 2012;167(2):411-6.
10. Lecluse L, et al. Br J Dermatol 2008;159(3):527-36.
11. Puig Sanz L, et al. Actas Dermosifiliogr 2009;100(2):103-12.
12. Vena G, et al. Dermatol Ther 2010;23(2):199-202.
13. Garcês M, et al. Ann Rheum Dis 2012 Dec 6. [Epub ahead of print].
14. Baert F, et al. N Engl J Med 2003;348(7):601-8.
15. Ben-Horin S, et al. Gut 2011;60(1):41-8.
16. Ben-Horin S, et al. Clin Gastroenterol Hepatol 2012 Oct 24. [Epub ahead of print].
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ESPACE
PHARMA
L'histoire des anti-TNF dans le psoriasis est une histoire de
sérendipidité quand Charles Oh décrit pour la première fois
leur efficacité chez un patient souffrant de maladie de Crohn
et de psoriasis (1). Il n'a pas fallu longtemps ensuite pour
prouver l'efficacité de l'infliximab dans cette indication (2),
une efficacité qui se traduit aujourd'hui par un nombre im-
pressionnant de malades psoriasiques traités (plus de 200.000
par le monde) et un acquis d'expérience incontesté. «Dans
ce contexte, deux études sont très illustratives de la différence
entre les essais cliniques et le quotidien des patients
», explique
Denis Jullien. Ainsi, une méta-analyse de 19 essais randomi-
sés montre que l'infliximab n'est pas l'anti-TNF qui possède
le meilleur taux de maintien sous traitement (3), ce qui a été
largement infirmé par le registre danois DERMBIO qui a mon-
tré que chez les patients naïfs de tout traitement, l'infliximab
est de très loin l'anti-TNF qui a la meilleure survie (4), l'arrêt
des traitements étant lié essentiellement à une perte d'effi-
cacité. Pour expliquer cette efficacité, les auteurs font état
d'une proportion importante de patients (1/3), bénéficiant
d'une adaptation de dose, avec une dose 65% plus élevée
que la dose recommandée de 5mg/kg/8sem (5). «On est donc
clairement hors AMM
», remarque Denis Jullien.
S'approprier la molécule,
le rôle du dermatologue
C'est sur base de cas cliniques que Marie-Aleth Richard (Mar-
seille) et Matthieu Allez (gastro-entérologie, Paris-Diderot)
ont fait état de circonstances qui les ont éloignés des indi-
cations officielles de l'infliximab, une prescription que leurs
équipes effectuent volontiers, car ne devoir effectuer qu'une
injection toutes les 8 semaines permet au patient d'oublier sa
maladie durant de longues périodes. Cela dit, classiquement,
l'équipe marseillaise propose à S0, S2, S6 puis toutes les 8
semaines avant l'administration d'infliximab 5mg/kg dilué dans
250ml de NaCl 0,9% sur deux heures en hospitalisation de
jour, une prémédication 30 minutes auparavant (un antihista-
minique et du paracétamol par voie IV), l'injection étant suivie
d'une surveillance de 2 heures portant sur la température,
le pouls, la pression artérielle et la fréquence respiratoire.
«Cependant, deux essais ouverts, l'un en gastro-entérologie (6),
l'autre en rhumatologie (7), suggèrent qu'une prémédication sys-
tématique n'a pas d'intérêt chez les patients n'ayant jamais eu
de réaction à la perfusion, faisant même courir le risque de mas-
quer une fièvre
», remarque Matthieu Allez.
Quels résultats attendre de
l'injection d'infliximab?
L'étude EXPRESS a montré non seulement l'efficacité de ce
traitement, mais aussi la rapidité de la réponse, manifeste dès
la fin de la phase d'induction à la 6
e
semaine, 80% des patients
obtenant 75% d'amélioration de leur score PASI (8).
PSORIASIS AU CABINET
L'infliximab (Remicade
®
, MSD)
au quotidien: regards croisés et
avis d'experts
Réalisation: Dr Dominique-Jean Bouilliez
Rien n'est coulé dans le bronze lorsqu'on évoque la médecine. Ce qui fait dire au Pr Denis Jullien
(Hôpital Edouard-Herriot, Lyon) que les recommandations sont faites pour évoluer tandis que les indi-
cations thérapeutiques en dermatologie auront toujours un temps de retard sur les observations cli-
niques qui demandent toujours à être validées avant d'être largement diffusées. C'est au dermatologue
de faire ces observations, même hors AMM*, souligne-t-il, afin de faire progresser sa spécialité, ce qui
justifie la discussion proposée à l'occasion du symposium satellite soutenu par les laboratoires MSD
dans le cadre des Journées Dermatologiques de Paris.
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Denis Jullien
Marie-Aleth Richard
Matthieu
Allez
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