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Skin
Vol 15
N°6
2012
12
ou epidermal growth factor receptor)
(erlotinib, lapatinib, cétuximab, panitu-
mumab), utilisés pour le traitement des
tumeurs malignes solides (20), peuvent
provoquer une paronychie et des GP
chez jusqu'à 60% des patients (18). Le
développement des GP unguéaux induits
par les inhibiteurs de l'EGFR est dose-
dépendant et débute habituellement
après 6 semaines, touchant 1-2 doigts
et/ou les ongles des orteils. La guérison
s'amorce 1-2 mois après l'arrêt du médi-
cament (21). Les troubles hémorragiques
des ongles induits par des médicaments
sont de sévérité variable et peuvent se
présenter comme des hémorragies en
écharde, indiquant l'atteinte des capil-
laires du lit de l'ongle, ou comme des
hématomes du lit, dus à des hémorragies
sous-unguéales. Les ongles des orteils
sont généralement touchés, étant donné
qu'ils sont plus exposés aux lésions et
aux traumatismes. Les hémorragies sous-
unguéales sont souvent associées à une
photo-onycholyse d'origine médicamen-
teuse, particulièrement en cas de formes
dues aux quinolones.
Le sorafénib et le sunitinib, des inhibiteurs
des multikinases, peuvent provoquer des
hémorragies en écharde sous-unguéales
asymptomatiques qui apparaissent dans
un délai de 2 à 4 semaines et qui sont
dues à des microlésions au niveau des
capillaires des extrémités des doigts, qui
ne peuvent guérir en raison de l'inhibi-
tion du VEGFR (22). Les anti-inflamma-
toires, comme l'aspirine, représentent
une autre cause fréquente d'hémorragies
sous-unguéales, et ce, en raison de leur
effet antithrombotique. La warfarine et
d'autres anticoagulants peuvent provo-
quer des saignements du lit de l'ongle.
Les rétinoïdes tels que l'acitrétine sont
aussi susceptibles de provoquer des hé-
morragies en écharde (23). Les rayons io-
nisants peuvent endommager les parois
vasculaires du lit de l'ongle et être à l'ori-
gine du développement d'hémorragies
en écharde ou d'hématomes. Les modifi-
cations unguéales ischémiques dues aux
médicaments sont de sévérité variable,
allant d'un phénomène de Raynaud à
la gangrène digitale. Le phénomène de
Raynaud peut constituer un effet indé-
sirable vasculaire de la bléomycine (24),
tant intralésionnelle que systémique. La
bléomycine peut également être res-
ponsable d'une gangrène des extrémi-
tés des doigts. La gangrène digitale peut
représenter un effet indésirable grave des
bêtabloquants (25).
La pigmentation unguéale due à l'acti-
vation des mélanocytes de la matrice de
l'ongle (mélanonychie) est un effet indé-
sirable fréquent des antinéoplasiques,
tels que la doxorubicine, la bléomycine,
le cyclophosphamide, la daunorubicine,
la dacarbazine, le 5-fluoro-uracile, le mé-
thotrexate et l'hydroxyurée. Une méla-
nonychie transversale ou plus fréquem-
ment longitudinale peut survenir après
l'utilisation d'un traitement par fais-
ceaux d'électrons (EBT, electron beam
therapy
), d'une radiothérapie (Figure
4
), de psoralènes avec des ultraviolets A
(PUVA), d'infliximab, de zidovudine (26).
Un traitement impliquant des associations
de ces médicaments augmente la
possibilité d'activation des mélanocytes.
La pigmentation unguéale d'origine
médicamenteuse touche typiquement
plusieurs ongles et est habituellement
lentement réversible (27). Dans certains
cas, la pigmentation unguéale induite
par des médicaments a une autre origine.
Certains médicaments peuvent en fait
être éliminés par la matrice unguéale et
être stockés au sein de la tablette, pour
être ensuite éliminés lors de la croissance
de l'ongle. Le dépôt du médicament au
sein de la tablette est la cause d'une
pigmentation brun-noir que l'on observe
chez les patients traités par clofazimine
(28). Ces patients présentent souvent une
pigmentation rose-brune associée des
zones cutanées exposées au soleil.
Dans d'autres cas, la coloration de l'ongle
touche la région sous-unguéale, suite à
des dépôts de pigments (médicaments,
hémosidérine ou mélanine) dans le
derme. En particulier, il s'est avéré que les
dérivés des tétracyclines, notamment le
chlorhydrate de minocycline, provoquent
une pigmentation d'une série de tissus,
incluant la peau, la thyroïde, les ongles,
la sclère, les dents, les conjonctives
et l'os. La pigmentation induite par
la minocycline est de couleur bleu-
gris et épargne typiquement la région
de la lunule (29). Une pigmentation
touchant la peau, les ongles et la sclère
peut être observée chez des patients
traités de manière prolongée par des
antimalariques tels que l'amodiaquine,
la chloroquine, la mépacrine ou la
quinacrine. La pigmentation unguéale
due à l'hydroxychloroquine est
extrêmement rare (30). Teive et al. (31)
ont rapporté une dyschromie unguéale,
avec une coloration verte, au cours d'un
traitement par rotigotine, un agoniste
dopaminergique non ergoté; cette
anomalie des ongles a disparu 2 mois
après l'arrêt du médicament.
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Figure 4: Deux bandes de mélanonychie
longitudinale due à une radiothérapie; notez
la présence conjointe d'une ligne de Beau.