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GUNAIKEIA
VOL 18 N°8
2013
Joëlle Desreux
introduction
Depuis 1990, la mortalité par cancer du sein dans les pays
industrialisés a baissé de 2,2% par an (1). Ce déclin a été
attribué à la fois à l'amélioration des traitements et à l'ex-
tension du dépistage par mammographie.
Cependant, dans la plupart des pays, la diminution de la
mortalité par cancer du sein a débuté avant l'implémenta-
tion des programmes publics de dépistage (2, 3). De plus,
les 3 études randomisées méthodologiquement correctes
reprises dans la méta-analyse Cochrane de 2011, suivant
des femmes âgées de 50 à 69 ans pendant 13 ans, n'ont
pas montré d'impact significatif du dépistage de masse
sur la mortalité par cancer du sein (RR: 0,90; 95%CI: 0,79-
1,02) (4). Enfin, l'incidence des cancers avancés, reflet
spécifique de l'efficacité du dépistage, a augmenté ou est
restée stable dans certains pays, alors que dans d'autres,
il y a eu une tendance à la baisse transitoire puis un re-
tour au niveau antérieur au démarrage du programme de
dépistage (5).
Le dépistage de masse induit des nuisances à une popu-
lation saine: principalement les faux positifs, le sur-
diagnostic et un petit nombre de cancers radio-induits.
Le gain espéré en qualité de vie est également décevant:
le taux de chirurgies mammaires, y compris des mastec-
tomies, a augmenté depuis l'instauration du dépistage de
masse, en partie à cause du sur-diagnostic (4, 6). Les taux de
chimiothérapie et d'hormonothérapie, dont les indications
sont à l'heure actuelle plus dépendantes du profil immu-
no-histochimique ou de la génomique que du stade ana-
tomique, n'ont pas baissé suite au dépistage de masse (7).
Enfin, les faux positifs altèrent indéniablement la qualité
de vie de nombreuses femmes saines de manière plus ou
moins transitoire.
Le dépistage de masse induit des
nuisances à une population saine:
principalement les faux positifs,
le sur-diagnostic et un petit nombre de
cancers radio-induits.
ON0457F
Devrions-nous individualiser le
dépistage du cancer du sein?
Joëlle Desreux, Valérie Bleret, Eric Lifrange
Service universitaire de Sénologie, CHU de Liège, ULg
L
e dépistage du cancer du sein organisé par les autorités publiques est actuellement fortement débattu. En effet, le
dépistage de masse est coûteux, peu efficace et induit certaines nuisances à une population saine. Cependant, stopper
purement et simplement toute forme de dépistage des femmes à risque faible ou moyen serait problématique car
environ 70% des cancers du sein surviennent chez des femmes sans facteur de risque connu. D'un autre côté, maintenir le
dépistage de masse actuel chez les femmes à haut risque serait insuffisant. Nous proposons ici une revue des avantages et
des inconvénients d'un dépistage individualisé, qui pourrait être une stratégie plus efficace et rentable. Les principes d'un
dépistage individualisé sont: (a) commencer le dépistage à l'âge auquel le risque individuel est équivalent à celui d'une
femme à risque moyen âgée de 50 ans, (b) stopper le dépistage lorsque les comorbidités surpassent le risque de mortalité
par cancer du sein, (c) adapter la fréquence et les modalités d'imagerie au niveau de risque individuel et à la densité
mammographique, (d) réévaluer régulièrement et individuellement la stratégie de dépistage, et (e) discuter honnêtement
avec chaque patiente pour l'aider à décider si elle participe ou non au dépistage.