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I
Le Spécialiste
13-14
11 septembre 2013
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M
erveilleusement simple dans sa
construction, le stéthoscope est
constitué de la lyre ­ la partie
métallique supérieure où viennent se fixer
les deux embouts auriculaires ­, de la tu-
bulure souple qui se fixe à la lyre, d'abord
en deux parties, et ne forme ensuite
plus qu'un seul tube; le tube final vient
se connecter au pavillon par un cylindre
métallique que l'on nomme base; enfin,
la base est solidaire de deux pavillons de
forme conique, dont un se termine par
une membrane souple. Le médecin choi-
sit un des deux pavillons pour entrer en
contact avec la peau du patient. Tout cela
pour entendre les sons émis à l'intérieur
du corps humain.
Une déformation qui se
propage
Le son se propage au sein de tout maté-
riau. Il s'agit d'un phénomène ondulatoire:
le son n'est qu'une vibration de la ma-
tière qui se propage de proche en proche
comme la «ola» dans un stade de foot-
ball: aucun spectateur ne change de place,
pourtant la déformation se déplace et se
propage partout où il y a de la matière.
Il s'agit d'une onde de déformation. La
matière étant «élastique», toute compres-
sion relâchée amène la matière à vibrer et
c'est cette vibration qui se propage.
Dans les gaz, l'élasticité est mesurée par
le lien entre la variation de pression et la
variation ainsi engendrée de densité de gaz.
Dans les solides, c'est la rigidité qui déter-
minera la propagation. Il est donc clair que
plus la matière est «rigide», plus la vitesse
du son sera grande. La vitesse du son dans
le caoutchouc est de 54m/s. Elle atteint
343m/s dans l'air sec et à 20°C (elle dépend
de sa température et du degré d'humidité),
1.480m/s dans l'eau, 3.200m/s dans la glace
et 5.900m/s dans l'acier. Il ne faut cependant
pas confondre la vitesse de la déformation
et la vitesse des déplacements microsco-
piques dans la déformation elle-même. Par
exemple, la vitesse du son dans l'air est de
343m/s, mais la vitesse de déplacement au
niveau microscopique n'est que de 50nm/s
(50 milliardièmes de mètre par seconde).
L'onde sonore est longitudinale, qualifica-
tif qui dit simplement que la propagation
et la déformation se font dans le même
sens (cela apparaît très bien sur l'anima-
tion évoquée ci-dessus). Par opposition, la
«ola» est une onde transverse puisque le
mouvement des bras est perpendiculaire
au déplacement de l'onde.
Qualifier le son
Le son, comme toutes ondes, sera carac-
térisé par la fréquence (), c'est-à-dire le
nombre de vibrations par seconde, mesurée
en hertz (Hz). On peut utiliser également la
période ( = 1/) pour qualifier la vibra-
tion, c'est-à-dire le temps, en secondes,
nécessaire pour exécuter un aller-retour.
Le son étant de la matière en mouve-
ment microscopique, il y aura forcément
de l'énergie cinétique (le fameux 1/2
MV
2
) associée à cette onde et comme le
matériau conducteur présente une cer-
taine «rigidité», cette énergie cinétique
sera convertie en énergie potentielle et
vice-versa. Il y a donc bien une énergie
mécanique totale dans ce phénomène.
Le son se propageant partout et à tous
les instants, une autre caractéristique
sera l'intensité sonore, qui est exprimée
en watt par mètre carré (W/m
2
), c'est-
à-dire l'énergie (en joules) qui traverse
par seconde une surface donnée (watt =
joule/seconde).
Transmission, réfraction,
réflexion
L'onde se propage partout tant qu'il y a
de la matière. Elle peut donc «contour-
ner» les obstacles placés sur son chemin;
on dit alors qu'elle diffracte. Elle peut être
transmise dans un autre milieu. Elle peut
en outre être réfléchie.
Quand l'onde change de milieu, cela en-
gendre un changement de direction dans
la propagation. La loi physique est celle de
Snell déduite pour la lumière, mais valable
aussi pour le son. Cette loi dit que l'angle
d'incidence 1 et l'angle transmis 2
sont liés entre eux par une équation qui
utilise une fonction trigonométrique: le
sinus d'un angle et la vitesse c1 et c2 de
l'onde dans les deux milieux.
La loi dit que le sin(1)/ c1= sin(2)/c2.
Cette loi a une conséquence intéressante.
Puisque le sinus d'un angle est toujours
plus petit que 1, il a nécessairement un
angle critique au-delà duquel l'onde est
entièrement réfléchie. Elle ne passe plus
dans l'autre milieu.
Par exemple, quand on passe du caout-
chouc (54m/s) à l'air (343m/s), la loi
nous dit donc sin(1)/ 54 = sin(2)/343.
En conséquence dès que 1 dépasse 9°,
le rayon ne passe plus dans l'air. Il reste
donc emprisonné dans le caoutchouc,
qui devient donc un guide d'onde. De
même, quand on passe de l'air (343m/s)
à l'acier (5.900m/s), on a sin(1)/343 =
sin(2)/5.900; ici si l'angle dans l'air dé-
passe 3° il est réfléchi. En conséquence,
c'est l'air qui guide l'onde.
En pratique
Dans le stéthoscope, la partie en caout-
chouc du tube souple guide le son, ensuite
c'est l'air contenu dans la lyre qui le guide
jusqu'aux oreilles.
Au sein du pavillon que l'on pose sur la peau
du patient, c'est encore l'air qui guide l'onde
sonore. Le diamètre du pavillon est en général
de 45mm, alors que le diamètre du tympan
est de 10mm. La surface du pavillon est donc
20,25 fois plus grande que celle du tympan,
permettant ainsi une plus grande intensité
sonore. Enfin, le pavillon est de forme co-
nique, ce qui augmente la pression dans la
partie étroite du cône. Le design physique du
stéthoscope vise donc à augmenter l'inten-
sité sonore véhiculée vers l'oreille.
Le son n'est évidemment pas composé
d'une seule fréquence. Son spectre en fré-
quences, sa couleur, détermine l'émetteur
du son. On différencie facilement un violon
d'un piano qui jouent pourtant la même
note, parce qu'ils présentent des couleurs
sonores différentes. Il en va de même avec
les sons cardiaques ou pulmonaires.
La membrane souple sur le pavillon permet
une meilleure réception des hautes fré-
quences, alors que le pavillon métallique,
lui, est plus sensible aux basses fréquences.
On peut donc ainsi capter la richesse so-
nore et distinguer l'ouverture et la ferme-
ture des valves cardiaques, mais aussi les
bruits liés à l'écoulement du sang.
Pr Pasquale Nardone
Laboratoire de Didactique des
Sciences physiques, ULB, Bruxelles
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Le stéthoscope:
comment ça marche?
S'il est vrai que le stéthoscope a été inventé en 1816 par le
docteur René Laënnec, il faut attendre 1961 pour en voir
apparaître, à l'initiative du Dr David Littmann, la version
moderne toujours utilisée à ce jour.
VOTRE ACTUALITÉ MÉDICO-SCIENTIFIQUE
Si le stéthoscope standard actuel est un
stéthoscope acoustique qui transmet les sons
grâce à de simples phénomènes physiques, le
stéthoscope électronique, quant à lui, amplifie
les sons captés. Il permet ainsi d'écouter des
bruits très faibles ou étouffés. Les stéthoscopes à
amplification électronique sont utilisés pour assurer
un diagnostic particulièrement précis. Quelques
modèles donnent la possibilité d'enregistrer les
résultats de l'auscultation et de les transférer sur un
ordinateur ou sur un dispositif mobile (smartphone,
PDA), avec le double avantage de pouvoir comparer
différentes auscultations, réalisées ou non chez un
même patient, et de les partager. En outre, certains
logiciels convertissent les signaux sonores en une
représentation visuelle sous forme de diagramme.
Le principal concurrent du stéthoscope, même dans
ses versions les plus abouties, pourrait bien être
à terme le smartphone. Nos téléphones «intelligents» sont en effet d'ores et déjà capables d'enregistrer les sons,
d'améliorer leur clarté, de les envoyer (par exemple à un praticien distant), de les interpréter (dans une certaine mesure)
et même d'enseigner la pratique de l'auscultation. iTunes et l'Android Store regorgent de ce genre d'applications.