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Le Spécialiste
13-14
11 septembre 2013
www.lespecialiste.be
MANAGEMENT
sition dans l'hôpital allemand et ensuite ce
qu'il changerait dans ce service de dialyse
(Figure 2). Il décrivit aussi ce qu'il pouvait
entendre. Alors qu'au début tout avait l'air
super, il semblait quand même y avoir de
grandes différences entre les deux hôpitaux
en termes de liberté et de responsabilité des
patients.»
Dialyse et hôpital de jour
Après la phase décrite ci-dessus pendant
laquelle l'étude d'essai a été réalisée avec
un nombre très limité de patients, Margo
Annemans effectue pendant le dernier
semestre un travail de terrain «à grande
échelle» avec des groupes de patients.
«Je vais notamment un jour par semaine
visiter les patients dans l'hôpital de jour et
un jour par semaine ceux en dialyse rénale.
J'ai fait délibérément le choix de ces deux
services, parce qu'il s'y trouve des profils
de patients très différents. Les patients en
dialyse sont très familiarisés avec le fonc-
tionnement de l'hôpital: celui-ci n'a plus
beaucoup de secrets pour eux étant don-
né qu'ils y séjournent très régulièrement
pendant de longues périodes de temps. Le
groupe des patients en dialyse comprend
un nombre de personnes limité, mais j'ai
construit avec elles une relation de longue
durée. L'hôpital de jour est fréquenté par
des personnes qui sont admises pour tout
au plus un jour et ont souvent peu de
contacts avec l'hôpital. Il s'agit pour elles
d'une expérience totalement nouvelle.
Dans l'hôpital de jour, j'interviewe briève-
ment un grand nombre de personnes après
leur intervention. La nature de l'opération
n'a pas d'importance.»
Inutile de dire que
«l'état d'esprit» dans les deux services
est totalement différent.
Correct au niveau fonctionnel
et ergonomique
Margo Annemans est à peu près à mi-
chemin de son étude doctorale sur les pa-
tients alités. L'objectif final est d'émettre des
recommandations pour guider les architectes
dans leur travail. «Accorder de l'attention au
vécu du patient n'empêche évidemment pas
de veiller à ce que l'aspect logistique fonc-
tionne également. C'est une condition sine
qua non. D'ailleurs, beaucoup d'études ont
déjà été réalisées à ce sujet. Et les projets EBD
impliquent aussi que tout doit fonctionner cor-
rectement au niveau fonctionnel et ergono-
mique. Le contraire est vrai aussi. Ce n'est pas
parce qu'un projet est positif pour le vécu du
patient qu'il ne devrait plus fonctionner.»
L'accent ayant été mis sur le vécu des
patients, les prestataires de soins et les
membres des équipes de direction des hô-
pitaux ont moins eu voix au chapitre dans
ce doctorat. Pour corriger cela, un dialogue
est prévu avec les prestataires de soins et
les directeurs. Dans une dernière phase,
les résultats leur seront soumis. «Il est
important de donner également la parole
aux médecins et aux directeurs»
, explique
Margo Annemans. «Parce que nous voulons
rester en contact avec le terrain. Ce serait
évidemment problématique si je fournissais
aux architectes des informations parfaites
que les autres acteurs du secteur hospitalier
trouveraient sans aucun intérêt.»
Geert Verrijken
1. Cette étude est réalisée avec le soutien de
l'Agence pour l'innovation par la recherche scien-
tifique et technologique (IWT) par le biais d'un
mandat Baekeland sous la direction de Ann Hey-
ligen et Chantal Van Audenhoven (KU Leuven) et
Hilde Vermolen (Osar).
Pour plus d'informations: margo.annemans@asro.kuleuven.be
Consentement éclairé
Pour réaliser cette étude, Annemans a évidemment eu besoin de l'accord
du comité d'éthique de l'hôpital. Pour y participer, les patients devaient
notamment donner leur consentement éclairé. «Pour des raisons de
protection de la vie privée, je n'avais pas le droit de savoir quels patients
participaient à l'étude. Mais comment pouvais-je leur demander leur
consentement si je ne pouvais pas savoir qui ils étaient? Finalement le
problème a été résolu via un bénévole qui a demandé aux patients leur
consentement. Après, j'ai pu connaître leur identité mais sans violer le
secret médical bien entendu. Cela ne m'intéressait pas non plus. Par
ailleurs, j'aurais bien aimé travailler dans un service d'oncologie. Parce
que c'était considéré comme trop stigmatisant, le comité d'éthique n'a
malheureusement pas approuvé cette demande.»
A View from the Front Line
Pour son doctorat, Margo Annemans s'est également rendue à l'étranger,
plus précisément au Maggie's Cancer Caring Centre de Londres. Annemans:
«En Grande-Bretagne, il y a plusieurs Maggie's centres. Ce sont des centres
de jour pour les patients atteints d'un cancer et les personnes qui sont
concernées par ce problème de près ou de loin
. Tout le monde ­ famille,
amis, patients guéris... ­ est le bienvenu. A la différence de l'hôpital, les gens
se retrouvent ensemble dans un environnement non clinique. Les
Maggie's
Centres offrent un soutien et sont l'oeuvre de toute une vie de l'architecte
Charles Jencks et de sa femme architecte paysagiste Maggie Keswick. Dans les
années 1990, on a diagnostiqué à Maggie un cancer du sein. A un moment, le
médecin a annoncé froidement à Maggie qu'elle n'avait plus que trois mois à
vivre. Après quoi elle s'est retrouvée dans le couloir. Patient suivant... De son
indignation est né le
Maggie's Trust: l'hôpital n'offre pas un environnement
adéquat aux personnes qui viennent d'apprendre qu'elles ont un cancer
Les centres essaient d'offrir un «environnement propice à la guérison»,
explique Margo Annemans. «Pour leur construction, Charles Jencks s'est
tourné vers des architectes de renom. Frank Gehry par exemple. Et Rem
Koolhaas. Les architectes travaillent sur la base d'un projet de commande.
Celui-ci contient traditionnellement le nombre de mètres carrés à prévoir pour
les différents espaces (toilette, cuisine, salle de séjour...). Maggie Keswick
a écrit au cours des dernières années de sa vie et de son combat contre le
cancer l'ouvrage biographique
`A View from the Front Line' (1), un projet
de commande mais pas dans le sens classique du terme. Elle y décrit son vécu
en tant que malade, l'environnement tel que perçu par une patiente atteinte
d'un cancer. Dans ce document, elle précise que la cuisine doit occuper une
position centrale, parce que les gens doivent pouvoir s'y retrouver ensemble;
qu'on doit pouvoir se retirer dans les toilettes pour pleurer; qu'un paysage vert
est important, sans indiquer toutefois combien d'hectares sont nécessaires,
etc. Le paysage du
Maggie's Centre à Londres est par exemple beaucoup plus
limité que celui des centres écossais
Annemans a réalisé une interview de groupe avec des visiteurs/utilisateur
du Maggie's Centre de Londres. «Les architectes voulaient donner aux
bâtiments des vertus curatives. C'est pourquoi j'ai demandé le point de vue
des utilisateurs lors d'un entretien de groupe. Lors d'une discussion séparée,
j'ai également reçu des explications de l'architecte. Ce que je voulais savoir,
c'était: le bâtiment fait-il ce qu'il se propose de faire? Et la réponse à cette
question a été positive. Les centres sont effectivement perçus comme des
lieux propices à la guérison
1. A View from the Front Line est téléchargeable sur http://www.maggiescentres.org/
Figure 2: Croquis effectué par un patient pour expliquer ce qu'il
faudrait améliorer à la disposition du service de dialyse.
Accorder de l'attention au vécu du patient
n'empêche évidemment pas de veiller à ce que
l'aspect logistique fonctionne également.