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I
Le Spécialiste
13-14
11 septembre 2013
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C'
est le thème original de la thèse
de doctorat intitulée «Vivre
couché»
de l'ingénieur archi-
tecte Margo Annemans. Cette étude est
réalisée dans le cadre d'un projet de colla-
boration entre la KU Leuven et l'Osar (1).
Ce bureau d'architectes est très actif dans
le secteur des soins de santé et a participé
à la création des nouvelles constructions
de l'hôpital Groeninge à Courtrai.
Evidence-based Design
Annemans ébauche d'abord l'historique.
«Au départ, le bureau Osar a surtout ré-
fléchi à l'architecture de bâtiments desti-
nés aux soins aux personnes âgées, à des
formules de logement et à la conception
de projets innovants. Cette réflexion a
été suivie dans une deuxième phase par
la recherche de nouvelles perspectives
et d'une typologie dans l'architecture
des hôpitaux.»
Ce qui s'est révélé beau-
coup plus complexe, explique Annemans.
D'une certaine manière, l'architecture
utilisée dans les centres d'héberge-
ment et de soins peut être adaptée aux
situations locales «au fur et à mesure».
Pour l'architecture des hôpitaux, ce n'est
toutefois pas possible.
La recherche scientifique à ce sujet n'en
est encore qu'à ses balbutiements. Il y a
encore beaucoup d'inconnues. L'objectif
visé est l'Evidence-based Design (EBD):
en bref, cette méthode implique que les
architectes utilisent des connaissances
scientifiquement prouvées pour conce-
voir un projet de bâtiment. Le terme est
toutefois souvent utilisé spécifiquement
dans le cadre des soins de santé. «Mais
les résultats de nombreuses études
EBD
n'ont pas encore atteint un stade de ma-
turité qui permette de les appliquer à des
projets d'hôpitaux,
explique Margo Anne-
mans. Dans le cadre de la méthode EBD,
on prend souvent un aspect d'un environ-
nement pour l'étudier. Ou on crée un en-
vironnement de laboratoire. Dans aucun
des deux cas on ne tient compte de tous
les paramètres de façon réaliste. En tirer
des conclusions générales pour la concep-
tion de projets est donc très difficile.»
Approche multisensorielle
Pour mieux se familiariser avec l'archi-
tecture des hôpitaux, Margo Annemans
a commencé son doctorat en octobre
2010. Son premier objectif était d'in-
former les architectes. «Une première
question, il y a
2,5 ans était: Qu'y a-t-il
déjà? Sur quoi pouvons-nous concentrer
notre étude "Vivre couché"?,
explique-
t-elle. Dans une première phase, nous
n'avons pas seulement examiné ce que
les architectes d'hôpitaux trouvent, mais
aussi le point de vue de différents acteurs
des soins de santé, comme les membres
des équipes de direction des hôpitaux,
les médecins, le personnel soignant et
les patients. Cela nous a conduits à une
approche multisensorielle, où la vision
de l'architecte se combine à la vision de
l'utilisateur. Comment les patients, cou-
chés dans leur lit d'hôpital, perçoivent-
ils l'espace? Il en résulte un point de vue
totalement différent du mode de concep-
tion traditionnel. Généralement, un archi-
tecte crée des espaces destinés à accueillir
des activités. Tandis que dans l'univers
des patients, c'est surtout le lit d'hôpital
qui occupe une position centrale. Toutes
leurs activités ­ dormir, manger, entrete-
nir des contacts sociaux ­ s'y déroulent.
Ils sont également véhiculés dans tout le
bâtiment, couchés dans leur lit.
Cela dit, la question se pose aussi de
savoir ce qu'on entend par patient
alité. Annemans: «Est-ce seulement le
cas lorsqu'il est couché dans son lit? Ou
aussi lorsque le patient, moyennant une
aide, peut se coucher et sortir de son lit?
Le patient assis dans le fauteuil à côté de
son lit fait également partie du sujet de
cette thèse de doctorat. En outre, il faut
bien entendu différencier le «transport
couché» du patient qui se déplace dans un
fauteuil roulant.»
Etude d'essai
Tout d'abord, il était important de déve-
lopper une méthodologie utilisable avant
de commencer l'étude à proprement par-
ler. Margo Annemans: «Le patient moyen
éprouve des difficultés à répondre à des
questions sur la manière dont il ressent
l'espace dans lequel il est couché. Les gens
ne s'en préoccupent pas vraiment et n'ont
souvent pas un vocabulaire adéquat. C'est
pourquoi nous avons réalisé pendant les
18 premiers mois une étude d'essai avec
un nombre limité de patients. Leur res-
senti n'était pas tellement important en
soi. Mais nous demandions aux patients
de documenter leurs dires. Par exemple en
prenant des photos, en faisant des dessins
en partant de leur point de vue et en décri-
vant leur ressenti. Il y avait par exemple une
femme qui avait pris une photo de l'appui
de fenêtre de sa chambre d'hôpital (Figure 1).
Les fenêtres sont traditionnellement asso-
ciées à de l'air frais et à une ouverture sur le
monde extérieur. Cette patiente a cepen-
dant raconté que via cette fenêtre elle avait
vue sur la cour intérieure et entendait sou-
vent cliqueter les couverts dans la cafétéria
en contrebas. Cela lui donnait l'impression
d'être dans un centre de vacances et elle ne
trouvait pas cela convenable dans un milieu
hospitalier.»
L'étude d'essai limitée a montré le grand
intérêt des dessins. Les gens en disent
ainsi beaucoup plus long et ont la pos-
sibilité de décrire leur propre ressenti et
de raconter leur propre histoire. Anne-
mans évoque le récit d'un homme âgé
en hémodialyse. «Il ne comprenait pas
pourquoi il devait prendre des photos lui-
même. Pourquoi ne pouvais-je pas le faire
moi-même? De plus, tout était parfait et
super pour lui. Jusqu'à ce qu'un vécu enfoui
ne remonte à la surface. Il était resté aupa-
ravant un certain temps en hémodialyse
dans un hôpital allemand. Là, l'organisa-
tion était totalement différente, raconta-
t-il. Le lit était par exemple placé de façon
telle qu'il était moins dans le courant d'air
que maintenant. L'homme dessina la dispo-
HE0580F
«Vivre couché»
, comment les patients
vivent-ils l'hôpital?
Généralement, un architecte crée des espaces destinés à
accueillir des activités: la cuisine pour cuisiner, la chambre à
coucher pour dormir... Beaucoup d'importance est donnée au
bâtiment. Mais les patients dans leur lit d'hôpital ne voient
pas leur environnement de cette façon. Dans leur univers, le lit
occupe une place centrale. C'est là que se déroulent toutes
leurs activités: dormir, manger, entretenir des contacts sociaux.
Les patients sont également véhiculés dans tout le bâtiment,
couchés dans leur lit. Comment les patients alités vivent-ils
cette réalité?
Margo Annemans (bureau d'architectes
Osar, qui a participé à la création des
nouvelles constructions de l'hôpital
Groeninge à Courtrai).
Figure 1: Fenêtre photographiée par une patiente pour illustrer le
bruit qu'elle y associe.
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