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I
Le Spécialiste
13-14
11 septembre 2013
www.lespecialiste.be
Des facteurs environnemen-
taux comme déclencheurs de
la schizophrénie
Au début de son exposé, le Pr Robbin
Murray (Institut de psychiatrie, King's
College
, Londres), qui dirige l'un des plus
grands groupes européens de recherche
dans le domaine des affections psycho-
tiques et qui a été nommé au rang des
psychiatres les plus éminents du monde
par ScienceWatch il y a quelques années,
a affirmé que la schizophrénie est le
résultat d'une interaction complexe entre
susceptibilité génétique et facteurs envi-
ronnementaux.
Il a commenté l'étude AESOP (Aetiology
and Ethnicity in Schizophrenia and Other
Psychoses
), dans laquelle les chercheurs ont
étudié les facteurs sociaux liés à l'élévation
du risque de psychoses (1). Cette étude
épidémiologique a été menée chez des
individus âgés de 16 à 65 ans qui s'étaient
présentés chez un prestataire de soins psy-
chiatriques dans les régions de South East
London, Nottingham ou Bristol, c'est-à-dire
trois villes anglaises caractérisées par des
structures urbaines très différentes et par
un contexte socioculturel diversifié. Sur le
plan de l'incidence de la schizophrénie, un
écart significatif s'est immédiatement ma-
nifesté entre Londres (20,1/100.000 habi-
tants) et les deux autres villes (7,7/100.000
à Nottingham et 7,2/100.000 à Bristol).
Des recherches comparables réalisées dans
d'autres pays européens ont également
montré une baisse de l'incidence de la schi-
zophrénie suivant la règle: grandes villes >
petites villes > milieux ruraux, qui traduit
une augmentation du risque en fonction
de la densité de population. Par ailleurs,
à Londres, l'incidence est clairement plus
élevée chez les populations immigrées
(africaines). Le Pr Murray a argumenté
que le risque accru de schizophrénie était
partiellement lié au manque de structure
familiale et à l'isolement social, qui vont de
pair avec l'immigration depuis une culture
non européenne vers une grande ville. Et de
conclure: «Il apparaît de plus en plus claire-
ment que la schizophrénie n'est pas seule-
ment une affection cérébrale. De nombreux
facteurs sociaux présentent un lien de
causalité et contribuent au tableau.»
Dans le cadre de l'étude AESOP, un suivi
mené sur une période de 10 ans chez
480 patients en premier épisode psycho-
tique a montré qu'un grand nombre de
patients fonctionnaient bien et pouvaient
espérer une évolution favorable (2). A ce
propos, le Pr Murray a souligné qu'il existe
aujourd'hui suffisamment d'éléments pro-
bants pour ne plus considérer la schizo-
phrénie comme une affection progressive (3).
Une nouvelle méthodologie:
la méta-analyse multi-
traitements
A ce jour, quelque 400 études randomi-
sées sur l'évaluation d'antipsychotiques
atypiques ont fait l'objet d'une publica-
tion. Pour le médecin chargé du traite-
ment, il est donc quasiment impossible
d'assimiler cette quantité considérable
d'informations et de tirer des conclu-
sions claires sur l'efficacité des produits,
comme l'a expliqué le Pr Stefan Leucht
(département de psychiatrie et de psy-
chothérapie, Technische Universität Mün-
chen
). Une solution peut être trouvée
grâce aux méta-analyses, qui visent à
fournir des données comparatives sur
le profil d'efficacité et de sécurité des
médicaments sur la base du traitement
statistique des résultats des études origi-
nales. Le Pr Leucht a récapitulé les points
forts et les points faibles des méta-
analyses dans ce domaine et a insisté
sur le fait que tous les antipsychotiques
n'ont pas bénéficié d'une comparaison
directe (head-to-head) dans le cadre
d'une étude randomisée. C'est d'ailleurs
l'un des principaux obstacles à l'établis-
sement d'une hiérarchie interne pour
les antipsychotiques atypiques (par ex.
pour des paramètres tels que l'efficacité,
la sécurité ou la tolérance). Dans le but
de pouvoir émettre des avis compara-
tifs, une nouvelle méthodologie a donc
été développée: la méta-analyse multi-
traitements (multiple treatment meta-
analysis
), aussi appelée méta-analyse en
réseau (4, 5).
Cette nouvelle méthode a été appliquée
par le Pr Stefan Leucht (pour la première
fois) pour l'évaluation d'antipsychotiques
dans le traitement de la schizophrénie.
Les résultats de 212 études randomisées
ont été combinés et 15 antipsychotiques
ont été comparés selon un schéma head-
to-head
ou contrôlé contre placebo (n
= 43.049) (6). Le critère d'évaluation
principal était l'efficacité par rapport au
placebo suivant l'échelle PANSS (Positive
and Negative Syndrome Scale
) et/ou BPRS
(Brief Psychiatric Rating Scale). En tenant
compte uniquement de l'efficacité, une
hiérarchie a pu être établie reprenant
pour les cinq antipsychotiques les plus
efficaces: clozapine, amisulpride, olanza-
pine, rispéridone, palipéridone. D'autre
part, dans la pratique clinique, d'autres
critères tels que la tolérance, certains ef-
fets secondaires comme la prise de poids
et l'allongement du QTc (définis comme
des critères d'évaluation secondaires
dans la méta-analyse) se révèlent d'une
importance primordiale pour le choix.
Dr Ronny Leemans
Références
1. Kirkbride et al. Arch Gen Psychiatry
2006;63(3):250-8.
2. Morgan et al. Psychol Med 2013;16:1-13.
3. Zipursky et al. Schizophr Bull 2012 Dec 7 [Epub
ahead of print].
4. Cipriani et al. Lancet 2009;373(9665):746-58.
5. Cipriani et al. Lancet 2011; 378(9799):1306-15.
6.
Leucht et al. Lancet 2013, accepted for publication.
JS0630F
Schizophrénie:
State of the Art
Des psychiatres belges et étrangers de renom ont abordé
divers aspects de la schizophrénie au cours de la 4
e
confé-
rence de consensus belge sur la schizophrénie (centre psy-
chiatrique universitaire, campus Kortenberg, KU Leuven). Le
Pr Robbin Murray (King's Colleg
e, Londres) a approfondi les
facteurs environnementaux susceptibles de mener à la schizo-
phrénie, tandis que le Pr Stefan Leucht (Université de Munich) a
présenté les résultats de la première méta-analyse en réseau
consacrée aux antipsychotiques.
VOTRE ACTUALITÉ MÉDICO-SCIENTIFIQUE
A
B
C
A
B
C
Figure: Des études ont comparé A à B et A à C, mais pas B à C.
La méta-analyse multi-traitements (Multiple-Treatment Meta-Analysis,
MTM) permet de comparer l'effet de B et de C par déduction, sur la
base des résultats des autres études.
Pr Robbin
Murray: «Je
le dis et je
le répète, la
schizophré-
nie n'est pas
une affection
progressive.»
Le Pr Leucht a donné un
aperçu des points forts
et des points faibles des
méta-analyses dans ce
domaine. Il a insisté sur
le fait que tous les anti-
psychotiques n'ont pas
bénéficié d'une compa-
raison directe (
head-to-
head) dans le cadre d'une
étude randomisée.