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I
Le Spécialiste
13-14
11 septembre 2013
www.lespecialiste.be
«L
'une des causes de la disparité
dans la prise en charge de la
maladie réside dans les recom-
mandations: strictes en Europe, où le NICE
en 2013 (3) et EUNETHYDIS en 2004 (4)
proposent ce traitement en cas de symp-
tômes ou de handicap sévères ou en pré-
sence de symptômes modérés lorsqu'il y a
refus du patient ou efficacité insuffisante
du traitement non médicamenteux, tandis
que l'
American Academy of Pediatrics (6)
le propose dès qu'un enfant ou un ado-
lescent rencontre les critères diagnostiques
du TDAH, les non-stimulants apparaissant
en seconde ligne ou en cas de préférence
familiale»
, explique Diane Purper-Ouakil
(Montpellier).
En termes d'efficacité, on peut se rappeler
que l'effect size est de 0,78 à court terme
pour le méthylphénidate, 0,64 pour l'ato-
moxétine, 0,58 pour la clonidine et 0,31
pour les oméga-3, ces derniers, n'étant
pas stimulants, nécessitant bien entendu
un délai plus long avant de démontrer leur
efficacité (6). Cette efficacité se base sur
les symptômes cliniques (60-80% d'amé-
lioration marquée par une réduction de
40-50% des scores) ainsi que sur l'amé-
lioration des symptômes associés: com-
portement scolaire, réalisation de tâches,
oppositionnisme, labilité émotionnelle...
«Mais il faut aussi juger l'enfant sur d'autres
critères, notamment cognitifs, avant d'affir-
mer l'efficacité d'un traitement»
, remarque
Diane Purper-Ouakil.
Cela dit, les études en IRM, qui ont montré
que certaines zones cérébrales sont plus
développées chez les patients avec TDAH
et d'autres moins, ont aussi montré qu'un
traitement psychostimulant leur permet
de gagner du volume (7).
Bénéfices et limites du
méthylphénidate
De manière plus spécifique, on peut dire
que le méthylphénidate augmente la dis-
ponibilité des transporteurs de dopamine
(8); il normalise également l'activité
corticale préfrontale (9) et augmente la
connectivité entre les régions frontopa-
riétales, avec un bénéfice net en termes
de mémorisation (10). L'EMA recom-
mande son administration aux enfants
de plus de 6 ans et aux adolescents,
sous la supervision d'un spécialiste,
après examen médical attentif portant
notamment sur les antécédents (poids,
taille, événements cardiovasculaires,
ECG, risque d'abus médicamenteux) et
les paramètres cardiaques (pression,
rythme), tout en suivant régulièrement
le pouls, la pression artérielle (tous les
3 mois), le poids (tous les 3 mois) et la
taille (tous les 6 mois: elle est générale-
ment moindre de 1-2cm à l'âge adulte
chez les patients traités), ainsi que la
survenue éventuelle d'effets secondaires
ou de symptômes psychiatriques (tous
les mois). De plus, l'EMA conseille des
«repos thérapeutiques» au minimum
annuels. Initié à faible dose, et augmen-
té progressivement tous les 3-7 jours
jusqu'à la dose maximale tolérée, il doit
être évalué régulièrement en termes de
dosage pour garantir l'absence d'effets
indésirables, la pertinence du traitement
devant être reprécisée annuellement (3,
4). Une revue récente effectuée par Sa-
muele Cortese passe en détail tous les
points à prendre en compte en cas d'effet
indésirable, aussi minime soit-il (11).
Enfin, pour éviter les abus qui surviennent
chez 16-29% des enfants, la forme à libé-
ration prolongée semble préférable, tandis
qu'il est capital d'apprécier l'amélioration
des performances académiques et de la vi-
gilance tout en adaptant régulièrement la
posologie (12). En cas de mauvaise réponse
(que l'on retrouve plus fréquemment en
cas de symptômes anxieux associés, de
troubles du sommeil, de niveau socio-éco-
nomique faible ou de QI < 100), le choix
reste d'augmenter la dose (jusque 90mg/j),
de changer de stimulant (la dexamphé-
tamine), de proposer un non-stimulant
(bupropion, clonidine, modafinil, imipra-
mine) ou de l'associer à l'atomoxétine (13).
Respecter ces règles strictes permet dans
34% des cas un effet initial modéré suivi
d'une amélioration progressive, dans 52%,
une amélioration substantielle d'emblée et
qui se maintient et dans 14% des cas, une
amélioration initiale avant détérioration
(14). Dernier point, et non des moindres,
il semble que les patients bien suivis aient
un taux de criminalité moindre à long
terme. Parallèlement, ils pourraient être
moins enclins aux abus, comme en té-
moigne un taux de tabagisme nettement
moins élevé (7,1% contre 19,6%) (15).
Dr Dominique-Jean Bouilliez
N1950F
TDAH: Entre bon grain et ivraie
Le TDA(H) (Trouble du Déficit d'Attention avec/sans Hyperactivité)
a toujours suscité la polémique, au point que des disparités
énormes apparaissent en termes d'attitude thérapeutique selon
les pays. Aux Etats-Unis par exemple, 33-79% des enfants et
adolescents avec TDAH reçoivent un traitement psychostimulant
(1), alors qu'ils ne sont que 5% en France (2).
VOTRE ACTUALITÉ MÉDICO-SCIENTIFIQUE
JS0764BF
TDAH: Quel(s)
traitement(s)
chez l'adulte?
Outre les symptômes classiques du TDA(H), il faut tenir
compte chez l'adulte de la dysfonction émotionnelle, que l'on
pourrait définir par la combinaison d'une labilité émotionnelle
avec perte de contrôle par épisodes et d'une hyperréactivité
émotionnelle, tous éléments sur lesquels l'atomoxétine a
montré un potentiel intéressant (16), au même titre que le
méthylphénidate (17).
L
e jeu en vaut la chandelle car chez
l'adulte, 8 des 19 symptômes les
plus fréquents sont de type émo-
tionnel (18), et ne doivent pas être
confondus avec certains des symptômes
que présentent les patients avec trouble
bipolaire, trouble de la personnalité ou
syndrome anxio-dépressif. «Quoi qu'il en
soit
, souligne Sandra Kooij (Den Haag), la
difficulté de traiter un adulte réside dans
le fait que tous les produits que l'on peut
proposer sont `
off label'. Il est par ailleurs
primordial de ne pas oublier les traitements
non médicamenteux: cognitivo-compor-
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
OR
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T
out abus de substanc
e
Adapté de Kessler R, et al. Am J Psychiatry. 2006 Apr;163(4):716-23).
Il faut aussi juger l'enfant
sur d'autres critères,
notamment cognitifs,
avant d'affirmer
l'efficacité d'un
traitement.
Figure: Risque de comorbidité dans la US National Comorbidity Survey.