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MEDI-
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28 mars 2013
CAHiER
PRéVENtioN
CAHiER
PRéVENtioN
Que dire de l'association entre BPCO et
cancer du poumon?
Marc Decramer: La BPCO est un facteur de risque indépendant de
cancer du poumon. Ici aussi, le tabac semble le commun dénomi-
nateur tout désigné, mais ce concept est trop simpliste. En effet, le
risque de cancer du poumon chez les patients BPCO est 2 à 6 fois
plus élevé que celui auquel sont exposés les fumeurs non BPCO (9).
La réduction du VEMS est par ailleurs associée à une augmentation
du risque de cancer indépendamment de l'histoire tabagique (10).
Les mécanismes par lesquels la BPCO prédispose au cancer sont extrê-
mement complexes. Les études d'association à l'échelle du génome
complet et les études cas-contrôles ont permis d'identifier des loci gé-
nétiques communs impliqués dans l'augmentation du risque de cancer
pulmonaire et de BPCO. Ces régions sont associées à la production
de protéines intervenant dans la pathogénie des deux affections. Plu-
sieurs publications récentes ont été consacrées à ce domaine (11-14).
Des modifications épigénétiques pourraient également jouer un
rôle. Il s'agit de changements dans l'expression génique sans altéra-
tion des séquences nucléotidiques: acétylation des histones, méthy-
lation de l'ADN... Certaines de ces modifications pourraient pré-
disposer les individus à la fois à la BPCO et au cancer (15).
Enfin, plusieurs auteurs ont évoqué le rôle de l'inflammation per-
sistante chronique. L'activation de médiateurs pro-inflammatoires
caractéristique de la BPCO créerait un micro-environnement
propice à l'apparition d'un cancer (16).
Quel impact ces observations ont-elles sur
l'attitude thérapeutique?
Marc Decramer: Tout le monde insiste sur la nécessité de recher-
cher et de traiter les comorbidités, même s'il n'existe pas jusqu'ici
de recommandations précises et officielles en la matière.
Signalons à ce propos que les bêta-bloquants sélectifs, comme
l'aténolol et le bisoprolol, peuvent être administrés aux patients
BPCO (17).
La prévention et le traitement de l'ostéoporose sont prépondérants.
Les patients avec ostéopénie ou ostéoporose ne requérant pas de
traitement par corticoïdes systémiques ou ne présentant pas de
fragilité osseuse excessive devraient recevoir 800UI de vitamine D
et 1g de calcium chaque jour (18). En cas d'ostéoporose sévère ou
d'ostéopénie avec fragilité osseuse documentée ou corticothérapie
systémique chronique, il est indiqué de se tourner vers un traite-
ment antirésorptif par bisphoshonate.
La réhabilitation respiratoire est très utile pour combattre la fai-
blesse musculaire. Elle améliore la tolérance à l'effort et la qualité
de vie (19).
La correction des facteurs de risque communs
est probablement un aspect important...
Marc Decramer: Il est clairement établi que la cessation tabagique
diminue à la fois la progression de la BPCO, les comorbidités et la
mortalité (20). En revanche, il n'existe pas d'évidence manifeste
démontrant qu'une diminution de l'inflammation systémique ou
une augmentation de l'activité physique aient un effet.
Le traitement de la BPCO a-t-il un effet sur
les comorbidités?
Marc Decramer: Aucune étude prospective et randomisée ne per-
met de répondre clairement à cette question, notamment parce que
la présence de comorbidités importantes constitue la plupart du
temps un critère d'exclusion. Des données suggèrent toutefois un
effet bénéfique des bronchodilatateurs.
Ainsi, les études UPLIFT et TORCH indiquent que le tiotropium,
dans UPLIFT, et l'association de flutacisone et de salmétérol, dans
TORCH, pourraient réduire la mortalité due à une cause différente
de la BPCO (21, 22). Dans l'étude UPLIFT, on observe une réduc-
tion significative de l'incidence des infarctus.
Il nous reste à vous poser la question inverse:
le traitement des comorbidités a-t-il un effet
bénéfique sur la BPCO?
Marc Decramer: Ici aussi, nous ne disposons d'aucune étude pros-
pective, mais des données observationnelles suggèrent que des
médicaments prescrits au long cours pour les comorbidités influent
sur l'évolution de la BPCO. C'est le cas des statines, des inhibiteurs
de l'angiotensine convertase, des sartans et des bêta-bloquants (23-
29). Ces observations ne sont toutefois pas suffisamment robustes
pour donner lieu à des recommandations fermes.
Cet article livre des informations sur la recherche. Certaines données sont susceptibles de ne pas
être validées par les instances belges en matière de soins de santé.
Références
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L'avis du professeur Decramer
(Chef de service pneumologie, UZ Leuven)